« L’esprit de la Résistance dans les territoires occupés en France en 1870/71, en19 14/18 et 1940/44 »,

Rencontre prévu le 19/11/2014

« Trois fois en l’espace de la vie d’un homme, la France est envahie par les Allemands » : plusieurs points communs relient les trois guerres de 1870, 1914, 1939 : les occupations de territoires Français où des résistances se sont levées. Une filiation, à la fois dans les mémoires nationales et dans les actes, a-t-elle existé au cours de ces trois conflits ?

C’est à cette interrogation qu’ont répondu, au cours de ce colloque présidé par Gilles Perrault auteur du Dictionnaire Amoureux de la Résistance paru aux éditions Plon, cinq historiens. Pour le Colonel Armel Dirou auteur d’un livre récent sur « La Guérilla en 1870 » aux Ed. Bernard Giovanangeli, c’est après la chute de Sedan le 2 septembre 1870, que Gambetta, généralise la guerre contre les prussiens et implique la nation en l’exhortant à la résistance : « …Que chaque François reçoive ou prenne un fusil….la patrie est en danger… ». Des compagnies ou corps francs de francs-tireurs voient le jour : près de quatre-vingt mille hommes y participeront. Leur action toutefois trouvera une limite face à la réticence du gouvernement provisoire de ne pouvoir contrôler tous leurs faits et gestes. Quant aux officiers allemands préparés et familiers des « guerres irrégulières », ils exerceront leurs actions coercitives en réactions au harcèlement des francs-tireurs pour garantir la sureté de leurs communications. Ces « guérillas de 1870 » préfigurent les actions de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale et les combats que lui livrent les troupes d’occupation allemande. Historien et auteur, « De la France occupée 1914-1918. Ed. Armand Collin », il revenait à Philippe Nivet, professeur à l’Université de Picardie dévoquer le visage de l’occupation allemande qui a concernée dix départements totalement ou partiellement occupés après la stabilisation du front à la fin de l’année 1914. Le quotidien de cette occupation fut très rude allant de la privation des libertés jusqu’à la famine et la résistance y fut très active. Très tôt des réseaux recueillent des renseignements militaires destinés aux armées alliées et aident à passer les lignes et la frontière – particulièrement bien gardée – des Pays-Bas pour s’engager contre l’Allemagne. Il a retracé le parcours de quelques belles figures de la résistance comme celle de Louise de Bettignies, arrêté à Tournai et décédée en déportation ou celle de Jean-Baptiste Lebas conseiller municipal de Roubaix, emprisonné en Allemagne en 1916 et qui 20 ans plus tard fera partie des premiers résistants de juin 1940 et mourra en déportation ….belle filiation de cet esprit de résistance ! Emmanuel Debruyne, chargé de cours histoire à l’Université catholique de Louvain a évoqué, la résistance en Belgique deux fois occupée au cours des deux derniers conflits. En 1914, très tôt on assiste à la naissance de filières d’évasion et aussi d’espionnage au profit des Alliés : 6500 agents y participent dans près de 250 réseaux dont les plus développés et les plus influents sont socio-politiquement catholiques en s’appuyant sur clergé : Dame blanche, Sacré-Cœur, Mot du Soldat, Libre Belgique. La presse clandestine est très importante, on recense près de 80 journaux qui jouent un rôle majeur pour l’information d’une population isolée. Si au cours de ce premier conflit la résistance armée fut pratiquement inexistante, il y aura néanmoins 277 femmes et hommes pris en otages et fusillés sur lesquels se focalisera en Belgique la mémoire de la résistance après 1918 et dont la résistance 1940-1945 est l’héritière directe. Au cours du second conflit la Belgique et le Nord de la France – régions proches de l’Angleterre – seront intégrées dans une même zone d’occupation placée sous la direction du commandement militaire allemand de Bruxelles. Laurent Thiery, docteur en Histoire et Historien de La Coupole, confirme que la résistance dans le département du Nord de la France se lève très tôt marquée par l’héritage de l’occupation allemande lors de la Grande Guerre et aussi du fait de l’aide apportée par les populations aux soldats anglais évadés ou cachés. Pour ces départements l’objectif des nazis et de les « germaniser » dans l’hypothèse d’un ensemble « Nord-Allemand » regroupant la Belgique et les Pays-Bas. Dans ce département la politique de répression est conduite par les autorités militaires qui excluent la Gestapo et la SS, s’efforçant dans un premier temps de préserver des liens avec la population locale rendant d’une certaine façon l’occupation moins contraignante. Jamais la majorité des habitants ne se prendra au jeu de cette mansuétude qui s’arrêtera fin 1943 au moment où les projets de débarquements des Alliés se profilent.

Tours « préfecture de la Touraine » fut par trois fois une éphémère, capitale de la France, au cours de trois conflits Thierry Vivier professeur d’histoire-géographie au Lycée Léonard de Vinci à Amboise, s’est interrogé sur l’attitude des châtelains et des paysans en Touraine pendant les « années terribles 1870-1871 /1940-1944 ». Il a évoqué les permanences et les ruptures de ces deux occupations : il est clair pour lui, que dans cette société rurale, bien des Tourangeaux ne s’accommodèrent pas de la présence prussienne en 1870 et que le souvenir de cette occupation entraîna les paysans et les nobles à résister en 1940 comme leurs ancêtres à l’ennemi qui violait leur patrie.

 

Jean Novosseloff