Guy Chevalier

Guy Chevalier

Instituteur en Côte d’Or, membre actif des maquis de Bourgogne.

Vidéo

Durée : 18:44

L’exode et l’occupation

En juin 40, j’étais à la fin de mon séjour au tri postal et en même temps j’ai préparé la 2èmepartie de mon brevet supérieur. je suis donc rentré à la maison, parti en exode mais les Allemands allaient plus vite que moi !!! c’est arrivé à bien des Français, ils étaient à Moulins alors que j’allais vers Montceau-les-Mines et je n’avais plus qu’à faire demi-tour, je suis revenu à Marsannay-la-Côte d’où j’étais parti. J’ai croisé des convois allemands qui s’en allaient dans l’autre sens et j’ai atteint un convoi de prisonniers.

Arrivé un peu avant Nuits-Saint-Georges, à la courbe de Premeaux, j’ai entendu qu’on m’appelait par mon prénom, évidemment ça m’a intéressé et comme convenu avec ceux je me suis arrêté à Nuits-Saint-Georges. J’ai cherché à apporter à ces prisonniers de quoi leur donner à manger. Pendant les quelques pendant minutes où ils mangeaient nous sommes convenus, à leur c’est initiative que je gagne Marsannay à bicyclette et des familles viendraient dans le bas du village, le long de la route de Beaune, pour les aider à laisser leur uniforme et s’habiller en civil.

L’année suivante j’ai été reçu au brevet supérieur. J’ai déposé à l’Inspection Académique une demande pour un poste d’instituteur. J’ai eu la chance d’aller aux Laumes et de n’en pas bouger. A l’école, régulièrement les après-midis, un camion de la laiterie Bel, dont le directeur était le maire des Laumes, Ferdinand Brenot, un camion apportait du lait pour les élèves et il se trouve que le chauffeur-laitier a évoqué amorcé, un jour l’idée de la résistance. Il m’a parlé vaguement à Semur d’un camp et j’ai compris qu’il s’agissait d’une formation de résistance dont le centre était à Semur, dirigé par un homme appelé Henri Camp.

Ma Résistance active

Quand j’ai reçu la convocation de la préfecture de Dijon qui m’invitait à me rendre à la gare de Dijon pour partir travailler en Allemagne, ma première réaction ça été de trouver la solution pour ne pas partir. Avec le vélo de mon frère prisonnier, je suis monté dans le camion du laitier qui m’a déposé là où une place disponible se trouvait, c’était chez madame Benoît, une femme de prisonnier dont le domestique venait de partir travailler en Allemagne.

Un autre domestique est arrivé du Loiret amené par monsieur Parisot, grand résistant de Vic, jusqu’au jour où, par je ne sais quelle liaison, j’ai été invité à aller avec un camarade réfractaire à Vic … chez Henri Camp qui parlait clairement et qui n’a fait aucune manière pour nous fournir des armes, il était déjà renseigné sur nous. Nous sommes partis faire le travail prévu. Il s’agissait d’opérer des sabotages pour que l’Auxois ne soit pas le seul à saboter des batteuses. Je suis rentré à Vic-de- Chassenay où une partie des camarades avaient déjà gagné le maquis. Pour ma part, j’ai éprouvé le besoin d’en faire autant.

Le Maquis

Je suis parti au maquis du côté des bois de Bourbilly où nous avons passé des jours sous la pluie, dormant dans la pluie, c’est à cette époque-là qu’Henri Camp accompagné de, je l’ai su après, Roclore et un résistant de la région de Saulieu, et d’autres résistants   sont allés saboter du côté de Saulieu à la demande du docteur Roclore.

J’étais agent de liaison. J’allais, je venais. J’ai transporté en particulier dans la neige tassée et qui se cassait sous mes roues de vélo, un saloir fourni à Semur par monsieur Béguin et avec Flageot,venu d’Avallon et qui était au maquis depuis septembre 1943.  Nous sommes allés jusqu’au maquis Guynemer porter ce saloir. Il fallait traverser l’Argentalet par un petit pont, grimper une échelle le long de la roche avec le saloir et atteindre cette petite grotte qui était en haut, où il y avait de quoi faire du feu.

Ils étaient une dizaine là en-haut. La garde était faite par le dessus où se trouvaient des friches. On voyait au loin le village de Sincey-lès-Rouvray, c’est là qu’on trouvait du pain, la viande arrivait également, et nous avions dans le saloir de la viande qui nous avait été fournie par le boucher Gauthier de Toutry, c’était une liaison qui était en même temps du ravitaillement, c’était la vie des groupes maquis.

Les combats pour la libération

Cette nuit-là, c’est moi qui suis chef du groupe qui se trouve au rond-point. Une petite bêtise, un camion, un 5 tonnes au moins, arrive, qui a été arrimé sur la nationale 6, il est chargé de pêches et d’abricots dans des cageots, on appelle des gars du maquis pour venir aider à décharger le camion, ceci à 2 heures du matin peut-être, on empile ça, on mange les pêches… et on retourne se coucher, le camion s’en va, on laisse au gars un tonneau de vin qui était à lui, qui était dans le camion, il s’en allait sur Paris et à 5 heures et demi, rafales au poste au-delà de Genay. Alerte évidemment, Henri Camp fait sortir du maquis, Christiane Perceret qui pour une rare nuit avait couché sous une tente, seule, il la fait sortir du maquis avant qu’il soit encerclé, en même temps qu’un camarade, Mickey, qui était armurier et qui était tout le temps dans une espèce de fosse de 2 mètres de haut où il descendait par une petite échelle et où il y avait l’explosif, il était empoisonné pratiquement, il fallait qu’il soit évacué.

Ils sont sortis du bois et ils sont arrivés àColoncheoù le docteur Brumeest venu soigner Mickey. Christiane Perceret a continué du côté de Clamerey et Henri Camp voulait savoir ce qu’il se passait. En traction avec plusieurs résistantset arrivés à Genay, il a aperçu des Allemands qui s’avançaient courbés en direction du village.

Il a tiré quelques rafales, les Allemands ont répondu, le fils du boucher qui avait 14 ans attendait sur le pont avec des chargeurs de fusils mitrailleurs. J’ai reçu l’ordre d’Henri Camp de me poster avec des maquisards dans une tranchée qu’on avait creusée les jours précédents autour du maquis. Le but c’était la défense, ça n’était pas la fuite et en même temps Henri Camp avec un groupe de 30 hommes certainement est venu par le chemin qui sortait du bois pour savoir exactement les intentions de l’armée allemande.

C’est là qu’à un moment donné, le soleil dans les yeux, il s’est accoudé sur un talus et il a reçu la rafale dans le bas ventre, il a été ramené au camp, les hommages lui ont été rendus, il a été chargé dans une voiture et ils sont sortis à toute vitesse en faisant sauter les barrages sommaires que les Allemands avaient disposés. Ils sont allés plus loin du côté du Moulin de Vaucaveau.

Les Allemands sont arrivés au camp, à ce moment-là, les anciens, on a décidé de sortir en force du bois avec le plus de camions possibles, chargés le plus possible, dans une direction qu’on supposait libre et, aussitôt au milieu du bois avec le grand Legris, …, Monfortet d’autres pour rassembler, jusqu’au moment où, « sauve-qui-peut, ils sont là, ils arrivent, on ne peut pas rester, faites-en autant ».

Ils étaient à trente mètres de nous. « Par ici, venez en groupe, comment tu t’appelles ? », je lui ai dit 5 lettres et j’ai tiré quelques rafales. Ils se sont baissés… d’autres camarades ont voulu en faire autant, ils se sont redressés, ils nous ont tiré dessus, des branches sont tombées, on est rentrés dans le bois et on est restés dans le bois. Alors on a entendu des Français, des miliciens qui se parlaient à dix mètres de nous, c’était de la milice à Pétain, et le soir quand le gros orage est arrivé, on est sortis du bois en direction évidemment de Vic-de-Chassenay où il y a eu des arrestations… à Cussy-les-Forges, Epoisses, Toutry, un peu partout et il fallait quelqu’un qui dirige.

On s’est tourné vers Jacques et il a accepté. Il aidé par un capitaine de la guerre de 1914, instituteur à Grignon, au-dessus des Laumes, et également épaulé par un lieutenant de l’armée de 40, le seul en Côte d’Or qui a gagné le maquis avant la Libération, c’était un capitaine…, enfin on l’a appelé « Fève ».

Après le 3 août 1944, le maquis s’est regroupé et nous avons vu arriver une patrouille américaine conduite par un Français, il s’agissait d’aller aux Laumes, à Semur, à Montbard voir s’il n’y avait pas de blindés. C’était important pour les Américains qui étaient déjà très avancés du côté de Chaumont et dans notre région, c’était toujours le couloir de passage entre Bordeaux et l’Allemagne.

Nous sommes partis en traction sous la conduite de Brindamourà Genay évidemment, la voiture a été camouflée au Cloux, sous de la paille chez Pion, un cultivateur et de là nous sommes partis à bicyclette, Charlotliaison féminine sur Semur qui était son pays, Brindamoursur Montbard et Chevalier du côté des Laumes avec Montbonet.

Arrivés sur la route de Montbard, on a été arrêtés, fouillés, ils nous ont pris nos vélos. Et on a eu la chance d’avoir nos fausses cartes, il fallait aller aux Laumes à pied et revenir à Cussy-les-Forges chez le curé, le lendemain à 8 heures. Infaisable. On est arrivés à Lantilly avecMontbon, on a tapé à une fenêtre, c’était le frère de madame Guenot, il a ouvert la fenêtre et crié : « j’étais aux Laumes cet après-midi faire des courses, c’est plein d’Allemands de toutes sortes mais il n’y a aucun blindé », « merci, je retourne à Genay ».

On est arrivés, on nous attendait, on a sauté au Cloux, traction, direction Cussy-les-Forges. Et à l’entrée de Toutry, une centaine d’Allemands à bicyclette qui étaient là, un attardé, fusil en travers, taratata…on a levé la vitre et puis on est arrivés au milieu des Allemands qui se sont écartés, pensant qu’une colonne nous suivait. La voiture allait tellement vite, sur 2 roues, la portière s’est ouverte, Flageauest tombé, « Prof » est tombé par-dessus, la voiture a buté dans le mur, s’est remise sur ses roues, Brindamoura essayé de remettre en route, ça marchait pas, il est allé lever le capot et les Allemands étaient à 1 mètre de nous, ils pouvaient nous saisir, mais ils attendaient la colonne qui n’est jamais venue. EtBrindamourrevient et dans le tableau de bord trouve du chatterton, il retourne le moteur, c’est fait, l’auto file dans le vieux Toutry, direction Vigny. On court derrière et les Allemands évidemment tirent, on voyait dans le mur les balles qui, en face, à droite, qui abîmaient le crépi, Joyeuxétait là, on lui criait « viens ici, viens ici » jusqu’au moment où il est tombé. Les rafales se sont arrêtés, il était sauvé.

Le 7 septembre, triple parachutage à Vic-de-Chassenay, au Moulin à Vent, sous un orage du tonnerre, les camions étaient nombreux mais ils ne pouvaient pas s’avancer dans les champs, ils auraient enfoncé, il a fallu aller chercher des chevaux à la ferme du Moulin à Vent dont le mari était déporté et la brave femme nous a prêté les chevaux pour tirer les tubes, charger etc. on est rentrés au maquis avec tout ça, alors on a caché ça dans le parc du château des Montalembert, qu’on a retrouvé ensuite pour emmener à Joigny sur le front d’Alsace.

C’est le 11 septembre que nous quittons le maquis, à plein camions et nous nous dirigeons sur Semur. Nous savons que le groupe Verneuil venu d’Avallon est arrivé de la veille. Nous entrons à Semur en cadence, sans fanfare, et nous arrivons à l’intérieur de Semur. Jacques, notre chef, dispose les sections dans les différentes parties de la ville et le PC s’installe à la gendarmerie, l’armurerie s’installe à côté et là il y a des regroupements, ça porte un terme militaire mais enfin, le maximum de maquisards sont réunis sur le champ de foire et Jacques dit l’ordre du jour, les prévisions etc. et il évoque la continuation de la lutte. A partir de cette période, un certain nombre, par petites vagues, se dirige sur Joigny où le régiment de l’Yonne se forme tout doucement avec les éléments qui ont fait partie du réseau Jean-Marie/Buckmaster. Pour ma part, je décide de continuer parce que les prisonniers ne sont pas revenus, les déportés sont toujours quelque part, on ne sait pas où, les familles ne sont pas reconstituées, rien ne nous empêche de continuer. Et à partir de là, nous partirons à Joigny, nous, où nous avons formé le régiment de l’Yonne.