SKornicki Samuel

Auteur de la fiche : D’après Par Agnès Granjon (Site internet www.anovi)

Samuel SKornicki

Avocat-conseil juif d’origine polonaise Samuel Skornicki réside à Paris avec sa famille au moment de la défaite de juin 1940. Pour ne pas se retrouver en territoire allemand, il quitte Paris pour Bordeaux. Possédant un passeport en règle et un visa, il aurait pu rejoindre les États-Unis. Mais cet ancien membre des légions de volontaires polonais qui ont combattu en Espagne aux côtés des Républicains refuse de fuir : il reste en France pour continuer le combat.

Pour plus de sûreté, Skornicki installe sa famille dans la petite ville de Lavaur. Lui-même se fixe un temps à Toulouse. Officiellement, il y dirige une entreprise de textiles. Jusqu’à la fin de l’année 1941, il participe à la distribution de tracts, aide à convoyer vers l’Espagne les aviateurs britanniques et confectionne également des faux papiers. Ses relations avec l’un de ses coreligionnaires, dont l’épouse est américaine, lui facilitent la tâche. Parmi ses contacts figurent la femme et le frère d’André Malraux, Jean Cassou et le professeur Soulas.

En décembre 1941, à la suite de l’entrée en guerre des États-Unis, Skornicki part pour l’Algérie. Mais ce qu’il découvre en Afrique du Nord ne lui plaît pas : l’esprit de résistance y est trop faible. Après six semaines, il revient à Toulouse.

Par l’intermédiaire d’un Espagnol, ancien intendant de l’armée républicaine devenu portier de l’hôtel Victoria de Toulouse, il entre alors en contact avec un Grand d’Espagne qui le met en relation avec le président de la Croix-Rouge espagnole. Il peut ainsi faire libérer un certain nombre de Français détenus dans le camp de Miranda. Et surtout être introduit auprès du consul d’Espagne à Saint-Étienne. Or, celui-ci est à la recherche d’une personne de confiance, possédant des talents d’organisateur, une formation en droit et  ayant des relations dans les milieux juifs : le consulat est en effet constamment sollicité par les Juifs persécutés qui cherchent à fuir l’Europe nazie. Alors que Skornicki est recherché à la fois par la police de Vichy et par la Gestapo de Toulouse en raison de ses activités « subversives », il réussit à gagner Saint-Étienne avec l’aide de monsieur Poggioli, fonctionnaire résistant (et futur préfet de Tarbes), puis entre au service du consul. Celui-ci, qui n’est pas antisémite, le nomme rapidement attaché juridique et l’autorise à aider ses coreligionnaires. Seule condition : qu’il devienne « Espagnol de naissance ». C’est ainsi que Skornicki devient monsieur Montero-Sanchez. Progressivement, il prend de l’ascendant sur le consul, qui lui laisse plus de libertés et lui confie même la rédaction de ses discours. Mais c’est après le retour du consul en Espagne que Skornicki-Montero-Sanchez va pouvoir donner sa pleine mesure. Avant son départ, le consul l’a présenté comme son remplaçant « qui a toute ma confiance » au cours d’une manifestation officielle, à tout le gratin de Saint-Étienne : représentants du gouvernement de Vichy, Allemands de l’armée d’occupation et de la Gestapo et collaborateurs. Pour asseoir officiellement son autorité consulaire, le nouveau représentant du Caudillo s’appuie également sur l’article 15 de la convention consulaire entre la France et l’Espagne qui précise que : « En cas d’empêchement, d’absence ou de décès des Consuls généraux, consuls et vice-consuls, les élèves consuls, les Chanceliers et les secrétaires qui auraient été présentés antérieurement en leurs qualités aux autorités respectives, seront admis de plein droit, dans leur ordre hiérarchique, à exercer par intérim les fonctions consulaires, sans que les autorités locales puissent y mettre aucun obstacle ; au contraire, celles-ci devront leur prêter assurance et protection, et leur assurer, pendant la gestion intérimaire, la jouissance des exemptions, prérogatives, immunités et privilèges reconnus par la présente Convention aux agents consulaires respectifs ».

Durant des mois, Skornicki-Montero-Sanchez va pleinement mettre à profit ses nouvelles prérogatives, tout en jouant son rôle de consul à la perfection lors des manifestations officielles. Il utilise les armes du consulat pour éditer un formulaire, tiré à six mille exemplaires, avisant les ressortissants espagnols de la région stéphanoise qu’en « vertu de la convention consulaire conclue entre la France et l’Espagne en date du 7 janvier 1862 », ils sont exempts de toute réquisition pour le S.T.O. Et effectivement, aucun travailleur espagnol de la région ne partira pour l’Allemagne. Mais surtout, le consulat espagnol du cours Fauriel devient une plaque tournante pour les hommes de « Combat ». Jouissant du privilège d’exterritorialité, la villa est utilisée par la résistance locale : elle est à la fois lieu de réunions, entrepôt d’armes, fabrique de faux papiers et asile pour les personnes recherchées. L’autorité diplomatique du vrai-faux consul est la meilleure des protections à toute intrusion ennemie. Le jour où un détachement de policiers allemands tente de perquisitionner dans la propriété, Skornicki-Montero-Sanchez n’hésite pas à les mettre à la porte et à exiger du Major-Kommandant de la place de Saint-Étienne, qui est venu lui présenter ses excuses, une lettre officielle… qu’il obtient avec, en cadeau, une mitraillette pour assurer sa sécurité contre les « terroristes »