La Résistance et l’occupation Nazie en Alsace-Lorraine

Moselle , Alsace-Lorraine

Auteur de la fiche : Roger Lefort

La Résistance et l’occupation Nazie en Alsace

Cette page, que nous devons à Roger Lefort notre délégué d’Alsace-Lorraine, raconte à travers le portraits de femmes et d’hommes le combat que menèrent Lorraines et Lorrains, Alsaciennes et Alsaciens qui vécurent sous le joug nazi de Juin 1940 à novembre 1944. C’est au travers de leurs noms inscrits dans « la pierre » que nous rendons un hommage à ces anonymes afin que leur sacrifice ne « soit pas oublié ». Cette page raconte leur Résistance et la Répression,


« Parce qu’ils ont le plus souffert, parce qu’ils ont été pour la France à la pointe du combat, les Alsaciens et les Lorrains n’ont jamais été plus près du cœur de la Nation »

CHARLES DE GAULLE


I. Une répression féroce

L’occupant n’eut de cesse d’attaquer la résistance, comme le symbolise cette affiche « rouge » collée sur les murs de Colmar. Le 1er juin 1943, très tôt le matin, des placards rouges annonçaient l’exécution de quatre résistants haut-rhinois : René Birr, 20 ans, de Réguisheim, Auguste Sontag, 27 ans, de Wintzenheim, Eugène Boeglin, 36 ans, d’Obermichelbach, et Adolphe Murbach, 40 ans, de Sundhoffen.

 

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Voici des extraits du journal de Stuttgart « Die Volksstimme » du 7 juillet 1949 :

« Le matin à cinq  heures, les candidats à la mort furent réveillés et on leur donna à nouveau lecture de la condamnation à mort du Procureur de la République. Puis ils durent se déshabiller totalement et revêtir la chemise de la mort en papier, au col découpé. Ils furent conduits à la cour du bâtiment de justice, où les valets du bourreau, ivres, attendaient leurs victimes. Les condamnés furent brutalement couchés et attachés à l’échafaud. Le valet appuya sur un bouton, le couperet s’abaissa et l’on passa à la prochaine victime ».

  • Le procès : Les accusés :
  1. Le cheminot (Eisenbahner) BIRR René (pour plus d’information cliquez ici), de Réguisheim, né à Réguisheim le 2 novembre 1922
  2. le cordonnier (Schuhmacher) MINERY Émile, de Réguisheim, né à Réguisheim le 7 avril 1916, le mineur (Bergmann)
  3. KORB Robert, de Réguisheim, né à Réguisheim le 13 janvier 1922, l’instituteur (Lehrer)
  4. SONTAG Auguste, de Wintzenheim, né à Wintzenheim le 28 septembre 1915, l’instituteur (Lehrer)
  5. BOEGLIN Eugène, de Wintzenheim, né à Obermichelbach le 8 novembre 1912,le menuisier (Schreiner)
  6. MURBACH Adolphe, de Colmar, né à Sundhofen le 12 juillet 1902.

 

  • Leur action dans la Résistance :

L’acte d’accusation précisait que les 6 Haut-Rhinois avaient, en temps de guerre, favorisé l’ennemi du Reich en se rendant coupables de haute trahison et en faisant de l’agitation communiste.

Sontag, Boeglin et Birr étaient de plus accusés d’avoir préparé et caché des armes pour le jour où ils entreraient en lutte ouverte contre les nazis. Eux trois et Murbach ont été condamnés à la peine capitale et… à la perte définitive de leurs droits civiques. Émile Minéry a écopé de 6 ans de réclusion, Ernest Korb de 12 ans de réclusion. Les condamnés eurent une attitude très digne. C’est ainsi que le jeune Birr, qui n’avait que 20 ans, apostropha Freisler en lui disant

« Nous allons mourir, et pour une noble cause, mais d’ici un an, vous allez payer vos crimes ».

Des compagnons de cellule rapportent qu’Auguste et ses trois camarades chantèrent la Marseillaise en montant à l’échafaud.


Ce même jour, 35 personnes furent exécutées de cette façon et leur nom sont inscrit sur une plaque située sur le mur de l’église des Dominicains à Colmar. Cette plaque a été inaugurée par le Général de Gaulle le 1er Août 1948. Elles portant les noms suivants :

ANDRES RaymondBRAVIN ItalicoCOLIN MauriceDREYFUSS MarcelEDENWALD EricETTEWILLER FrançoisFALLER Georges – FEGA Oscar – FOHRER AlfredFREY Marcel PaulGINGLINGER FrançoisHARTMANN CharlesHELF HenryHUNSINGER FrédéricJACOB Maurice  ENNE AlbertJENNE AlbertKAYSER Anna Augusta VictoriaKIENER MartheKUNTZMANN EdmondLALLEMAND HenriLAMOUCHE CharlesLEMOINE Albert AndréLITHARD RobertMETTLING Joseph – MULLER AlphonseMURBACH AdolpheSCHENCK RobertSCHEYEN RobertSCHNEIDER AlphonseSCHUH RenéSTENGEL M. .JosephTHALLINGER GustaveWERTZ Yves –WORMSER Paul

II. L’action des professeurs et étudiants résistants de l’Université de Strasbourg

PROFESSEURS

Paul Collomp : Professeur à la Faculté de Lettres, Chevalier de la légion d’honneur et Croix de guerre 14-18, abattu sur place le 25 novembre 1943, lors de la Grande Rafle pour avoir tenté de s’opposer à l’intrusion de Mathieu et de ses deux acolytes au Secrétariat de l’Université.

Fred Vles : Professeur à la Faculté de Médecine de Physique Biologique. Echappe le 8 mars 1944 à la rafle de l’Hôtel Dieu. Il ee présente volontairement le 10 mars 1944 pour éviter à d’autres des représailles. Meurt d’épuisement le 2 juillet 1945 dans un wagon du « convoi de la mort » un des derniers à aller de Compiègne à Dachau.

Claude Thomas : Professeur à la Faculté de Droit. Grand, distingué, de santé fragile, il nous avertissait à chaque « Travaux Pratiques » : « je m’appelle Thomas et je veux des preuves », arrêté le 8 mars 1944, suite à l’affaire de la rue Montlosier. Déporté à Buchenwald, envoyé dans le très dur commando de travail d’Ellrich pour monter des pièces dans l’usine de Dora, où se fabriquaient les V2. Mort à Dora

ETUDIANTS

Jean-Paul Cauchi : Etudiant en Histoire. Créa et anima Combat-Etudiant, membre des réseaux Mithridate et Navarre, arrêté à Paris le 4 avril 1944, déporté à Buchenwald abattu par les Allemands le 18 avril 1945 au cours du transfert du camp de Buchemvald à l’arrivée des Américains.

François Marzolf : Etudiant en Droit, membre du réseau O.R.A, arrêté le 21 septembre 1943, condamné à mort pour espionnage, fusillé le 10 mai 1944. Sur les murs de la prison du 92°, on a retrouvé une inscription qu’il avait signée avec le Lieutenant-Colonel Jacques BOUTET, Chef Régional de l’O.R.A. exécuté le même jour « Heureux d’avoir servi la France ».

Henri Weillbacher : Etudiant en Droit. Membre de l’O.R.A, secrétaire de l’Intendant de Police. Arrêté le 16 octobre 1943 et condamné à mort pour espionnage. Fusillé le 25 mars 1944.

Alfred Klein : Etudiant en Lettres, instituteur à Chamalières Membre des « Ardents » Arrêté à Aulnat
Condamné à mort pour espionnage Fusillé le 24 mars 1944.
A écrit cette lettre à son Directeur d’école : « Je vais être fusillé à 6 heures. Je voudrais, que mon souvenir reste à l’école. Donnez le dernier adieu à mes élèves et dites-leur en mon nom de bien travailler pour devenir des hommes de caractère et de bons Français. Adieu mes amis, je meurs la conscience tranquille et avec la certitude qu’il y aura une justice.  Vive notre belle France ».

André Elbogen et Madeleine Elbogen née Klein : Tous deux étudiants en Sciences. Ils s’étaient mariés quelques mois auparavant. Ce jour-là ils avaient dit en riant, qu’ils étaient si pauvres, qu’ils ne pouvaient pas acheter des alliances chez un bijoutier, mais que deux petits anneaux dorés de rideaux feraient bien l’affaire. André arrêté à Saint-Etienne et fusillé. Madeleine est arrêtée le 25 novembre 1943 à la Grande Rafle, Déportée à Auschwitz et disparue

Emile et Yvonne Baudry : Le frère et la soeur. Emile étudiant en médecine, Yvonne étudiante en Lettres. Tous les deux, blonds, roses et bon vivants, aimant à plaisanter. Membres du réseau O.R.A arrêtés ensemble à Clermont-Ferrand, alors qu’ils émettaient un message avec un poste clandestin Emile déporté et disparu. Yvonne morte à Bergen Belsen le 15 mai 1945.

Léon Greilshammer : Etudiant en Droit, avec des joues rondes et des cheveux bouclés et qui disait volontiers de lui : « j’ai un visage d’enfant sur un corps d’athlète ». Membre de COMBAT-ETUDIANT, à . participé à la fabrication de faux papiers, arrêté le 25 juin 1943 à la rafle de la Gallia. Déporté à Auschwitz, disparu.

Jacques Feuerstein dit Faillot. : Etudiant en Droit, petit, frisé, des lunettes fines, souriant et infatigable, il rebondissait comme une balle. Membre de COMBAT-ETUDIANT, adjoint de Cauchi, a fait un très important travail notamment pour la fabrication de faux papiers. Arrêté à Lyon en 1943. Déporté à Auschwitz et Grossrosen et disparu.

Bhimo Jodjana : Tout ce que l’on sait de lui, c’est qu’il était Indonésien, en année préparatoire de médecine. Arrêté le 25 novembre 1943, lors de la Grande Rafle, déporté, il est mort à Buchenwald.


IV. Les religieux résistants

Après les expulsions dès septembre 1940 de Mgr HEINTZ évêque de METZ, de Mgr RUCH évêque de STRASBOURG replié à PERIGUEUX ainsi que de nombreux prêtres parmi leurs paroissiens, les nazis ne manquèrent pas de s’en prendre à ceux qui étaient restés et leurs semblaient hostiles. C’est ainsi que M .l’abbé GOLDSCHMITT pu établir une liste de 20 prêtres mosellans déportés avec lui à DACHAU. Cette liste fut complétée de 10 autres noms par les services de l’évêché de METZ et l’on retiendra notamment le destin tragique de :

JACAOLAT Louis, curé d’ANCY  arrêté le 03/03/1943, déporté et décédé à une date inconnue

PENNERATH Justin, vicaire  de LETTENBACH expulsé le 28 le 28 juillet 1941, puis déporté et fusillé le 24 novembre 1944 dans la forêt de GAGGENAU avec deux autres prêtres et  dix officiers canadiens et américains.

ROTH Joseph – curé de MARTHILLE (57) déporté puis fusillé le 24/11/1944 dans la forêt de GAGGENAU (Allemagne)

MEYER Georges –vicaire de WALSCHEIDT (57), arrêté le 18/01/1943, décapité à la prison Mosbit de BERLIN le 25/09/1944. Ses cendres furent ramenées à WALSCHEIDT

 

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V. Les fusillés du 4 octobre 1944

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(Monument aux fusillés du 4 octobre 1944)  

  1. ARCIN Gustave né en  1906, réfractaire fusillé par la Gestapo
  2. BLAISE Maurice né en  1903,réfractaire fusillé par la Gestapo
  3. BOURQUARD Ernest né en  1900, réfractaire fusillé par la Gestapo
  4. CURIEN Pierre né en  1925, réfractaire fusillé par la Gestapo
  5. LICHTLIN Joseph né en  1907, réfractaire fusillé par la Gestapo
  6. LUTENBACHER Nicolas né en  1871 résistant (passeur et agent de renseignement) fusillé par la Gestapo après une infiltration du réseau par la police allemande, la ferme sera incendiée – 73 ans – Père de Paul.
  7. LUTENBACHER Paul  né en  1913, Résistant (passeur et agent de renseignement) Fusillé par la Gestapo après une infiltration du réseau par de faux résistants en réalité membres de la police allemande – 31 ans – Fils de Nicolas.
  8. MANSUY Maurice né en  1909, réfractaire fusillé par la Gestapo
  9. PARMENTIER Marceline née en 1897, réfractaire fusillé par la Gestapo
  10. REMY Gaston né en  1908, réfractaire fusillé par la Gestapo
  11. SAC Georges né en 1898, Résistant – 46 ans – arrêté avec sa famille sur dénonciation d’un faux résistants infiltré dans le réseau. Torturé et fusillé dans le ravin du Steingraben par la Gestapo, son fils Jean-Paul (16 ans) s’échappera et rejoindra le maquis des Vosges. Les femmes seront internées et déportées.
  12. STIVERT Robert né en  1897 réfractaire fusillé par la Gestapo.

 


VI. Les combats de la Libération de Metz

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(Cette stèle érigée au cimetière de l’Est à Metz rappelle les combats de la libération de la ville et rend hommage aux F.F.I qui y laissèrent leur vie les 19 et 20 novembre 1944)

Ainsi est immortalisé le souvenir de :

  1. Gustave LEININGER tombé au Moyen-Pont
  2. Antoine KREICHER tombé rue Belle-Isle
  3. Alfred WOJTECKI tombé Mort Place de la Préfecture (fils de Théodore décédé à son retour de déportation Le 4 juin 1945). Alfred est tombé à l’âge de 17 ans
  4. Armand BREMM tombé Place des charrons
  5. Adrien GEORGE tombé Place des charrons
  6. Alex BUCHLER, Jean WIRCZOREK, P.HANS, Raymond KOIRBER et Jean HOERSRER sont également tombés pour la Libération de METZ »

VII. La brigade Alsace-Lorraine

Au lendemain de la Libération Bernard METZ l’un des fondateurs des maquis qui s’intègreraient dans la Brigade Alsace-Lorraine analyse la philosophie des Alsaciens – Lorrains engagés dans cette formation, je cite :

« On nous a souvent reproché d’avoir créé une unité spécifiquement composée d’hommes issus des trois départements recouvrés. On a voulu y voir une forme particulièrement machiavélique d’autonomisme ! J’ai le devoir de m’expliquer sur ce point.

« Le premier mobile de notre groupement procédait du mythe du retour. Tous les Alsaciens, tous les Lorrains réfugiés dans l’ensemble de la France avaient la certitude que la victoire alliée les reconduirait chez eux. Nous avons mis notre point d’honneur à ne pas rentrer dans les camions de l’Entraide Française ou d’une caravane administrative. Mais pour que notre participation à la libération de notre terre natale eût toute sa valeur, il fallait que deux mille engagés volontaires dans divers maquis, puis dans diverses unités de l’Armée française eussent pu accomplir un geste de valeur immédiate et historique égale à celui de la Brigade.

« Mais aussi, pensant aux lendemains du retour, nous avons voulu, entre nous, nous préparer aux réalités alsaciennes d’après la Libération, telles que les informations, parvenues à nos bureaux d’études, nous permettaient de les imaginer. En particulier nous nous sommes efforcés de faire de nos hommes – qui auraient eu le droit de rentrer en conquérants – les artisans du rapprochement fraternel de tous les Alsaciens, quel qu’ait été leur destin momentané.

« Notre second mythe procédait du rachat. Nous ne l’avons jamais jusqu’ici évoqué en public. Nous ne croyons plus nécessaire de le taire, encore que nous demandions au lecteur d’atteindre en ceci autant de sérénité que nous nous efforçons d’en atteindre nous-mêmes.

« L’histoire de l’Alsace est lourde de deux fois cinquante mille jeunes morts, tombés dans les rangs de l’armée allemande. Nous savons que l’impérialisme de Guillaume II et d’ Hitler est le grand responsable de ce carnage. Nous savons aussi que, depuis un siècle, les deux annexions de l’Alsace au Reich ont été permises par les abandons d’hommes politiques et de chefs militaires, français et alliés.

« Mais nous n’oublierons jamais qu’il y eut des Alsaciens pour encourager les entreprises d’annexion. Nous n’oublierons pas non plus que des Alsaciens auxquels leur éducation antérieure dictait de se soustraite à l’incorporation « de force » n’ont pas préféré les risques de l’évasion à la servitude. Je ne parle pas du plus grand nombre à qui les filières d’évasion étaient inconnues. Mais je pense à ceux qui auraient eu la possibilité de rejoindre un territoire plus libre au lieu de l’armée ennemie. Je pense surtout à ces parents d’Alsace qui, pour sauver une fortune ou un bien-être dérisoire, se sont opposés à l’évasion de leurs fils et en ont fait doublement des « Malgré-Nous ».

« Nous n’avons pour aucun d’eux ni dédain ni mépris. Nous sommes trop lié à l’histoire de notre petit peuple pour n’être pas solidaire de leur destin. C’est précisément pourquoi nous avons voulu que, dans une unité spécifiquement composée d’Alsaciens et de Lorrains, ceux d’entre nous qui acceptaient les risques du combat aient la possibilité d’accomplir un geste historique de rachat.

« L’avenir, nous le croyons, dira que les morts de la Brigade Alsace-Lorraine, symbolisant les milliers d’Alsaciens et de Lorrains, engagés volontaires, tombés dans les rangs des armées françaises, rachètent devant l’Histoire tant d’abandons, volontaires ou involontaires, d’hommes de nos provinces. »

Page reproduite du livre de Léon Mercadet, « La brigade Alsace-Lorraine », Grasset, Paris, 1984