Gavard Jean

Auteur de la fiche : Franz Malassis

Jean Gavard

Lycéen bordelais, Jean Gavard n’a que 17 ans quand il est recruté au premier trimestre 1941 par le réseau Confrérie Notre Dame (CND) du colonel Rémy. Ses parents habitent un petit village de Gironde à quelques kilomètres de la ligne de démarcation. En  plus de ses missions de renseignements sur les terrains d’aviation allemands, il est amené à faire passer en « zone libre » des agents mais surtout de nombreux documents de son réseau : des messages codés qu’il mêle à ses notes de cours ou qu’il dissimule dans ses livres scolaires.

Une jeunesse confisquée

  À l’approche des épreuves du baccalauréat, le 10 juin 1942, Jean Gavard est arrêté par les Allemands en même temps que le poète Jean Cayrol et vingt membres de son réseau à la suite d’une trahison. Interrogé, il est emprisonné à Bordeaux puis transféré à Fresnes où il connaît les affres de la torture morale de la mise au secret. Après dix mois d’isolement, le 25 mars 1943 il est convoyé à la gare de l’Est pour être déporté à Mauthausen.

Dans son livre Une jeunesse confisquée 1940-1945 (1), Jean Gavard retrace, avec beaucoup de modestie et de pudeur, son engagement dans la Résistance mais surtout sa déportation à Mauthausen. Refusant un récit linéaire induisant, pour lui, une reconstruction, il évoque par tableaux successifs cette « expérience unique » qu’il décrit lui-même comme « une rupture, quelque chose d’« extra ordinaire« , d’extérieur à [son] être, qui tranche avec le reste de [sa] vie » (2). Il n’y raconte donc pas l’ordinaire de Mauthausen ou de Gusen mais rapporte les moments où la conscience humaine résiste à l’aliénation voulue par le système concentrationnaire nazi. Exemples : ce geste d’entraide d’un soldat mongol qui au péril de sa vie lui donne une gamelle de « café », l’aide qu’il apporte à son tour à un témoin de Jéhovah qui refuse de produire des armes à l’usine Steyr, ou bien encore ses rencontres avec le père Jacques celui dont la vie inspirera à Louis Malle le film Au revoir les enfants

Libéré le 5 mai 1945, Jean Gavard ne reprend ses études interrompues par la guerre  qu’en 1946 : licence en droit, Diplôme d’Études supérieures d’économie politique et de sciences économiques. Il commence alors une carrière dans l’administration de l’Éducation nationale tout en participant activement à la transmission de la mémoire de la Résistance et de la Déportation, notamment dans le milieu scolaire.

La nécessité de transmettre son expérience

Désireux de transmettre son témoignage « aux femmes et aux hommes qui [lui] survivront, dans un monde différent, mais où chaque être se situera toujours entre liberté et aliénation » (3), à partir des années 1960, il intervient régulièrement devant des élèves dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD). Un concours qu’il contribue à faire rayonner lorsqu’il assume la présidence du jury national de 1993 à 2001 succédant à l’Inspecteur général Louis François lui aussi ancien du réseau de Résistance CND.

 Il s’investit également dans les associations de résistants et de déportés par exemple à l’amicale de Mauthausen où il participe activement de 1990 à 2000 à l’organisation de voyages d’études au  camp de Mauthausen dédiés aux enseignants, en partenariat avec l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG).

Inspecteur général honoraire de l’administration de l’Éducation nationale, président d’honneur du Concours national de la Résistance et de la Déportation, vice-président de la Fondation de la Résistance et administrateur de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Jean Gavard est demeuré jusqu’à la fin de sa vie très impliqué dans la transmission de l’histoire de la Résistance. Ainsi, en février 2009, il  crée la Fédération nationale des lauréats du Concours national de la Résistance et de la Déportation qui permet d’associer d’anciens lauréats aux réunions des jurys départementaux et régionaux et à l’organisation des remises de prix.

Nommé très récemment commandeur de la Légion d’honneur (4), Jean Gavard est décédé le 4 août 2016 à Garches (Hauts-de-Seine). Il a été inhumé le 11 août au cimetière de Six Fours-les-Plages (Var).

Un hommage particulier lui sera rendu prochainement par les pouvoirs publics et la Fondation de la Résistance. Ce sera l’occasion de rappeler l’humanisme profond de Jean Gavard.

Frantz Malassis

 

(1)  Jean Gavard, Une jeunesse confisquée 1940-1945, Paris, l’Harmattan, coll. Mémoires du XXe siècle, 2007, 146 p. Avant-propos de Daniel Simon, président de l’Amicale de Mauthausen. Préface de Laurent Douzou, professeur d’Histoire contemporaine à l’IEP de Lyon.

(2)  Op. cit, p.15.

(3)  Op. cit, p.93.

(4)  Décret du 25 mars 2016 paru au Journal officiel du 27 mars 2016.