RIBIERE Germaine

Auteur de la fiche : Sources : Journal Le Monde du 26 novembre 1999, auteur : Renée MELY BEDARIDA

Germaine RIBIERE

 « C’est une grande dame de la Résistance et de l’amitié judéo-chrétienne qui est morte à Paris samedi 20 novembre 1999 à l’âge de quatre-vingt-deux ans. Elle fut, de 1941 à 1944, une collaboratrice de premier ordre du Père Pierre Chaillet, fondateur du mouvement Témoignage chrétien

Née à Limoges en 1917, Germaine Ribière appartenait à une famille profondément chrétienne et cette empreinte l’a marquée pour toute la vie. Après des études secondaires à Poitiers, elle devient étudiante à Paris où elle est une des dirigeantes de la Jeunesse étudiante chrétienne féminine (JECF). Alertée très tôt sur l’idéologie nazie, elle lit en 1937 l’encyclique de Pie XI « Mit brennender Sorge », qui l’enracine dans l’idée que le IIIe Reich est foncièrement hostile aussi au christianisme dont il ne se lasse de dénoncer les racines juives. Renforcée dans sa conviction par son aumônier, le jésuite Yves de Montcheuil, sera assassiné par les Allemands en 1944, elle s’efforce de faire comprendre à ses camarades jécistes l’étendue du péril nazi.

Dès l’été 1940, Germaine Ribière se refuse à accepter la victoire allemande. Commence alors pour elle la grande aventure de la Résistance qui la conduira de Paris à Lyon, de Toulouse à Grenoble, de France en Belgique et plus souvent encore en Suisse, au mépris des lignes de démarcation et des frontières. Qui croirait, devant cette jeune fille aux nattes bien alignées, à l’apparence tranquille et rangée, que la volonté de combat la conduit aux actes les plus risqués, parfois les plus téméraires ? Sa force de persuasion est contagieuse et elle entraîne avec elle des étudiantes de Paris et de Poitiers.

L’AFFAIRE FINALY Ses démarches innombrables pour le mouvement Témoignage chrétien l’ont conduite en Suisse d’où elle a rapporté le texte de l’admirable Lettre aux Anglais de Bernanos, comme à Lourdes où elle rencontre le primat de Pologne, le cardinal Llond, réfugié en France, pour recueillir de ses mains les documents qui constituent le cahier du Témoignage chrétien consacré à la Pologne martyre.

Cependant c’est L’Amitié chrétienne et l’aide incessante aux juifs persécutés qui sollicitent davantage Germaine Ribière. Elle trouve des planques pour les malheureux pourchassés, des familles et des institutions religieuses pour accepter des enfants. Elle distribue faux papiers et tickets d’alimentation, et surtout elle fait passer la frontière suisse à un nombre important de juifs traqués. Ses initiatives pour faire échapper les victimes aux mains de la police française et de la Gestapo sont multiples et à l’occasion inattendues. Après une descente de la Gestapo, en février 1943, au local lyonnais de L’Amitié chrétienne qui entraîne l’arrestation du Père Chaillet et de quelques-uns de ses adjoints, Germaine Ribière, déguisée en femme de ménage, se met à laver les marches d’escalier, car elle sait que ces arrestations coïncident avec un jour de permanence au cours duquel de nombreux juifs doivent venir chercher des papiers. Ce stratagème lui permet de prévenir et arrêter les visiteurs qui échappent ainsi à la souricière tendue.

La guerre terminée, son engagement auprès des juifs, et plus tard d’Israël, ne faiblit pas et c’est elle que le cardinal Gerlier et le Père Chaillet, avec l’accord du grand rabbin Kaplan, chargent d’une délicate mission en vue de résoudre l’affaire Finaly. C’est elle qui retrouve et ramène en France, en 1953, les deux orphelins cachés en Espagne de manière à ce qu’ils soient rendus à leur famille juive. En reconnaissance du dévouement et du courage montrés par Germaine Ribière dans cette affaire, elle fut décorée de la Légion d’honneur en 1956. Mais ce qui la toucha bien davantage, malgré sa modestie, ce fut, en 1967, d’être reconnue « Juste parmi les nations » par l’Etat d’Israël »