BAJOT Paul Vincent

Auteur de la fiche : Renée Wathier

BAJOT Paul Vincent

[Biographie établie à partir des dossiers conservés au Centre National des Archives Contemporaines (C.N.A.C) de FONTAINEBLEAU.

  • carrière : n°19850673 / article 1 ;
  • commission d’épuration : n°19850673 / article75]

Né le 21 janvier 1914 à CHANTELLE (Allier), licencié en droit de l’Université et avocat stagiaire, il sollicite cependant un poste de secrétaire-inspecteur de police ; nommé à PARAY-le-MONIAL , il prend ses fonctions le 1er mars 1937.

Ayant été reçu en même temps au concours de commissaire de police, il est affecté à HERICOURT (Haute-Saône) et prend son poste le 16 octobre 1938 où il donne satisfaction. Muté au commissariat du 1er arrondissement de BESANÇON à compter du 6 janvier 1941, il est arrêté par les Allemands le 10 octobre 1942 (1), et à la prison de DIJON où il est torturé, puis à COMPIÈGNE ; il est déporté à MAUTHAUSEN où il meurt le 7 janvier 1944.

Il est apprécié dés son arrivée à HERICOURT où il fait montre « … dans un poste délicat où l’élément ouvrier domine et où les luttes politiques sont particulièrement sévères…de mille qualités ». Celles-ci sont mises en valeur par la notation de 1940 et un rapport annexe à celle-ci.

Dans la fiche consacrée à la première, il est écrit à la rubrique « Valeur professionnelle » : « A par ailleurs donné la mesure de son calme et de son sang-froid lors des combats qui se sont déroulés dans la ville d’Héricourt le 18 juin dernier où il fut pris comme otage … ». Le rapport précité émane du Cabinet du Préfet de la Haute-Saône, daté du 3 janvier 1941  «… La conduite de M.BAJOT a été particulièrement digne d’éloges au mois de juin 1940. Il s’est dépensé sans compter pour assurer de jour comme de nuit l’ordre et la sécurité publique, lors du bombardement du 16 juin et du combat du 18 juin dans des conditions particulièrement difficiles. Lors de la bataille du 18 juin, a organisé et assuré le ravitaillement  du 22e R.I.F défendant HERICOURT.

Visitant constamment les habitants réfugiés dans les abris, assurant partout l’ordre public et empêchant le pillage, est resté en contact téléphonique constant avec le commandant BABEAU et ses officiers installés Faubourg de Belfort à leur PC, Château André-Schwob leur donnant tous les renseignements sur la situation des allemands, leur avance et la tenue de la population civile, assurant l’exécution de leurs ordres.

Le 18 juin, à 20 heures, ayant appris que des otages civils avaient été arrêtés à 17 heures, s’est présenté aux officiers allemands pour réclamer la libération de ces victimes innocentes, se portant garant pour elles, réclamant l’honneur d’être seul pris comme otage en tant que responsable de l’ordre public (2). Arrêté à la suite  de son intervention, M. BAJOT fut emmené comme otage à MONTBELIARD, puis à BELFORT, puis à MULHOUSE où il séjourna Caserne DROUOT, durant 13 jours. Revenu ensuite à son poste, a repris ses fonctions avec autant d’exactitude que de modestie.

Le Préfet avait noté dans sa notation : « … Demeuré à son poste en juin 1940, il y a fait preuve de bravoure et d’un très haut sentiment du devoir. Est appelé à faire une brillante carrière. Fonctionnaire à pousser, dans l’intérêt de l’Administration … »(3). Les bulletins de notes des années 1941 et 1942 restent tout aussi élogieux ; celui de l’année 1943 signale qu’il a été arrêté, et le Préfet note que ne l’ayant pas connu, il n’émet aucun avis sur lui. Cette arrestation est sans nul doute la suite d’un incident qui a fait l’objet d’un échange de correspondance entre Knochen et Leguay (cf. note (6)). Il s’agit de la délivrance par le commissaire Bajot d’une carte d’identité à « … un certain Peter MAYER, originaire de Strasbourg, qui /s’est / rendu de façon illicite d’Alsace (4) en zone libre …Bajot … sachant sans doute possible que Mayer l’utiliserait comme pièce d’identité au cours de son voyage illicite en zone libre … »

La lettre de Knochen se termine par une exigence comminatoire : « … Ces faits indiquent que BAJOT et MARTIN (5) ne remplissent pas les conditions nécessaires pour une collaboration loyale avec les Autorités d’occupation. Je vous invite donc à vouloir bien les rappeler immédiatement des Territoires Occupés. J’attends de votre part une communication sur ce que vous avez fait dans cette affaire … ». Signé : Knochen

Leguay, avisé téléphoniquement, donne des instructions à la Direction du Personnel pour qu’elle procède au déplacement « … immédiat de ces deux fonctionnaires … ». Le 17 décembre (6) le Sous- Directeur du Personnel fait savoir au Secrétaire Général à la Police, à Paris que le Commissaire Bajot a été arrêté « …il y a plus d’un mois par les autorités allemandes … ».Il demande « …de bien vouloir faire toutes démarches utiles auprès des autorités d’occupation, en vue de connaître les motifs pour lesquels l’intéressé a été arrêté et,dans la mesure du possible d’obtenir sa libération … ». Et les autorités françaises continuent de parler de la mutation du commissaire. Une réponse de Knochen , le 14 janvier 1943 (7) met fin à toute intervention : « … Je vous invite à laisser de côté, pour le moment, la question de la mutation du Commissaire de Police BAJOT. BAJOT a été arrêté par la police allemande. Sa libération n’est pas possible pour le moment… ».

Le Commissaire Paul BAJOT est mort le 7 janvier 1944, 14 jours avant son 30e anniversaire.

Le cas du Commissaire Bajot est un exemple de la situation douloureuse dans laquelle furent plongés les policiers français résistants, au cours des quatre années d’occupation. Sa décision de « désobéissance aux ordres » de l’ennemi est immédiate puisqu’un de ses chefs hiérarchiques signale dés le début de l’occupation qu’il a favorisé « … le passage de prisonniers et d’Alsaciens… » après l’armistice de 1940, CONTRAIREMENT aux CONDITIONS de celui-ci.

Or, dans son bulletin individuel de notes pour l’année 1941, le Procureur (de l’Etat Français) qui le juge « …intelligent, actif… » signale qu’il « …a réussi, notamment à démasquer… une organisation communiste bisontine… » . Etait-ce avant ou après le 21 juin 1941, date de la rupture du pacte germano-soviétique par l’opération BARBAROSSA ? En tout état de cause, cette enquête était faite en application de la loi du 26 septembre 1939, édictée par le gouvernement DALADIER, ce qui pouvait donner l’impression d’une relative continuité et « légitimité ».

Cependant, les arrestations qui s’ensuivirent valurent au commissaire Bajot, une accusation devant une Commission d’Epuration (Sous-Commission du 20 mars 1945) alors qu’il est mort depuis plus d’un an. L’arrestation d’un militant, porteur de tracts communistes a été précédé de menaces allemandes ; à savoir que les rondes de nuit seraient désormais faites par la Feldgendarmerie, ce qui laisse à penser qu’auparavant la police française, chargée de ces rondes était particulièrement inefficace.

Le Commissaire Paul BAJOT a été promu à titre posthume Commissaire PRINCIPAL de 1ère classe par arrêté du … 12 juin 1980, 36 ans après sa mort en déportation.


Notes :

(1) On peut supposer que le commissaire BAJOT (avec l’approbation de ses supérieurs hiérarchiques) a tenté d’échapper à son destin en faisant état d’une « … inflammation de la plèvre avec poussées de fièvre / nécessitant/ un repos absolu à la campagne, au moins deux mois … » comme « … séquelles radiologiques d’une pleurésie /avec/ légère poussée évolutive fébrile… » Pleurésie contractée… en 1930 et qui avait été signalée comme sans suites, lors de son recrutement dans la police, en 1937.Le congé sollicité devait couvrir la période du 4 mai au 4 juillet 1942. Les soupçons sur son activité et l’existence d’une organisation clandestine de  résistance à l’occupant sont attestés dans une correspondance du 7 septembre 1942 signé du commandant de la police de Sûreté et des S.D. KNOCHEN à M.LEGUAY .Celui-ci décide de le muter à BELLEGARDE mais les autorités allemandes refusent cette affectation, et il est proposé pour PRIVAS. Entre temps ; il a été arrêté.

(2) Souligné dans le texte.

(3) Bulletin individuel de notes année 1940. Attitude qui lui vaudra l’attribution de la Croix de Guerre.

(4) L’Alsace est un territoire ANNEXE et ses habitants sont considérés comme ALLEMANDS.

(5) Il s’agit de l’adjoint du commissaire, Roger MARTIN, inspecteur, qu’il avait chargé d’accompagner Peter Mayer, et – en cas de contrôle par la police allemande, (ce qui eut lieu !) – de le présenter comme un agent de police auxiliaire recruté nouvellement.

(6) Lettre PP/TN Direction Générale de la Police Nationale. A signaler que depuis le 8 novembre précédent le débarquement anglo-américain appuyé par la Résistance (local) en Afrique du Nord, à eu lieu, ce qui explique peut-être cet intérêt pour le sort du commissaire Bajot !

(7) Lettre du Commandant de la Police de Sûreté et des S.D. IIe  pol .Ier  125 /2


Source de l’image : Site des « Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation de l’Allier »