Rencontre-Dédicace avec Robert Gildea

Rencontre prévu le 13/09/2017

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Mercredi 13 septembre, l’Association des Amis de la Fondation de la Résistance a eu le plaisir, dans les salons de la Fondation de la Résistance, d’accueillir Robert Gildea, professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Oxford à l’occasion de la sortie en France de son livre : « Comment sont-ils devenus résistants ».

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Au cours de son exposé, Robert Gildea a évoqué les différentes phases de l’évolution de la mémoire de la Résistance de la fin de conflit à nos jours. Selon lui cette mémoire a tout d’abord été dominée par le mythe gaullien : « guerrier – national et masculin », qui perdurera sous la Quatrième République, avec l’attribution de la carte de Combattant Volontaire de la Résistance. Ce mythe atteindra son apogée en 1964 avec l’entrée au Panthéon de Jean Moulin en présence du général de Gaulle premier président de la cinquième République.

Après le décès de Charles de Gaulle, la sortie du film d’Ophuls,Le Chagrin et la Pitié, a fait exploser le mythe que la grande majorité des Français auraient résisté et marqua une évolution dans la mémoire de la Résistance. Pour Robert Gildea le grand tournant s’imposa en 1987 avec le procès de Klaus Barbie : « le tortionnaire Jean Moulin », qui remit véritablement en cause l’importance de la Résistance. Après ce procès, la mémoire de la Résistance a été relancée pour une nouvelle génération qui n’a pas connu la guerre directement. La Fondation de la Résistance et le Centre de la Résistance et de la Déportation à Lyon en furent des vecteurs.

Puis, Jacques Chirac et Simone Veil auront à cœur de rappeler que cette Résistance ne fut pas uniquement l’affaire des combattants mais aussi de celles et ceux qui avaient pris tous les risques contre l’occupant, en cachant par exemple des Juifs persécutés, donnant ainsi une dimension plus humaniste et féminine de la Résistance.

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Robert Gildea est revenu ensuite sur cette mémoire qui selon lui, n’a eu que trop peu de place dans le récit national, celle des Francs-Tireurs Partisans – Main d’Oeuvre Immigrée (FTP-MOI), des républicains espagnols réfugiés en France, et de toutes celles et tous ceux qui fuyaient les régimes dictatoriaux et antisémites.

Cette mémoire se construira lentement après les années 1980, au travers différents courants mémoriels :

  • Celle de la mémoire communiste résistante, centrée sur le sacrifice des 75,000 fusillées et l’insurrection parisienne d’août 1944 et qui fut marginalisé avec « la Guerre froide ».
  • La mémoire des républicains espagnols, réfugiés en France dès la fin des années trente, qui tomba dans l’oubli au début des années quand le régime de Franco fut légitimé
  • La mémoire des étrangers qui après la guerre fut moins présente quand ils retournèrent en Allemagne de l’Est, en Pologne et en Roumanie fonder des démocraties populaires ou en Israël à partir de 1948 pour fonder un État juif
  • La mémoire d’une résistance juive refoulée lorsque des résistants juifs ont préféré soit souscrire au roman national et se présenter comme résistants français, ou, vers la fin des années 60, ont inscrit leur résistance dans la mémoire de la Shoah.
  • La mémoire de la résistance des femmes a mis longtemps à prendre. Soit par ce qu’elles n’ont rarement fait de la résistance militaire, soit à cause de leur modestie.
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Image issue de la présentation powerpoint de la conférence.

A l’appui de ses propos R. Gildea a évoqué les parcours de Joseph Epstein, juif polonais qui commanda les FTP-MOI en région parisienne en 1943, celui de Ljobomir Ilić, Croate qui les commanda dans la zone Sud, ou encore celui de Serge Ravanel, dont la mère était tchèque et le père juif. Il a aussi démontré enfin la pertinence de l’étude des témoignages dans le cas de la mémoire résistante, une méthode de son point de vue longtemps délaissée par les historiens, qui s’intéressent davantage aux sources écrites. Ces Mémoires ont aussi été un enjeu entre les Résistants, comme l’a montré la confrontation entre Daniel Cordier à la sortie de son livre « Jean Moulin, l’inconnu du Panthéon » et Henri Frenay. Pour R. Gildea cette rencontre fut un tournant dans l’histoire de la Résistance. Évoquant l’étude de « L’histoire orale », au travers les témoignages, c’est elle selon lui, qui permet lui de mieux cerner les motivations des Résistants, leurs émotions, leurs sentiments…

Ce livre a donc selon Robert Gildea la double pertinence de s’attacher à des récits de témoins plus qu’à des archives écrites, permettant ainsi d’aborder plus précisément la question des motivations, des sentiments et des trajectoires personnelles. Et aussi de revenir sur la mémoire de Résistants trop souvent oubliés par le récit national et de citer les témoignages : de Jacques Lecompte-Boinet, fondateur du groupe « Ceux de la Résistance » en 1942, de Genia Kobozieff/Gemaëling résistante d’origine juive et russe, qui rejoindra le mouvement Défense de la France. Et enfin celui de Max Weinstein, résistant d’origine polonaise, qui participa aux coté des FTP-MOI à la libération de Villeurbanne.

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Ci-dessous, le film de la conférence, réalisé par Cécile Favier :