Présentation dans le grand amphi de la Sorbonne à Paris du Concours National de la Résistance et de la Déportation 2012 / 2013 : Communiquer pour résister

Rencontre prévu le 29/11/2012

Présentation dans le grand amphi de la Sorbonne à Paris

du Concours National de la Résistance et de la Déportation

2012 / 2013 :

Communiquer pour Résister

 

Exposé Jacques Vistel

Il y a beaucoup de concours organisé par l’Education nationale, mais le Concours Nationale de la Résistance et de la Déportation se distingue des autres. Pourquoi ? Parce que au-delà des connaissances acquises notamment historique, il fait appel aux valeurs, ces valeurs qui sont le patriotisme, la dignité de la personne, la liberté valeurs qui font partie de notre héritage, de votre héritage : celui que vous défendrez, valeurs qui vous serviront de seront des guide pour votre vie future de femme et d’homme de citoyenne et de citoyen.

Cette année le thème du concours est donc : « Communiquer pour Résister ». Essayons ensemble de nous replacer dans cette époque du tout début des années 40, aujourd’hui devenue lointaine. Aujourd’hui vous vivez, nous vivons dans l’univers des mobiles, de la communication immédiate, instantanée, des réseaux sociaux, d’internet qui arrive malgré tout, et heureusement arrive à faire bouger les choses dans les deux ou trois dictatures qui restent encore dans le monde.

Reportons-nous aux années, 40 /44  retournons-nous plus de 70 ans en arrière…. Pendant l’occupation.

Communiquer c’était la radio, ces lourds appareils parachutés dans nos campagnes par des avions venus de Grande-Bretagne avec les dangers multiples à leur arrivée : la peur d’être arrêté, puis fusillé ou déporté.

Communiquer c’était aussi la presse clandestine qui manquait de papier. C’était pour les imprimeurs se procurer des machines pour imprimer et pour les nombreux résistants chargés de la distribuer, de la diffuser c’était le danger permanent de se faire prendre. Tous ces acteurs de cette communication clandestine ont payé un très lourd tribut.

De gaulle l’avait compris dès le 18 juin 1940. Il avait compris que la communication était dans la lutte un outil  essentiel, qu’il fallait un outil pour informer les résistants, les réseaux, et Londres puissent communiquer entre eux et surtout alerte en cas de danger

Je ne sais pas si certains d’entre vous ont lu le livre de Daniel Cordier « Caracalla » où il montre bien, que comme secrétaire de Jean Moulin que l’une de ses taches, consistait d’aller dans les Traboules de Lyon déposer des messages dans les boites à lettres et pour aussi en retirer. Mais aussi son travail était aussi de communiquer avec Londres, il y avait donc tout un « univers de communication » entre la résistance et Londres.

Et je voudrais maintenant et pour terminer, me permettre une petite anecdote personnelle et familiale. Lorsque mon à père à crée un petit réseau familiale de résistance à Vienne au sud de Lyon il avait réuni essentiellement  des ouvriers de l’usine dans lequel il travaillait comme ingénieur. Il faisait des tracts et essayait de faire de la propagande et tout le temps ceux qui était avec lui et qui au fond ignoraient ce qu’il faisait lui disait toujours est ce que vous avez le contact avec Londres ? Parce qu’avoir le contact avec Londres c’était deux choses : d’abord être efficace, pourvoir fournir des informations et en recevoir, mais c’était aussi tout d’un coup une forte valeur symbolique. Tout à coup quand on avait le contact avec Londres on quittait « le petit univers local » pour prendre part à la grande aventure de la seconde guerre mondiale via le général de Gaulle. C’était essentiel et un jour mon père a fini par avoir le contact avec Londres sous la forme d’un envoyé qui s’appelait Yvon Morandat qui est arrivé à Vienne, à bicyclette, pour établir ce précieux contact.

Exposé – Témoignage de Marcel Jaurant-Singer

Vous ne serez sans doute pas surpris que le vieux monsieur que vous avez devant vous soit un brin maniaque….il l’est. Je le suis.

Je veux donc, d’abord, préciser ce qu’est, pour moi, le sujet que j’aborde, et qui est celui du concours auquel vous allez participer.

Je remarque que « Résister » est une forme de communication : celui qui résistait signifiait incontestablement à Vichy et aux Nazis qu’il ne les portait pas dans son cœur et était bien décidé à contribuer à leur disparition d’un paysage qu’ils polluaient ! Je remarque aussi que l’acte isolé, spontané, de Résistance n’implique pas nécessairement communication, moins encore échange de communications, préalable : le cheminot qui passe à côté d’un train en stationnement et change les indications de destination de certains wagons, le citadin ou le paysan qui, se trouvant par hasard seul devant des poteaux indicateurs de l’armée d’occupation, les barbouille ou les permute ( c’est plus amusant quand on pense au résultat possible), agissent peut-être sous le coup, simplement, d’une heureuse inspiration…

Autre chose est de la Résistance organisée, celle des réseaux, par exemple. Le fonctionnement des réseaux, répartis sur tout le territoire mais (en principe, au moins) s’ignorant mutuellement, impliquait direction et coordination : ordres et rapports devaient circuler entre les responsables de ces réseaux et Londres, où se  trouvaient l’État-major et les chefs dont relevaient ces responsables. Et, si même les fameux « messages personnels » ( j’en ai entendu encore, la semaine dernière, non sans émotion, en traversant les salles du Musée Jean Moulin, à Montparnasse, où il y a toujours des expositions remarquables sur la Résistance),…, si même les « messages personnels », inventés par le premier agent de la section F du Special Operations Executive parachuté en France (Georges Bégué, un radio), ont largement contribué à réduire le flot des échanges, si même la plupart des agents parachutés ou déposés en France étaient pourvus de directives précises, et souvent très détaillées, l’évolution des choses rendaient ces échanges indispensables, et nombreux.

On a donc porté ou envoyé des messages ; des plis ont été emmenés par des agents, glissés dans le contenu des containers ou des colis parachutés, passés par l’Espagne ou par la Suisse. Mais les délais n’avaient évidemment plus rien à voir avec ceux auxquels, déjà, nous soumettait la Poste….Il fallait plus court, plus immédiat : la radio s’imposait…et, donc, un personnel spécialisé, du matériel, et des installations…

J’ai été radio. Je l’ai été pendant quelques mois seulement, dans un réseau d’importance modeste, opérant en Bourgogne, sur le nord du département de Saône-et-Loire et le sud de la Côte-d’Or, où j’avais, en outre, la responsabilité des autres activités ( parachutages et sabotages) pour la côte chalonnaise et le secteur de Chagny.

J’ai recruté, très rapidement, d’autres radios, des vrais, des professionnels (je les ai « sortis » d’un centre de Contrôle radio-électrique – c’est-à-dire un centre d’écoute et de repérage –de Vichy). Et j’ai formés ces radios à nos procédures. Je leur ai enseigné nos codes (pour le reste, je n’avais vraiment rien à leur apprendre : ils étaient beaucoup plus capables, et plus rapides, que moi !). L’un d’eux m’a remplacé, les six autres ont été affectés à d’autres réseaux, en général voisins ( je n’ai su lesquels qu’après la guerre), qu’ils ont rejoints vers la mi-juillet 1944.

Le radio était, et devait être, un personnage relativement effacé. Mais il était maître de son programme de travail, du choix de ses installations et de leur gestion ; et il déterminait, pour l’essentiel, les modalités de ses liaisons avec son chef de réseau, dont il codait et transmettait les messages, et auquel il faisait tenir, dûment déchiffrés, les messages reçus de Londres. Je me suis toujours bien entendu avec mon « patron » : le hasard avait voulu que nous fassions ensemble le voyage de Lyon à Londres au début de l’été 1943 ( il était le responsable du petit groupe auquel j’avais été intégré), puis suivions ensemble les parts de notre entraînement consacrées à la formation paramilitaire et eu parachutage ; et il avait été à la « finishing school » de Beaulieu ( Beaulieu, dans le sud de l’Angleterre, prononcé Biouli), puis m’avait attendu, pendant que j’apprenais, à Thame Park (autre training school), le morse et la manipulation (je ne suis pas passé en « finishing school » ; on a dû penser que ce qu’impliquaient les stages de pratique radio – j’en ai fait deux, d’une semaine chacun, chez les particuliers, l’un à Newcastle, l’autre en Ecosse, à Kilarnoh – et mon expérience antérieure en France, devaient m’avoir appris à me conduire)…

Le matériel, c’est-à-dire le poste émetteur/récepteur dont nous étions pourvus, était dans une valise, et nous disposions d’une longue antenne… Je me suis contenté de constater que cela fonctionnait, et ne me suis jamais préoccupé de la structure de l’appareil, ni de chercher une position particulière pour l’antenne : ici, je la jetais sur les classeurs qui encombraient la salle d’une mairie minuscule perchée en haut de la colline qui séparait les deux agglomérations d’une petite commune de campagne, là sur les fûts, dans la cave d’un viticulteur, ailleurs sur les stocks de bois d’une menuiserie ou dans un coin de grenier. A Chagny, le fils- ingénieur agricole – de ceux chez qui je « travaillais » avait isolé l’un des fils électriques passant de la maison d’habitation à la grange : résultat, 25 mètres d’antenne extérieure, sans rien autour, et une puissance d’émission telle que Londres, me croyant dans une station ennemie, m’assaillait de questions bizarres qui me plongeaient dans la plus totale perplexité…

J’avais – les descriptions que je fais vous l’indiquent – non pas une, mais plusieurs stations, réparties entre Chalon-sur-Saône et Charolles d’est en ouest et entre Beaune et Saint-Gengoux (c’est un peu au nord de Cluny) du nord au sud ; et j’allais constamment de l’une à l’autre en bicyclette. Toutes ces stations ont été équipées dès après que j’eus reçu mes premiers parachutages : autrement dit, je n’ai transporté ou fait transporter un poste qu’une fois pour chaque station ; et mes hôtes – ceux qui prenaient le risque de m’accueillir et, pire, de me laisser émettre chez eux – prenaient soin d’abriter l’instrument entre mes visites. Ils savaient faire preuve  d’ingéniosité : ainsi l’un avait aménagé une marche de l’escalier montant au grenier et y logeait le poste en mon absence ; un autre avait réalisé des coffrages cimentés, dans un champ et dans son jardin, camouflés sous des plaques d’herbage (je n’ai jamais pu les trouver seul, alors même qu’il m’avait indiqué où ils étaient), le poste passant du champ au jardin lorsque ma visite était annoncée ; et à Chagny, des abeilles gardaient l’appareil sous leurs ruches, que seule l’apicultrice pouvait approcher (j’ai, depuis lors, droit, chaque année, à un peu du miel que produisent les générations successives d’abeilles de ce rucher)…

Changer fréquemment de lieu de travail était indispensable ; mais il fallait aussi, pour avoir plus de chances d’éviter la détection par les équipes allemandes de radiogoniométrie, changer plus souvent encore de fréquence, c’est à dire de longueur d’ondes : cette fréquence était déterminée par le « cristal » que l’on plantait quelque part sur ou dans l’appareil (le cristal avait l’aspect d’une prise mâle d’électricité, le plot que l’on met dans la prise qui est au mur) ; et j’ai eu cinq, puis dix, cristaux à ma disposition. J’utilisais donc au moins deux, souvent trois, longues d’ondes au cours d’une même séance de liaison, toujours commencée par l’envoi des messages pour Londres, et continuée par l’écoute de ce que m’envoyait la centrale…

Tout cela paraît fort simple, et ce l’était effectivement…une fois acquise une vitesse raisonnable de frappe sur le manipulateur, et une capacité d’enregistrement comparable (pour autant qu’il m’en souvienne, ce devait être d’au moins dix « mots » minute, chaque « mot » étant un ensemble de cinq lettres). Mais parvenir à cette vitesse (presque ridicule pour un professionnel) n’avait été possible qu’au bout de semaines d’exercices épuisants à l’école radio (STS n°52) à Thame Park, d’où je suis sorti drogué à un point tel que je ne pensais plus qu’en morse : dans « l’underground », je ne voyais plus les indications »in », « to », »out » ; mon cerveau m’envoyait « di di, da, di » « da,da, da, da », « da da da,di,di da, da », et le reste à l’avenant….Cela devenait quasi maladif, et même longtemps après la guerre, à Paris, il m’est arrivé de me surprendre « lisant » en morse le nom d’une station de métro où entrait la rame dans laquelle je me trouvais.

Comment ai-je été choisi pour être radio ? Je suis bien incapable de le dire… C’était, vraisemblablement, le fruit des conclusions des psychologues et autres analystes qui nous ont interrogés, étudiés, épluchés dans la première des « écoles » où l’entraînement nous a conduits : ils nous faisaient regarder ce qui nous paraissait être de vulgaires taches d’encre, et insistaient pour que nous fassions des commentaires ; ou bien encore ils nous bombardaient d’une série de mots, en exigeant de nous, pour chaque mot, un mot – un seul – en réaction immédiate ; ou bien encore, sous un prétexte quelconque, ils nous envoyaient dans une cour, nous rappelaient, et nous demandaient aimablement combien de portes ou de fenêtres donnaient sur cette cour…M’auraient-ils trouvé le profil de l’emploi ? On ne me l’a jamais dit ; et j’ai tendance à croire que ce serait plutôt à défaut d’autre profil marqué (on préférait les filles pour les emplois d’agents de liaison ; je n’ai jamais eu que deux mains gauches, ce qui n’était pas de nature à faire de moi un saboteur habile ; et j’avais seulement 22 ans…), ou parce que les besoins en radios étaient énormes, qu’on a pensé que je pourrais faire l’affaire ;..Il faut croire que cela a été le cas… Toujours est-il que j’ai absorbé, et pu transcrire, tout ce que j’ai reçu, que Londres n’a jamais eu besoin de me faire répéter ce que j’ai transmis, et que j’ai eu la chance de m’en sortir indemne….

Ce pourquoi je suis ici aujourd’hui, à votre disposition maintenant…

Exposé-Témoignage de Jean Marie Delabre

L’avant-guerre

Je n’avais pas encore 15 ans quand le 1er septembre 1939 les troupes allemandes envahirent la Pologne suivies de l’armée de l’URSS. Il était devenu impossible pour les français et les anglais de continuer à accepter que les Allemands  sous la direction du parti nazi  et de son chef Adolphe Hitler conquièrent  petit à petit l’Europe. Déjà  depuis bien des années les français et les anglais, fatigués de ce qu’on a appelé la Grande –guerre qu’ils avaient gagnée. Avaient année après années renoncé  à utiliser leurs forces armées pour arrêter la progression allemande  et en dernier lieu par les accords de Munich en 1938 abandonné  la Tchécoslovaquie  malgré les accords de protection qu’ils avaient avec cette dernière.

Cette fois l’invasion de la Pologne ne permettait plus de laisser Hitler aller encore plus loin et le 3 septembre français et anglais déclaraient la guerre à l’Allemagne.

Malgré mon jeune âge je vivais année après année tous ces évènements me rendant bien compte qu’il ne serait pas possible de maintenir la Paix en Europe et qu’une guerre avec l’Allemagne était évidente et  que sa date était de plus en plus proche.

Je pensais que nos dirigeants  étaient conscients  du danger et que quel que soit leur désir de paix qu’ils connaissaient le danger que représentait  notre voisin allemand qui contrairement aux traités existants avaient  reconstruit une armée moderne et puissante.

Jeune et dans une famille où les enfants étaient tenus au courant des évènements par des parents très ouverts, je m’intéressais à tout ce qui concernait notre marine militaire, notre aviation et en général la modernisation de notre armée.

Le 3 septembre 1939 la déclaration de guerre à l’Allemagne non seulement  non seulement ne m’inquiéta pas mais me donna une satisfaction « Enfin la France refusait de laisser l’Allemagne  et son régime dominer toute l’Europe et les forces militaires françaises et celles de nos alliés britanniques devraient nous permettre de battre  l’Allemagne. »

Par crainte de bombardements sur Paris mes parents décidèrent de quitter la capitale  et de s’installer à Caen où nous avions des cousins. C’est donc de Caen que mes sœurs et moi suivirent les évènements avec une grande confiance en nos armées et la foi en leur succès.

Inutile de vous dire que nous étions très déçus du manque d’activité de nos armées mais nous pensions que nos dirigeants militaires avaient leur plan dont cette inactivité faisait partie. Pendant ce temps, les allemands débarquaient en Norvège et leurs alliés russes envahissaient la Finlande ? Nous fumes encouragés mais bien peu de temps par l’expédition en Norvège. Les allemands avaient débarqué en Norvège et il fallait s’assurer qu’ils ne prennent pas  possession d’installations au Nord du pays de fabrication  d’ « eau lourde » nécessaire pour l’industrie atomique.

Brutalement le 10 mai 1940 nous apprenons que les troupes allemandes  sont entrain d’envahir la Hollande et la Belgique toutes deux  nations neutres et les blindés se dirigent sur la France à grande vitesse ; Les jours suivants les nouvelles sont de plus en plus mauvaises dès le 15 mai la Hollande capitule, la Belgique le 27 mai. Les armées françaises et anglaises, sauf exceptions locales, n’offrent aucune résistance aux blindés allemands et c’est  la population civile qui se précipite sur les routes souvent terrorisée par les vols  en piqué des Messerschmit.

L’exode

A Caen nous voyons très vite arriver ces convois de voitures  remplies de familles entières parties de chez elles en emportant le strict nécessaire. Toute ma famille est bouleversée par  tout se  qui se passe et en gardant l’espoir d’un nouveau front permettant de résister à la horde germanique  se rassemble pour le plus urgent « aider tous ces réfugiés à trouver  lieu où dormir et se nourrir.

Mais tout va très vite et tous les miens doivent à leur tour se mettre en route ma Mère espérant rejoindre mon père sans même savoir où il était. Une de mes sœurs plus ou moins malade est prise en charge par une voiture militaire, moi-même part avec un cousin en bicyclette mes sœurs à pieds première étape prévue Château-Gontier en Mayenne.C’est là que je retrouve dès le soir ma sœur Marileine et ma Grand-mère.

Une petite unité de soldats français est encore sur place et se prépare à défendre un pont ce que nous admirons ma sœur et moi mais que la population locale  semble trouver inutile.

Le lendemain matin des tirs nous conduisent à nous réfugier dans une cave. Le tir cessant nous sortons et apercevons des soldats allemands dans la rue et dans le jardin  quelques accessoires militaires que ma sœur s’empresse d’enterrer.

Nous voilà donc derrière les lignes allemandes et la radio que nous écoutons ne nous offre aucune nouvelle encourageante ; aucune force militaire alliée ne semble en mesure d’arrêter  le flot allemand.

Ma sœur et moi sommes effrayés ! Que va-il se passer ?

Quand nos troupes vont-elles enfin arrêter l’ennemi ;  la France  a un grand empire qu’elle devrait pouvoir mobiliser pour organiser une contre-offensive ; où est notre si belle aviation, notre marine si moderne ne peut-elle pas transporter le reste de notre armée  avec le maximum d’armes en Afrique du Nord

Rien ne vient nous offrir la moindre raison d’espérer ! Nous avons l’impression que tout est lâcheté

Notre gouvernement donne sa démission,  on appelle le Maréchal Pétain au secours on convoque le parlement ! tout cela pour constater qu’il n’y a plus qu’à demander  l’ armistice et nous soumettre à toutes les volontés des allemands auxquels viennent se joindre les italiens en nous déclarant la guerre. Nos alliés anglais  jugeant que tout combat sur le sol français est vain  en retirent le maximum d’hommes et de matériel.  Hitler va-il  les poursuivre de l’autre côté de la Manche.

Tout cela ne nous semble pas possible, notre jeunesse n’acceptera pas la tutelle allemande.

 Nous sommes sans cesse à l’écoute de la radio. Nous apprenons successivement que Pétain a demandé l’armistice  à Hitler, que le parlement français  a voté  presque unanimement les pleins pouvoirs au vieil homme de Maréchal

Mais voilà que nous arrivons à capter la radio de Londres et que nous entendons parler un homme Général à titre provisoire dont nous n’avions connu le nom que grâce à sa nomination  toute récente de secrétaire d’état à la Défense nationale Charles de Gaulle.

Tout à coup au milieu de son message à la France la phrase :

La France a perdu une bataille mais la France n’a pas perdu la guerre

Nous fait vibrer tout notre être et renforce toute notre espérance. Tout devenait différent, certes  notre entourage était loin de partager notre enthousiasme dans un nouvel univers ou tout paraissait nous plonger dans une situation catastrophique sans espoir.

OUI NOUS DEVONS CROIRE EN LA VICTOIRE CONTRE L’Allemagne non seulement qui est possible mais sera. MAIS  QUELLE EST LA VALEUR DE CETTE CROYANCE SI nous n’avons pas la volonté d’agir pour y participer

Si c’est bien plus tard que j’ai eu l’occasion de lire qu’il y a 2000 ans dans un épitre   «  la foi est inopérante sans les œuvres. » c’est ce qui alimentait l’esprit de ma sœur et moi.

Nous étions convaincus que malgré notre jeune âge et sans savoir tout de suite comment, apporter nos actions pour  que notre foi en une victoire ne soit pas vaine.

Au milieu de tout cela nous avions hâte de retrouver le reste de notre famille à Caen et de connaître   leurs réactions face aux évènements. Nous purent trouver un train et retrouvèrent  notre Mère et nos sœurs à Caen qui, bonheur partageaient totalement nos opinions. Plus rien ne nous retenait à Caen et nous avions hâte de retrouver Paris

Paris que nous aimions tant est devenue une ville pleine de drapeaux à la croix gammée  et de soldats allemands partout autour des immeubles, des panneaux de signalisation partout ?

C’est horrible et nous ne pouvons penser à  autre chose qu’à la nécessité de trouver le moyen d’agir pour retrouver un notre Paris avec le drapeau tricolore aux façades des bâtiments officiels.

L’engagement :

Je suis jeune  et il faut continuer mes études. Mes trajets pour me rendre au lycée Louis le Grand sont l’occasion de retrouver mon ami Jacques avec lequel nos conversations sont sans cesse sur les évènements, les nouvelles entendues à la radio de Londres sont constamment sur les évènements  et  la question permanente que pourrions-nous faire ?

Nous remarquons que les portraits de Pétain mis dans toutes les classes disparaissent régulièrement, cela nous indique que des camarades du lycée s’emploient à montrer qu’ils veulent montrer leur opposition  au gouvernement en place à Vichy qui collabore de plus en plus avec les occupants.

Les murs de la capitale sont de plus en plus couverts d’affiches  de propagande  contre les anglais, contre les juifs  .Jacques et moi décidons d’en arracher le plus possible sur notre trajet et  enfournons les déchets dans nos cartables. Nous pensons ainsi montrer  qu’il existe des français qui n’acceptent  pas et osent.

L’entrée en Résistance :

Un jour Jacques m’annonce qu’il a été contacté par un garçon du lycée qui lui a dit qu’avec d’autres camarades  des lycées  Louis le Grand et Henri IV ils formaient un groupe qu’ils appelaient «  Les Volontaires de la Liberté «  afin de voir tout qu’il serait possible de faire pour lutter contre les allemands et me demandant si je voulais  le rencontrer.

Naturellement je montrai tout de suite mon empressement et  quelques jours après que  je me trouvai chez Jacques Lusseyran un aveugle que je connaissais pour l’apercevoir à la sortie du lycée. Notre conversation fut pour moi passionnante et se termina par mon accord pour me  joindre comme Jacques à leur Groupe.

Aux craintes d’un débarquement sur les iles britanniques avait succédé une guerre aérienne sans merci. La guerre s’étendait sur l’Afrique où Italiens et Allemands  tentaient de couper la route de Suez aux britanniques qui recevaient à notre grande joie l’aide d’une armée française formée par le Général de Gaulle l’armée de la France libre, la Russie  était envahie par l’armée allemande.  Les Etats –Unis étaient entrés en guerre et apportaient leur aide non plus uniquement en matériel mais aussi en hommes. Un débarquement en Afrique du Nord française affaiblissait le gouvernement de Vichy mais l’occupation de la France  était totale. Tout cela n’empêchait  pas  l’administration de Vichy de collaborer avec les allemands pour mener une politique conduisant à arrêter les juifs et à les déporter et à lutter contre toute résistance par la mise à mort et la déportation

Je ne suis pas ici pour vous raconter l’histoire de  la guerre mais je dois vous faire comprendre au milieu de  combien d’évènement nous nous trouvions.

La Résistance :

Notre petit groupe avec très peu de moyens distribuait une feuille d’information, « Le Tigre » qui s’ajoutait aux journaux clandestins déjà diffusés et avait comme eux une principale mission : montrer à ceux qui en prenait connaissance qu’il existait en France une Résistance

contre l’occupant qui  agissait et croyait à la victoire des Alliés  auxquels il importait de donner toute notre aide sous toutes les formes possible.et de préparer le jour où  les Alliés accompagnés des forces françaises libres viendraient nous délivrer de l’occupant allemand

Jacques eut des contacts avec le groupe qui publiait le journal Résistance ce qui nous permit de développer notre diffusion.

La vie était devenue très difficile en zone occupée  et certaines affiches allemandes en particulier cette affiche jaune à bords noir qui nous apprit  le nom  de premières personnes exécutées par les allemands dont le commandant Thierry d’Argenlieu ne fit qu’augmenter notre ardeur à lutter

Oui lutter pour faire connaître au maximum de français qu’il existait sur le territoire  métropolitain des femmes et des hommes  qui prenaient des risques pour abattre  et les inciter à les aider et les rejoindre.

Résistant au sein du mouvement Défense de la France :

Fin 1942 Jacques Lusseyran fut approché par Philippe Viannay  qui dirigeait le mouvement qui imprimait  Défense de la France dont les possibilités de tirage s’étaient développées  et qui lui demanda si les volontaires de la liberté ne le rejoindraient  pour augmenter sa force de diffusion. Jacques et moi donnèrent notre accord ainsi que la plupart de membres des Volontaires de la liberté. Nous nous trouvions alors  avoir à notre disposition une organisation avec beaucoup plus de moyens et un journal avec des articles de grande qualité et généralement bien documentés. Si je vous ai dit tout à l’heure que le plus important était pour un journal clandestin le fait d’exister son contenu n’était quand même  pas sans importance pour ses lecteurs.

Le tirage important du journal permettait de développer sa diffusion et les idées ne manquaient pas mais devenaient parfois dangereuses. Toute une organisation devait exister pour que les journaux soient transportés depuis leur lieu d’impression  jusqu’aux distributeurs  qui étaient souvent eux-mêmes mis à contribution pour aller chercher en certains lieux des valises de journaux pour ensuite les remettre à d’autres distributeurs  qui venaient quelquefois  les chercher à leur propre domicile ;

La radio de Londres  était pour nous un support énorme et nous permettait de garder vivante notre espérance et notre désir d’action même aux moments où  tout devenait difficile. Le journal était à même de fournir de plus en plus d’exemplaires et demandait aux diffuseurs sans cesse de nouveaux efforts L’écoute de la radio de Londres était souvent très difficile  car toutes les émissions étaient brouillées. Les interventions du général de Gaulle faisaient vibrer notre cœur et stimulaient notre désir d’action

Radio Paris seule radio française était totalement un outil de propagande à la main des allemands et des collaborateurs. On Chantait RADIO PARIS MENT RADIO PARIS EST ALLEMAND

Les efforts  étaient pour la diffusion sur Paris mais de plus en plus avec une organisation en banlieue et dans les villes de province. Petit à petit le Mouvement Défense de la France se renforçait et   nous permit de fournir les cartes d’identité et différents documents  qui nous étaient demandées. Dans Paris des diffusions ouvertes  étaient organisées   certaines nécessitant de mobiliser ceux qui distribuaient et ceux qui surveillaient et devaient permettre de quitter les lieux rapidement,

Il y eut ainsi des distributions dans le métro, à la sortie de messe le dimanche.

Le 14 juillet 1943 il avait été décidé de faire une grande action dans Paris, un lieu avait été désigné  à chaque diffuseur  qui devait trouver le moyen d’y distribuer des journaux. Naturellement il fallait faire vite sans trop se faire remarquer. On m’avait fixé la Place des fêtes (je ne la connaissais pas du tout) j’avais mis les journaux dans ma chemise  et j’entrais dans chaque magasin et je déposais sur la caisse un  journal disant une phrase, je ne sais plus laquelle, comme voici un journal de la Résistance française. Une autre fois j’avais décidé de monter dans des immeubles et  de passer un journal sous les portes d’entrée des appartements mais cela a failli mal se terminer.

L’arrestation et la Déportation :

Six jours plus tard j’étais arrêté par la bande Bonny Lafont en entrant dans la librairie AU VŒU DE LOUIS XIII rue Bonaparte qui était notre boite à lettres et souvent notre lieu de rencontre.  Un jeune étudiant était entré dans notre groupe et nous avait vendu s.

Mon histoire de diffuseur de journaux clandestins s’arrête donc là le 20 juillet 1943 et ce n’est que fin mai 1945 que le petit garçon de 14 ans que j’étais au début de la guerre : se

Retrouvait jeune homme de vingt ans dans un Paris sans drapeaux à croix gammée et sa famille ayant vécu durement cette période. Ma sœur dont je vous ai parlé au début de cet entretien avait non seulement poursuivi sa Résistance à Défense de la France mais aussi dans le service de Santé de la Résistance où l’avait entraînée un ami gros distributeur de DF

C’est pour ce service qu’elle fut arrêtée puis déportée. Elle revint avant moi après une très dure déportation et libération

EXPOSE et TEMOIGNAGE de JEAN-LOUIS CREMIEUX-BRILHAC

« La communication Londres vers la Résistance intérieure »

1° De 1940 à 1942 la stratégie des Britanniques consiste à mettre en place 2 volets d’action : La  lutte ouverte et l’action clandestine

2° La circulation des informations, des hommes et du matériel entre Londres et la clandestinité

 

La Résistance n’aurait pas pu être ce qu’elle a été sans d’une part les radios et d’autre part les parachutages et atterrissages :

Les radios d’une part, (radios  « ouvertes », essentiellement la BBC, et les émetteurs récepteurs clandestins permettant les échanges avec les agents ou les formations clandestines,

d’autre part les parachutages et atterrissages qui permirent l’envoi en France avant le 6 juin 1944 essentiellement pour le compte des services français libres ou britanniques de quelque 900 agents et chargés de mission, non compris 210 débarqués par mer.

Le premier acte liant communication et résistance est évidemment l’appel du général de Gaulle du 18 juin 40, C’est un militaire isolé: isolés, ses appels le sont comme « Les lettres à l’occupé » de Texcier, ou le premier le tract d’Edmond  Michelet, avec cette différence que l’acte radiophonique a des répercussions tout autres que celles d’un tract. La BBC est le moyen de communication premier au service d’une résistance qui n’existe quasiment pas encore.

Pour l’Angleterre étant chassée du continent, la radio est le seul pont qui l’y rattache, il est compréhensible qu’elle la renforce et l’étende.

A partir du 1er juillet 1940, à Londres,  en quelques semaines, c’est une machinerie britannique de l’action en France qui entre en application, en même temps qu’est définie une doctrine de l’action en France, c’est-à-dire du soutien à la résistance à faire naître.

La doctrine peut se résumer en trois articles :

1) La France a été vaincue grâce à une Cinquième colonne allemande qui a d’abord perverti l’opinion publique par sa propagande, puis contribué à désorganiser les armées par ses agents sur le terrain. Nous savons aujourd’hui que c’est faux, mais cette croyance est alors répandue : il faut retourner contre l’Allemagne ses propres armes ;

2) Il doit y avoir deux formes d’action en France convergeant vers un même objectif, l’action ouverte, c’est-à-dire la propagande, et l’action subversive sur le terrain ;

3) L’objectif ultime des deux formes d’action est de parvenir à susciter en France de formes de guérilla. Churchill a participé à la guerre des Boers qui était en une large mesure une guerre de guérilla, il a bien connu Lawrence d’Arabie, maître de la guérilla, au plan historique il y a  le souvenir de la guérilla menée par les Espagnols contre l’armée napoléonienne : très vivace en Angleterre, enfin un militaire qui est l’étoile montante des services britanniques de subversion en Europe, le général Gubbins, a suivi de près le soulèvement irlandais et s’est fait un théoricien de la guerre de guérilla..

Ainsi peut-on lire dans un rapport de la BBC du 8 juillet : « Le poids de la propagande antianglaise va être énorme : il faudra maîtrise et résolution dans l’usage de toutes les ressources britanniques de propagande pour créer une cinquième colonne efficace en France 

Et le colonel Buckmaster, qui fut le patron des réseaux britanniques de sabotage et de guérilla en France, écrira dans ses Mémoires ; « Nous avions besoin d’instaurer une confiance totale dans la BBC afin que, le moment venu, les patriotes français acceptent, sans questions et sans murmures, tout directive qui serait lancée sur ses longueurs d’ondes »

Il est stupéfiant, alors que la Grande Bretagne de 1940 est menacée d’invasion et de destruction, que certains de ses responsables misent avec autant d’assurance sur l’avenir.

Action ouverte, c’est-à-dire propagande. Jusqu’à juin 1940, la BBC n’avait diffusé vers la France que 4 puis six bulletins d’information par jour et c’est dans le cadre d’un de ces bulletins d’information que de Gaulle avait lancé son premier appel. A compter de juillet, une grande émission du soir est instituée, diffusée immédiatement après l’émission de 20h de Radio Paris : 10 minutes de nouvelles rédigées par des Britanniques, cinq minutes de temps libre à la disposition du général de Gaulle ou de son porte-parole et une demi-heure  de commentaires et de variétés confiée à une équipe de Français sous contrat de la BBC et qui sera bientôt connue sous le titre « Les Français parlent aux Français ».Les Anglais ne cesseront d’augmenter  les temps d’émission (5 heures et quart par jour au moment du débarquement en Normandie), d’accroître la puissance des émetteurs et de multiplier les fréquences (Une émission sur grandes ondes qui deviendra la plus puissante d’Europe, et des émissions sur ondes moyennes et ondes courtes).

Le style même des émissions répond à ces vues d’avenir. Parce que la démocratie anglaise refuse le bourrage de crâne, mais aussi pour s’assurer la confiance totale des auditeurs, la règle  imposée aux émissions sera de dire dans toute la mesure du possible la vérité.

Durant ces mêmes semaines de juillet-août 40, Churchill crèe un service secret nouveau chargé de mettre l’Europe en feu, le Special Opérations Executive (SOE, l’Autorité des opérations spéciales), qui comprend deux divisions, une division de l’action ouverte, c’est-à-dire de la propagande et une division de l’action clandestine, c’est-à-dire dans un premier temps des sabotages qui disposera le 6 juin 1944, en dehors de la France Libre, de 51 réseaux purement britanniques. L’action ouverte, communication-propagande, prendra elle aussi un tel développement qu’en août 1941, le SOE sera scindé et spécialisé dans l’action subversive clandestine tandis qu’un autre service secret sera chargé de la communication pour résister, l’Autorité de la guerre politique, Political Warfare Executive ou PWE.

Dès cette première année, la machinerie s’étoffe : le service d’écoute et d’enregistrement des émissions de radio européennes installé à Caversham près de Reading prend une extension énorme pour l’époque.

Il doit permettre d’être informé et de riposter. Les émissions de Radio Paris, Radio Vichy, Radio Lyon et Radio Toulouse sont enregistrées sur des rouleaux de cire, traduites ou résumées au fur et à mesure, les textes sont transmis à Londres par télétype et regroupées en un gros bulletin polycopié qui est à 9 heures du matin sur les bureaux des rédacteurs de la BBC, et des services anglais et français intéressés. Tous les pays en guerre ont de tels services d’écoute. Le bulletin britannique diffusé chaque matin est incomparablement meilleur et plus facile d’utilisation que ses homologues de Paris ou de Berlin.

Au printemps 1942, de Gaulle donne son feu vert pour la création d’un Service d’écoutes radiophoniques de la France Libre dont je suis chargé de superviser la création et les débuts, qui en deux bulletins par jour, donnera les textes en français des émissions enregistrées, qui comptera en 1944 60 personnes, et qui, le 22 juin 1942 permet à Maurice Schumann de venir écouter avec moi à 20 heures l’émission fameuse de Pierre laval ; « Je souhaite la victoire de l’Allemagne » à laquelle il peut répondre à 21 h 25, sur les ondes de la BBC : Monsieur Laval s’est condamné à mort.

Communiquer pour résister ?  Dès la 1ère année,  apparaissent des innovations marquantes.

 

Côté SOE

A/ Les tracts aériens et en premier lieu le Courrier de l’Air, petit journal illustré hebdomadaire lancé sur la France par des bombardiers de la Royal Force : en 4 ans, 750 millions de tracts et d’exemplaires du Courrier de l’Air furent disséminés sur la France.

 

B/ Les soi-disants « messages personnels » émis en clair par la BBC. Qui pouvait deviner que «  La chienne de Barbara   aura 3 chiots » annonçait un parachutage la nuit même pour le réseau Glover près de Chaumont ou que « La voix du Doryphore est lointaine » ordonnait d’entreprendre le sabotage immédiat des communications téléphoniques de la région R3 ?

Dès l’été 1940, la BBC envoyait des messages en clair aux familles de Français Libres. Pour la première fois, un message codé « Le père vaisselier est bien arrivé » annonçait l’arrivée en Grande Bretagne d’un syndicaliste échappé de France, le secrétaire général adjoint de l’Union catholique de la métallurgie Joseph Botton.  Mais l’invention de messages codés pour donner des informations ou des instructions à la Résistance est liée à la personne d’un opérateur radio français, Bégué, qui fut le premier agent parachuté en France près de Valençays le 5/6 mai 1941.  Traqué par les voitures radiogoniométriques de la Gestapo, il lui fallait absolument limiter au minimum les temps d’échanges par radio avec Londres : il proposa donc d’utiliser la BBC pour signaler quand une opération aurait lieu. Le 3 septembre 1941 il reçut le premier message personnel lui annonçant un atterrissage : « Lisette va bien ».

Avant de diffuser un message personnel, les services secrets en ont communiqué la teneur et la signification à leurs destinataires en France. Voici par exemple, décodé, le message envoyé de Londres pour annoncer l’arrivée prochaine de l’agent Odette Sansom, pseudo Lise :

              Lise arrivera vers 27 répété 27 stop Message personnel BBC Les clochers de mon pays stop  se rendra villa Diana et demandera baron de Carteret Stop Terminé

 

              Les résistants savent ce que signifie : Les clochers de mon pays.

 

              Si le message est préparé en France, il est communiqué à Londres par radio ou s’il n’y a pas urgence par courrier.

On sait que c’est par 210 messages personnels que dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 l’ordre de passer à l’action fut transmis aux responsables de la Résistance dans les12 régions militaires françaises et aux 51 réseaux d’action britanniques

2° La circulation des informations, des hommes, du matériel et des armes entre le monde libre et la Résistance intérieure.

 

Comme les Allemands l’avaient fait en 39-40 avec Radio Humanité, le SOE crée des radios noires, c’est-à-dire supposées émettre en France même, animées par des résistants. Il y a ainsi Les Chevaliers du balai, Radio Travail,  Radio Gaulle, La France catholique,  à partir de l’automne 42 Radio Patrie, puis en 43-44 Honneur et Patrie, toutes très peu écoutées, et surtout une émission supposée faite clandestinement en France par des Allemands antinazis pour démoraliser les soldats de la Wehrmacht, Soldatensender Calais.

 

Dès cette première année est amorcée –expérimentée- l’utilisation tactique de la radio comme une arme. La 1ère initiative  est personnellement le fait du général de Gaulle. Il décide d’appeler les Français à faire le vide pendant une heure dans les rues de France le 1er janvier 1941. Pendant la semaine précédente, des émissions y invitent les Français. Le succès est partiel, mais certain en Bretagne et dans le Nord-Pas de Calais, non négligeable en Corse.  Suivront de février à juin 1941 la campagne des V (tracer des V sur les murs) qui déchaîne dans les pays occupés une véritable fronde de la jeunesse, et ce seront, plus spectaculaires, les manifestations de rues ordonnées par la France Libre par la voie de la BBC, manifestation du 11mai 1941 pour la Fête de Jeanne d’Arc puis du 14 juillet 1941 et garde à vous national de 5 minutes le 27 octobre 1941 en hommage aux otages fusillés,  et surtout les deux grandes manifestations de masse du 1e r mai et du 14 juillet 1942. Cette dernière est suivie dans 27 villes de France non occupée. Elle réunit 50 000 personnes à Lyon et autant à Marseille où quatre personnes sont tuées. Le colonel Passy, chef des services secrets de l France Libre, a donné ordre à tous ses réseaux disposant d’un poste émetteur radio d’en rendre compte, l’aller et retour d’informations entre la France non occupée et l’A grande Bretagne est spectaculaire. Le préfet régional de Marseille rend compte le 22 juillet : « Les appels de la radio  anglaise se multiplient. Ils diffusent de plus en plus d’ordres précis exécutables en quelques heures et qui, dans ces conditions, touchent l’opinion à coup sûr ».

Si la communication des informations se fait en premier lieu de Londres vers la  France grâce à la BBC, progressivement un flux d’informations de + en + nourri vient de la clandestinité. Un mince filet d’informations non clandestines arrive à partir d’octobre 1940 à travers les lettres reçues de France. Le courrier circule entre la zone non occupée et l’Angleterre jusqu’à l’occupation complète, évidement censuré des deux côtés, 60 à 80 lettres par mois à l’adresse de la BBC qui renseignent bien sur l’évolution de l’état d’esprit et les conditions de vie.

Mais ce qui importe avant tout à Churchill dans l’été 40, ce sont les renseignements militaires sur les préparatifs d’invasion allemands, il piaffe, il ne sait rien sinon ce qu’apportent les photographies aériennes, il réclame à cor et à cris l’envoi d’informateurs tant  Anglais que Français Libres. Quelques-uns sont débarqués en Normandie et en Bretagne par des pêcheurs bretons, mais jusqu’au printemps 1941, ce qu’ils peuvent communiquer est très mince. La quête des renseignements relève côté anglais de l’Intelligence Service et côté français  du service de renseignement français libre qui prendra en janvier 1942 le nom de Bureau central de renseignement et d’action, le BCRA.  Du côté français libre, le 1er courrier d’informations militaires, transmis via l’Espagne, est reçu à Londres en décembre 40, le 1er envoyé clandestin pourvu d’un poste émetteur récepteur pesant 30 kilos, le commandant d’Estienne d’Orves, débarqué en France le 22 décembre 40, est arrêté un mois plus tard et les messages qu’envoie son poste radio sont dictés par les Allemands. La 1ère liaison régulière avec le réseau Allah ou Johnny, en Bretagne, commence en mars 1941.

Pour collecter les informations, Britanniques d’un côté, Français Libres de l’autre organisent dans la clandestinité des réseaux de renseignements, pilotés directement de Londres. Le + important réseau de renseignements français libre est La Confrérie Notre Dame, que dirige le Français Libre Rémy et qui durera 2 ans, le plus important réseau rattaché à l’IS est Alliance (l’Arche de Noë), dirigé dans la dernière phase par une femme, Marie-Madeleine Fourcade. Fin 1941 le BCRA dispose en France de 12 émetteurs-récepteurs clandestins dont 6 pour le réseau de Rémy qui couvre essentiellement les ports de l’Atlantique.

Mais la structuration de la Résistance ne se limite pas aux réseaux de renseignements. A partir de 1941, le SOE crée des réseaux d’action pour organiser des sabotages puis enverra  en France des « organisers », organisateurs locaux de groupes d’action. Eux aussi ont besoin de communiquer avec Londres. Le SOE juge leurs communications si importantes qu’ mesure que la guerre avancera tous les grands « organisers » britanniques  ont avec eux un opérateur radio et un ou une agente de liaison britannique.

Enfin à partir de 1942, la liaison s’opère entre Londres et une autre forme d’organisation de la résistance, purement autochtone celle – là, les mouvements de résistance. Jean Moulin établit en 1942 le contact avec eux. Pour les réseaux de renseignements, pour les réseaux de sabotage, pour les mouvements de résistance, pour la Délégation générale que crèe Moulin, il faut pouvoir communiquer avec Londres. La radio clandestine est le lien entre eux et l’extérieur, le moyen de transmission des informations urgentes.

Mais ces différentes organisations clandestines sont vulnérables, elles le sont avant tout précisément par leurs émissions de radio que traquent les stations radiogoniométriques allemandes En 1942, un opérateur radio ne dure en moyenne pas plus de 6 mois avant d’être arrêté, jusqu’à avril 1943, les pertes globales sont de 83%. La guerre que mènent les Allemands pour déceler et arrêter la communication clandestine par radio est terrible : aussi les réseaux de renseignements  ne cessent de se former et de disparaître et de nouveaux se forment. Du coté allié, on ne cesse de perfectionner les postes en les miniaturisant, en 1944, ils ne pèsent plus que 9 kilos, on complique les codes  pour que les Allemands qui enregistrent des émissions ne puissent pas les déchiffrer, on en viendra à séparer l’émission de la réception, puis à constituer des réseaux spécifiques d’émission radio, centres  de réception ou centres d’antennes, non intégrées aux réseaux de renseignement  ou d’action, mais à leur service. A la Libération, la France Libre dispose en France de 50 centres d’antennes et de quelque 150 émetteurs clandestins. Les réseaux relevant du BCRA communiquent en 1944 aux Alliés au moins 70% des informations qu’ils reçoivent sur la France.

Pour les seuls services d’action, le nombre des télégrammes envoyés de France à Londres culminera avec 3 472 télégrammes en juillet 44. Si l’on y ajoute les télégrammes des réseaux de renseignement, le total de juillet s’élève à 5 255 télégrammes, soit 170 par jour.

Et bien entendu, une partie des informations reçues, qui ne sont pas des informations militaires, nous les répercutons vers l’opinion française grâce à la BBC.

 Un échange caractéristique d’informations aller et retour : Glières.

Atterrissages : 324 tentatives entre 1941 et 44, 217 réussies, 9 seulement en 1941, déposant 443 passagers et en ramenant 635 en Angleterre  (chiffres de Verity, Ed. de 12978. Dans un texte de 1992, il mentionne seulement 580 ramenés en GB par Lysanders et Hudsons, mais en comptant 1 opération SOE en Dakota et 20 par des Américains sur dakota mis à la disposition de SOE, il retrouve un total de 650 – 211 passagers déposés en Méditerranée et 665 évacués, par des opérations maritimes clandestines., 88 déposées et 218 embarquées à partir du Royaume Uni Lysanders et Hudsons : dans la nuit du 13/14 septembre 1943 à Gorges, un triplé de Lysanders déposent en 9 minutes 8 DMR ou adjoints; dans la nuit du 18/19 octobre, un doublé de Hudsons près de Lons-le-Saulnier ramènent  18 chefs de la Résistance, pour la plupart délégués à l’Assemblée consultative à Londres

A partir de 1942, la conjonction se fait entre la France Libre et les mouvements de résistance qui s’étaient constitués spontanément sur le territoire français, et que Jean Moulin rallie au général de Gaulle, dont il préside bientôt le comité directeur. Il leur faut des liaisons radio avec Londres. Jean Moulin crée sous son autorité des servis centraux de la résistance, et notamment : le BIP, Bureau d’information et de propagande,puis à l’automne 1942, le BOA Bureau des opérations aériennes et un service commun des transmissions.

Après la disparition de Moulin, l’organisation décentralisée de la Résistance sur la base des 12 régions militaires plaque sur la Résistance intérieure une triple structure de 12 délégués militaires régionaux, de 12 officiers d’opérations aériennes et de 12 centres de transmissions. Les services régionaux d’opérations aériennes prennent une grande extension et deviennent de véritables réseaux.

En mars 1944, ils sont subordonnés aux DMR. Ceux-ci ont dès lors un riple pouvoir : le pouvoir de communiquer avec Londres et Alger pour demander des armes et les faire distribuer.