Les Français – Libres

Rencontre prévu le 30/06/2004

Par Christine Levisse-Touze et Jean-François Murraciole

Il paraît utile de donner en introduction une définition pour mieux préciser qui ils sont. Les Français libres sont ces hommes et ces femmes qui ont choisi de répondre à l’appel du général de Gaulle (appel du 18 juin ou un des jours suivants) de poursuivre le combat à l’extérieur ou à l’intérieur.

Ils combattent en uniforme ou sans uniforme. Ils ont formellement signé un engagement pour la durée de la guerre et sont des volontaires. Sont donc Français libres ceux qui ont rallié avant la date du 31 juillet 1943 après quoi les forces françaises libres et l’armée d’Afrique et troupes coloniales sont réorganisées au sein de l’Armée française. La France libre au sens strict cesse d’exister le 3 juin 1943 lors de la mise sur pied du Comité français de libération nationale à Alger.

Les premiers Français libres sont des hommes ou des femmes seules qui rallient avec des camarades ou individuellement. Ce sont  » des hommes partis de rien  » pour reprendre la formule de René Cassin. Churchill le 27 juin dit au général de Gaulle le fondateur de la France libre : Vous êtes seul et bien je vous reconnais tout seul ! Daniel Cordier, Philippe de Hauteclocque, le lieutenant de Vaisseau d’Estienne d’Orves, Jean Simon, Pierre Messmer. Civils ou militaires rallient individuellement.

A la mi – juillet 1940 : Les FFL sont 1 500 ; à la mi-août, ils sont 6 000, fin 1940, 12 000 ; Ils sont Français, étrangers, habitants l’Empire. Des unités : une partie de la 13e Demi-brigade de légion étrangère. C’est le cas de l’escadron du capitaine Jourdier qui en juillet 1940, entraîne ses spahis en Palestine.

  1. Les ralliements des territoires

De Gaulle veut entraîner l’Empire dans la Guerre car la France n’est pas seule, elle a un vaste empire ! Du même coup les populations françaises et autochtones rallient globalement.

Dans l’été 1940, rallient pacifiquement :

. 20 juillet : Nouvelles Hébrides

. 26, 27, 28, août : Tchad, Cameroun, Congo

. Début septembre : Oubangui-Chari

. 9 septembre : Les Cinq Comptoirs de l’Inde (Chandernagor, Karikal, Mahé, Pondichéry, Yanaon)

. 19 septembre : Nouvelle Calédonie.

. 10 novembre : Gabon

. Juin 1941 : Syrie

. Novembre 1941 : Côté française des Somalis

. Mai 1942 : Madagascar.

. Juin 1943 : les Antilles françaises.

Décembre 1940, les FFL sont engagés aux côtés des Britanniques, d’abord contre les Italiens : le 1er bataillon d’infanterie de marine intervient en Libye ; Février – avril 1941 : la 13ème DBLE en Erythrée.

La colonne Leclerc en janvier – mars 1941 prend Koufra le 1er puis Fezzan puis Tunis (300 hommes dont 2/3 d’Africains).

Juin 1941, la 1ère DFL combat en Syrie les forces Vichystes. Puis en 1942, c’est l’épopée héroïque de Bir Hakeim. En juin 1942 : El Alamein se bat contre les Forces allemandes.

Janvier-mai 1943 : en Tunisie Les FNFL participent à la bataille de l’Atlantique, vitale pour l’approvisionnement de la Grande-Bretagne ; Les FAFL contribuent à la défense de la Grande Bretagne, elles soutiennent également les opérations des FFL au Levant et en Afrique. Les groupes Alsace, Lorraine, Ile de France, Bretagne, Artois, Picardie, mènent des missions de chasse et de bombardement, dans lesquels se distinguent des pilotes comme René Mouchotte.

En septembre 1942, le groupe Normandie est envoyé en URSS combattre aux côtés des Soviétiques.

La conquête de l’opinion par les émissions radio et l’écoute de la BBC permet d’informer et contrebalancer la propagande du gouvernement de Vichy. Les comités de la France libre dans le monde se multiplient jusqu’à 39 comités fin 1942. Exemples : au Canada, Elisabeth de Miribel puis d’Argenlieu, en Argentine. « France for Ever » créé par Eugène Houdry puis animé par le savent Henri Laugier.

Les Forces Françaises Libres représentent 50 000 hommes. Déjà 2 000 ont été tués et 1 200 faits prisonniers.

Les Forces Navales de la France Libre : sont créés le 1er juillet 1940, confiées à l’amiral Muselier. Elles regroupent 13 000 hommes et une quarantaine de bâtiments de guerre, une soixantaine de navires de commerce.

Les Forces Aériennes de la France Libres sont créées le 7 juillet 1940 et commandées par l’amiral Muselier jusqu’au printemps 1941 puis par le général Valin. Il existe plusieurs groupes : Alsace, Lorraine, Ile-de-France, Bretagne, Artois, Picardie, Normandie puis Normandie Niémen. Les FAFL représentent 3 000 pilotes et autres personnels. Les pertes sont importantes. Par exemple, dans le groupe Normandie, sur la centaine de pilotes, près de la moitié disparaît au combat.

Les Volontaires Féminines de la France Libre. La création du corps des volontaires françaises intervient le 7 novembre 1940 par la volonté du général de Gaulle. Ce corps répertorie 430 femmes.

Dans l’appel du 18 juin, et ceux qui suivront, le général de Gaulle demande à tous les Français de le rejoindre à Londres pour poursuivre le combat. Son choix qui paraît peu réaliste, est pourtant porteur d’avenir. Il jette les premières bases d’un contre-gouvernement situé dans le camp des adversaires de l’Allemagne. « A 49 ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries » écrivit-il dans ses Mémoires.

C’est un refus de la défaite motivé par l’engagement du 28 mars 1940 de la France à l’égard de l’Angleterre de ne pas signer d’armistice. De Gaulle, opposé au régime de Vichy, répond à Pétain après la signature de l’Armistice : « Monsieur le Maréchal dans ces heures de honte et de colère pour la Patrie, il faut qu’une voix vous réponde. Ce soir, cette voix sera la mienne ! »

Sans la reconnaissance britannique, l’action du général aurait pu être entravée. Le général de Gaulle a rejoint Londres le 17 juin. Churchill, lui fait ouvrir les micros de la BBC le 18 juin et quelques jours après le 28, le gouvernement britannique le reconnaît comme chef de tous les Français libres. Il lui faut de l’argent, des moyens, des armes. Le 7 août, Churchill affirme son soutien plein et entier au général de Gaulle car il lui faut dans le cadre de la stratégie britannique, contrôler une force française qui demeure dans la guerre. La France libre reconnue comme une force à part entière, dispose donc de locaux et de financements.

L’action clandestine s’est perpétrée à travers le 2ème bureau du colonel Passy qui envoya des agents en France dès juillet 1940. Hubert Moreau, Jacques Mansion puis les réseaux St-Jacques, Confrérie Notre Dame Castille, Fourcaud sont des agents de la France libre qui doivent renseigner.

Grâce à l’action de Jean Moulin, délégué du général de Gaulle, la déclaration aux mouvements du général de Gaulle a pour conséquence la constitution de la France Combattante, fin juillet 1942, regroupant ainsi la Résistance intérieure et les Forces Françaises Libres.

Conclusion : Le rétablissement de la légalité républicaine est inscrit dans l’esprit et les actes du Chef de la France libre à Londres. La France Libre a été porteuse de valeurs : dignité de la Patrie et Honneur.

Typologie des Français Libres

Dans cette rapide introduction, il me paraît nécessaire d’insister sur la singularité des Français libres qui, quel que soit le critère retenu, se présentent comme une population atypique, en marge de la société française de la fin des années 1930.

Mais avant tout un rappel essentiel : dans cette enquête, il n’est question que des Français libres citoyens français en 1939 (de Métropole, de l’Empire ou de l’étranger). Autrement dit, elle ignore les étrangers et, surtout, les engagés coloniaux (de l’AEF, du Pacifique, plus tard de l’AFN) qui furent pourtant majoritaires dans les rangs de la France Libre, du moins jusqu’en 1943. Une autre enquête (voire un autre concours de la Résistance) serait nécessaire pour retrouver la trace et honorer la mémoire de ces résistants qui furent, en 1940-1941, les plus nombreux de tous les résistants français.

Singularité d’abord familiale et générationnelle :

Grande jeunesse des Français Libres : 52% ont entre 19 et 23 ans au moment de l’engagement ; mais à peine 12% ont plus de 30 ans. Ce qui explique, fait remarquable, qu’environ 40% des Français Libres étaient mineurs au moment de leur engagement.

Familles atypiques : dans une France qui ne faisait presque plus d’enfants, les Français Libres proviennent de familles relativement nombreuses (42% viennent de familles de plus de 3 enfants ; 23% de plus de 4). Et ils sont le plus souvent situés en queue de fratrie. On retrouve là, de façon singulière, un phénomène de  » cadets  » qui caractérisait les engagements militaires au XIXème siècle et, plus encore, sous l’Ancien Régime.

En outre, 23% des Français Libres sont orphelins (25% si l’on compte les fils de divorcés).

Singularité géographique : On peut constater une très nette domination des Bretons, des Parisiens et des habitants de la façade atlantique : 41% des engagés pour ces trois ensembles géographiques (26% pour la seule Bretagne). En revanche, on peut s’étonner d’une sous-représentation du Midi, du Centre et des régions pourtant à forte tradition patriotique de l’Est et du Nord. Cela est sans doute lié à la spécificité de l’occupation allemande dans ces régions (zone annexée, zone rattachée, zone interdite).

Singularité par les origines sociales et le niveau d’étude. Du point de vue social et en schématisant, on observe une sous-représentation des milieux populaires (ouvriers – 15% des engagés – et plus encore paysans – 11%) ; une représentation normale des classes moyennes et une énorme surreprésentation des milieux militaires et des couches aisées de la population : 12% de fils de militaires, 16% ( !) de fils de cadres supérieurs ou de professions libérales.

Du point de vue scolaire, on trouve une spectaculaire surreprésentation des bacheliers/étudiants/élèves de grandes écoles, à une époque où moins de 7% des effectifs d’une classe d’âge atteignaient le niveau du bac et où la France comptait moins de 100 000 étudiants. 45% des Français Libres ont au moins le niveau du bac ; 24% sont étudiants ou élèves d’une grande école. Si les élites étaient absentes à Londres en juin 1940, comme s’en désola longtemps le général de Gaulle, leurs enfants étaient bien présents.

Singularité dans la chronologie de l’engagement : On sait que la Résistance intérieure, après avoir longtemps stagnée, connut une très forte poussée de ses effectifs à l’hiver 1942 et au printemps 1943, phénomène directement lié au Service du Travail Obligatoire et à l’espoir d’un règlement de la guerre avant la fin de 1943. Après un tassement à l’automne 1943/hiver 1944, lié à diverses formes de découragement, une seconde poussée se manifesta à partir du printemps et, plus encore, de l’été 1944.

Rien de tel chez les Français Libres, si on limite l’étude à la date butoir du 1er août 1943. Les engagements révèlent deux grandes vagues : l’une à l’été 1940 (juin-septembre), au lendemain de la défaite et de l’Appel du 18 Juin ; la seconde à partir de novembre 1942 et au printemps 1943, avec, cette fois, une nette prédominance des engagés originaires de l’Empire, surtout de l’AFN, et des évadés de France : 40% des engagés en 1940 ; 10% en 1941 ; 15% en 1942 ; 35% en 1943. Entre les deux, de l’automne 1940 à l’automne 1942, la France Libre a connu une grande  » traversée du désert « , le pire étant atteint entre l’été 1941 et l’été 1942. De cette façon, on peut nettement distinguer deux  » générations  » de Français Libres, ceux de 1940 et ceux de 1943.

Autre particularité : en raison du très grand nombre d’engagés à l’été 1940, les Français Libres ayant effectué des actes de résistance en France avant leur engagement est très réduit : 11% à peine des engagés. Autrement dit, l’engagement dans les Résistance intérieure ne prédispose en rien au ralliement aux Forces Françaises Libres. Nous sommes en présence, malgré les missions du Bureau Central de Renseignement et d’Action (BCRA), de deux univers largement clos et indépendants l’un de l’autre. D’où la grande incompréhension réciproque de l’automne 1944.

Bien d’autres points pourraient être abordés (la faible politisation des Français Libres ou de leurs familles, la lenteur de la montée en grade, les activités et les orientations politiques après la guerre, etc…), ce qui est impossible dans le cadre de cette communication. Il resterait aussi à expliquer les phénomènes que nous venons de décrire très sommairement. Je m’y emploierai dans mon étude en essayant de montrer que la grille de lecture proposée par F. Marcot pour la Résistance intérieure (principe  » intentionnaliste  » et principe  » fonctionnaliste « , concepts dérivés de l’historiographie allemande sur le nazisme et adaptés par Marcot à la situation française) n’est guère opératoire pour les Français Libres, ce qui, à mon sens confirme à nouveau la grande hétérogénéité des deux milieux. Bref, tout cela appelle de beaux et stimulants débats.

Avant d’écouter les témoins présents, un intermède audiovisuel a permis d’illustrer le combat de ces  » Français libres  » à travers un témoignage de Pierre Mesmer et des images d’archives.

Réalisée en juin 2003, l’interview de Pierre Messmer*, Compagnon de la Libération, Président de la Fondation de la France Libre, a donné un exemple fort de l’engagement d’un jeune homme dans la France Libre : » Quand j’ai entendu à la radio la déclaration du maréchal Pétain, j’ai eu l’impression que cette voix chevrotante, d’un vieillard illustre, certes, ne pouvait nous laisser présager que du pire. Et c’est vraiment l’audition de cette allocution du maréchal Pétain qui m’a décidé à partir tout de suite …  » Un grand message d’espoir pour tous les jeunes étudiants présents à conclu ce premier document audiovisuel :  » Dans les grandes crises, le ressort a été celui de la jeunesse. J’ai été frappé à Londres, par la jeunesse de tous ceux qui avaient rejoint le général de Gaulle, la moyenne d’âge ne devait pas dépasser beaucoup vingt ans. (…) c’est la preuve que dans une crise la jeunesse joue un rôle déterminant. « 

Puis deux films regroupant des images d’archives exceptionnelles ont été projetés

« Les Français libres « , avec l’aimable autorisation du Mémorial Leclerc et du Musée Jean Moulin de la Ville de Paris.

Ce film documentaire assemble des images d’archives montrant le général de Gaulle saluant les combattants de Bir Hakeim et passant en revue les soldats de l’Empire des territoires ralliés et le parcours héroïque de la Colonne Leclerc en Afrique.

« Ceux du Maquis », avec l’aimable autorisation de l’ECPA et du Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne.

Ce film a été réalisé en 1944, à l’initiative de Jacques de Bingen, délégué général en France du CFLN, et de Jacques Brault, responsable du Service national Maquis, pour la revue filmée mensuelle « Ici la France ».

Il met en scène de jeunes maquisards d’un maquis de la Drôme dans leurs gestes quotidiens. On les voit ainsi monter leur cantonnement, passer de longues heures à s’entraîner ou encore hisser le drapeau français et saluer les couleurs. Le commentaire de ce film est dit par Maurice Schuman. Film de contre-propagande dénonçant le régime de Vichy et incitant au combat contre les nazis est aussi un outil de propagande afin de fédérer les deux grands pôles de la Résistance française : la France Libre ou les Forces Françaises Libres, travaillant depuis Londres, et la Résistance Intérieure ou Forces Françaises de l’Intérieur.

Six Français Libres témoignent de leur engagement et de leur parcours

.

Le général d’Armée Alain de Boissieu, officier des Forces Françaises Libres a évoqué sa rencontre en Angleterre avec Jean Moulin Alain. Alain de Boissieu, jeune capitaine, arriva en Angleterre le 8 septembre 1941, après un long parcours depuis l’Allemagne d’où il s’est évadé, en passant par la Russie où il restera coupé du monde sans un jour de liberté, prisonnier avec, entre autre, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, avant d’être libéré fin août 1941 et de pouvoir rejoindre l’Angleterre. A Londres, il entre à l’état-major particulier du général de Gaulle où il assure la liaison avec la  » Maison Passy  » c’est à dire le Bureau Central de Renseignements et d’Action (BCRA) dirigé par le colonel Passy. Le général raconte :  » En ce qui concerne l’arrivée de Jean Moulin, il a été le premier amené à Londres par le réseau Confrérie Notre Dame-Castille, qui était dirigé par Gilbert Renaud dit  » Rémy « . Un beau jour on m’a dit de transporter Monsieur  » Rex « , c’est-à-dire Jean Moulin, quelque part à Londres pour une rencontre avec une personnalité. Rex voulait profiter du parcours dans Londres pour se rendre compte des destructions occasionnées par le bombardement s allemand. C’est au cours de notre conversation qui portait sur les cathédrales et les vitraux, que je m’aperçus, sans lui en faire la remarque, que l’homme que j’accompagnais était l’ancien préfet d’Eure-et-Loir, Jean Moulin, d’autant que sous son écharpe une cicatrice était visible. Cicatrice qui était le résultat de sa tentative de suicide à Chartres, quand il refusa aux Allemands de signer une espèce d’ordre du jour rédigé par les autorités allemandes disant que des soldats de couleur s’étaient mal conduit envers la population et des prisonniers. La deuxième fois où j’ai vu Jean Moulin s’était au stage de parachutisme, car comme tout le monde, malgré son âge, il subissait l’entraînement au sol, entraînement qui doit être dur afin de réussir son ou ses parachutages. Tous les deux nous avons eu le même largueur à l’entraînement qui m’a dit plusieurs fois :  » Mais vous sautez comme Jean Moulin ! « …..ce qui était un grand compliment. « 

Janine Boulanger-Hoctin, volontaire féminine de la France Libre,  » inaugure  » ses 17 printemps en juin 1940 :  » Suite à l’appel du général de Gaulle, qui s’adressait à tous et à toutes, pour quelles raisons, nous les femmes nous serions nous abstenues de servir alors que notre pays était en détresse ? A Westminster House un bureau de recrutement avait été ouvert pour les jeunes filles et les femmes, mais pour des raisons administratives les toutes premières engagées ne furent convoquées qu’en novembre 1940. Les jeunes engagées étaient soumises à un entraînement militaire de six semaines, le même que pour les recrues anglaises, puis étaient affectées suivant leurs compétences dans divers services des Forces Françaises Libres. Les rares qui avaient un permis de conduire (pour une femme ce n’était pas très courant en 1940) furent affectées dans les Etats major ou à la conduite des ambulances. Quelques-unes de ces volontaires féminines étaient déjà présentes en Angleterre, jeunes étudiantes, pensionnaires, jeunes filles au pair qui travaillaient à Londres, ou Françaises mariées à des sujets britanniques nous rejoindrons dans les services des différentes armes. Comme nous elles seront affectées dans les services d’accueil, dans les foyers, dans les cantines, et bien sûr les virtuoses de la machine à écrire seront affectés dans les états major. En août 1941, un service social fut créé, sous l’impulsion l’Eliane Brot, une cinquantaine de volontaires féminines y furent affectée dont une vingtaine seront envoyée en A.E.F. en mars 1942. Elles ne furent pas les seules à être envoyées en Afrique, un groupe d’infirmières sera affecté, à la même époque au Caire et au Gabon. D’autres volontaires féminines furent versées au B.C.R.A. et suivirent le même entraînement para-commando que les hommes, une douzaine d’entre elles seront parachutées en France comme radio En avril 43, à Alger ces volontaires féminines deviendrons, dans le cadre de la réorganisation de l’armée française le corps des A.F.A.T. (Auxiliaires Féminines de l’Armée de Terre) qui accompagnera sur les routes de la Libération les armées françaises. Ainsi « ces filles de France  » garderont à jamais la fierté d’avoir servis la France Libre. « 

Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Chef des services de diffusion extérieure de la France Libre évoque comment, avec la complicité de la B.B.C. (la radio anglaise)  » les Français Libres  » vont tenter et réussir à conquérir l’opinion publique française aux idées de la Résistance.

Le jeune aspirant Jean-Louis Crémieux-Brilhac arrive en Angleterre, comme le capitaine de Boissieu, le 8 septembre 1941, il fait partie comme lui de  » ces 218 prisonniers français évadés par l’U.R.S.S. :  » Quand j’arrive à Londres où je ne connais rien de la France Libre, sauf le nom du général de Gaulle, je suis affecté, au commissariat à l’intérieur, chargé d’une part d’être secrétaire du comité exécutif de propagande de la France Libre et d’autre part de faire à la demande de Jean Moulin des courriers de documentation, qui sont parachutés chaque mois en France, pour la délégation clandestine et les journaux clandestins. L’une des activités dont j’ai été le principal témoin, et dont j’ignorai tout était la radio, c’est Maurice Schuman qui me l’a fait découvrir. Dans la France Libre la radio et la guerre des ondes ont été quelque chose de très important. D’abord il faut se souvenir que cette guerre des ondes, commence par un acte radiophonique, qui est l’appel du 18 juin, acte politique au retentissement immense. On peut se demander, qui aurait connu de Gaule si cet événement s’était passé vingt plus tôt, alors que la radio n’avait pas d’auditeur ! René Cassin disait, de manière sans doute un peu excessive, c’est la Radio qui a fait le général de Gaulle !!! Dès juillet 40, la radio était devenue pour les Anglais et pour le général de Gaulle un instrument capital, un instrument dans la guerre des ondes, une guerre des ondes qui se livrait contre tous les postes tenus par les Allemands, Radio-Paris en particulier ou par les postes contrôlés par Vichy. En juillet 40 le seul et fragile lien entre l’Angleterre et le continent c’est la radio. Pour de Gaulle la radio était quelque chose de capital, puisqu’il s’agissait de conquérir l’opinion française avec le but ultime de faire entrer aussi les Français de France dans la guerre. Aussi dès juillet 40, la B.B.C. avait créé une grande émission de radio, de trois quart d’heure, qui s’appelait  » Les Français parle aux Français « , à une heure de grande écoute, le soir. Churchill décide, dans le cadre de cette émission, de donner à de Gaulle cinq minutes que l’on appelait  » Honneur et Patrie « , et que devait considérer le général comme lui appartenant, et au cours de laquelle, il pouvait parler à la France, faire connaître ce qu’il voulait à la France. En quatre ans, durant ces cinq minutes, le général parlera soixante fois, et Maurice Schuman, jeune journaliste, de 29 ans désigné comme porte-parole du général, parlera plus de mille fois en quatre années, à la B.B.C. « 

Puis Jean-Louis Crémieux-Brilhac égrène quelques anecdotes dont celle-ci qui montre combien les Français-libres avaient compris le pourvoir de la radio :  » le 22 juin 1942, Radio-Vichy, annonce que Pierre Laval, Président du Conseil depuis trois mois, va faire le soir à 8 heures une émission très importante. Schuman et moi nous allons au service d’écoute de la France Libre à 8 heures et nous entendons cette phrase scandaleuse :  » Je souhaite la victoire de l’Allemagne « . Nous retournons à nos bureaux et Schumann se met derrière son bureau et à la vitesse d’une mitrailleuse tape un texte de réplique, puis nous retournons dans les studios de la B.B.C. A 9 heures 25, c’est à dire à peine plus d’une heure après ce qu’avait proféré Laval, je vois dans la cabine de verre de la B.B.C., à cet instant nous imaginions la France entière à l’écoute de la B.B.C., du moins l’espérions nous, Schuman lancer sa réplique :  » Pierre Laval s’est mis en dehors de la nation, Pierre Laval s’est condamné à mort.  » Quelle réplique, quelle rapidité, quelle force de propagande ! Cette B.B.C. a effectivement et progressivement reconquis l’opinion française, non pas pour l’engager effectivement dans le combat, mais pour faire finalement ce que nous souhaitions : c’est à dire que les résistants soient dans l’opinion française, dans la nation française comme des poissons dans l’eau.  » Les Français Libres  » y sont parvenus en faisant une radio , au style extraordinairement original mêlant des informations, des chansons, et des slogans, comme par exemple :-Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand-. A la B.B.C. les  » Français Libres  » ont dit la vérité, ils disaient ce que Vichy ne disait pas, ils ne cachaient pas les mauvaises nouvelles, Ils ont été véritablement la voix de l’espoir, surtout pendant les premiers mois, ceux du désespoir. Il faut savoir que 70 % des foyers qui possédaient un poste de radio, écoutaient à la B.B.C. l’émission des  » Français Libres  » Au fil des mois la B.B.C. en liaison avec le B.C.R.A. est devenue un instrument de la guerre clandestine sur le sol Français, diffusant presque chaque soir, des messages codés qui cachaient des instructions pour des opérations clandestines.

Stéphane Hessel a rejoint Londres en Mars 41. Quelques temps après, il est affecté au BCRA, puis envoyé en mission en France occupée en mars 1944 où il est arrêté puis déporté à Buchenwald et Dora dont il d’évade. M. Hessel a raconté son action au sein du BCRA, s’est-il- dire le Bureau Central de Renseignement et d’Action :  » Ce Bureau Central de Renseignement et d’action, était chargé au près du général, d’entretenir non seulement des relations de partenariat avec ce qui se passait sur notre sol, c’est à dire la Résistance dans ses différentes formes, mais chargé aussi de lui apporter des instructions de la part du commandement de la France combattante et de l’informer des intentions militaires des Alliés. Dans la longue nuit qui s’était abattue sur la France, il fallait que les femmes et les hommes qui se battaient contre l’occupation se sentent soutenus, dirigés, orientés par nous autres qui étions en Angleterre où nous avons bénéficié de l’extraordinaire accueil de la nation britannique et de son chef Churchill. Cet accueil était prodigué généreusement à tous ceux des Français qui voulaient continuer à se battre. C’est donc une expérience humaine inoubliable d’avoir fait partie de ces moments. Là. Le rôle du B.C.R.A., en liaison avec le commissariat à l’intérieur où travaillait Crémieux Brilhac, était entre autre d’entretenir des réseaux de renseignements. En un mot c’était de l’espionnage pratiqué par nos compatriotes au bénéfice des Alliés, qui recevait ces renseignements que nos réseaux recueillaient. Les Anglais, puis les Américains ont considéré ces informations comme l’une des contributions très importantes de la France à la guerre, dans un moment où nos forces armées étaient encore peu nombreuses. Je me trouvais précisément dans ces bureaux où arrivaient ces informations très précieuses et utiles sur les mouvements de l’armée allemande et sur l’exploitation des ressources françaises par les Allemands. Ces renseignement arrivaient à Londres sous diverses formes : radio, courriers, ou agents Le B.C.R.A. était bien évidemment aussi en contact permanent avec les mouvements de Résistance et essaiera dans toute sa mesure de donner le plus d’efficacité possible à ces mouvements, et de convaincre nos amis britanniques et plus tard américains que la France était un élément réel et fort de la lutte menée contre les nazis. L’un des objectifs de notre B.C.R.A. a été aussi de démontrer à nos Alliés que la France, la vraie, la résistante, celle qui voulait se débarrasser des Allemands considérait comme son seul chef le général de Gaulle, celui avec lequel on se battait. Si la diversité de notre travail nous fit connaître de nombreux moments de joie, nous avons aussi connu des moments extrêmement douloureux, car nous avons perdu beaucoup d’amis, dans la Résistance : on est  » beaucoup mort  » ! Combien ne sont pas revenus ! Mais nous n’aurions rien pu faire s’il n’y avait pas eu en France des femmes et des hommes qui ont sacrifié leur vie… « . Lire l’intégralité de l’intervention de l’Ambassadeur Hessel.

Maurice Druon, jeune écrivain et déjà résistant, rejoint, début 1943, avec son oncle Joseph Kessel l’Angleterre après avoir traversé les Pyrénées, une nuit de Noël, pour rejoindre l’Espagne puis le Portugal. Plus tard Maurice Druon part en mission en Algérie, puis devient correspondant de guerre pour la Radio nationale. Cet après-midi il a évoqué comment est né le « Chant des Partisans « , hymne incontesté de la Résistance intérieure et extérieure :  » Je n’ai pas entendu l’appel, je l’ai lu quelques jours plus tard dans la presse régionale du Sud-Ouest. Notre premier mouvement, avec mes camarades officiers de cavalerie pris dans cette affreuse et humiliante défaite a été de répondre à cet appel : rejoignons le général. Les circonstances ne nous ont pas favorisés. Mon oncle Joseph Kessel, sommes restés deux ans France, dans un réseau, qui n’a pas connu c’est le moins que l’on puisse dire que des bonheurs ! Pendant ces deux années nous avons été avec Kessel dans la vie française, dans les souffrances de la France et dans les efforts de la Résistance, que malheureusement ne partagea pas la totalité de la population. Il y avait ceux qui vivaient dans l’illusion de Vichy qui les entraînaient vers la collaboration, et ceux qui écoutaient, volets clos et portes fermées à la B.B.C., la voix des  » Français Libres « . Puis arrivé à Londres, après bien des péripéties, un jour Kessel et moi rencontrons Emmanuel d’Astier de la Vigerie, le chef du mouvement  » Libération « , l’un des personnages les plus emblématiques de la Résistance en France, nous dire :  » Il faudrait un chant pour unir la Résistance « . L’idée d’un tel chant était bien sûr partagée par tous les grands chefs de la Résistance, comme Fresnay, Médéric, de Jean-Pierre Lévy… et bien d’autres. Les chants guerre, ont toujours entraîné les soldats, mais celui-ci devait unir des individus qui dans des caves, des gares ou des greniers participaient à un même combat sans se connaître, ce chant devait aussi unir les résistants de l’intérieur et ceux de l’extérieur. En un mot il devait unir tous les Français qui se battaient pour la libération et qui ne se connaissaient pas, afin qu’ils chantent ensemble tous les mêmes mots. Alors un jour, Kessel et moi avons choisi par les airs que composaient une jeune cantatrice et compositrice slave, Anna Marly passée par la France et qui était à Londres, l’air qui est devenu celui du chant des partisans. Dans un après, dans un petit hôtel des environs de Londres, où les officiers de la France Libre et les résistants présents à Londres quand ils en avaient le loisir passaient le week-end, nous nous assis dans le salon où il y avait un piano désaccordé. Nous n’avions aucune connaissance musicale peu importe la piano était désaccordé. Nous avons cherché dans le souvenir des résistances historiques en France et nous avons pensé aux Chouans qui se repéraient dans la nuit en faisant le cri du hibou. Puis nous avons écrit un premier vers : Ami entends-tu le cri sourd des hiboux dans la plaine ; nous avons alors trouvé que pour les nazis, les S.S. le hibou était un bien trop bel oiseau, et l’on a remplacé cette partie du vers par : le vol noir du corbeau sur nos plaines. A partir de là, les mots se sont enchaînés, avec le souci d’employer les mots les plus simples, pour que tous, maquisards, partisans, et soldats puissent les entendre, les comprendre, les apprendre par cœur. Dans ce chant on retrouve tous les aspects de la résistance : Le sabotage, l’assassinat des soldats ennemis et des traîtres, et celui aussi de l’espérance. A le fin de l’après-midi, nous avions presque terminé la composition de ce chant, quand l’un de nos camarades entrebâillant l’une des portes du salon nous lance : Elle est terminée votre Marseillaise ? Quel beau compliment ! Le soir, chez d’Astier qui avait invité André Philip, Boislambert, et quelques autres avec Anna Marly et sa guitare et Germaine Sablon, tous ensemble nous avons chanté ce nouveau chant qui allait devenir celui de la Résistance. « .

Georges Caitucoli, a été l’un des parachutistes de la France Libre. Dans les commandos de l’Air, il a commandé un escadron avant de faire partie de l’élite des soldats britanniques, les S.A.S. (Special Air Service.). Aujourd’hui, Georges Catucoli est Secrétaire général de la Fondation de la France Libre. Il a parlé de l’engagement des  » Français Libres  » :  » Les  » Français Libres  » furent une minorité, qui par des chemins divers, va tout faire, tout risquer pour rejoindre le combat. Risquer sa vie souvent pour ensuite, l’offrir en se battant contre l’ennemi, sur terre, sur mer et dans les cieux. Le général de Gaulle le 29 novembre 40, dans un discours à la radio de Londres disait :  » Les  » Français libres  » ont le glorieux devoir et la suprême dignité d’être l’âme de la Résistance nationale « . Mon camarade de combat Pierre Loustic qui trouvera la mort lors d’une mission, alors qu’il n’avait pas dix-huit ans, avait laissé ces quelques lignes simples et poignantes à sa mère avant de rejoindre le général de Gaulle  » Ma chère maman je t’en supplie ne me blâme pas, mon sang brûle dans mes veines, je rêve de porter un fusil et de m’en servir. (…), à Dieu va, je veux être Français encore, Français de toujours « . L’engagement de ces hommes furent clairs, généreux, désintéressés car la victoire ne pouvait sembler qu’aléatoire et bien lointaine. La motivation principale en fut seulement le refus d’accepter une défaite paraissant pour tant irrémédiable et donc la volonté de poursuivre le combat contre tous ceux qui avaient foulé le sol français. Douze mille trouvèrent la mort sur tous les fronts. Dans la nuit du 5 au 6 juin au matin, lors de l’opération  » Overlord « , le premier mort, fut un soldat Français des S.A.S. , mort une heure après avoir retrouvé sa Bretagne natale, on l’appelait :  » le petit vieux « , il avait vingt-sept ans, les  » Français Libres « , c’était la jeunesse.  » Laissons la conclusion de ce bel après-midi à Lucie Aubrac, qui assise au milieu du jeune public prononce quelques mots, à la demande de son ami Stéphane Hessel :  » Les Français Libres  » c’était les hommes et des femmes libres qui avaient l’uniforme français sur le dos, (…)…..pour l’amour de leur pays et celui de la liberté. Je ne séparerai jamais dans mon cœur et dans mon esprit un Français libre d’un résistant. Permettez-moi de vous rappeler que celui qui nous a fait comprendre que la guerre n’était pas fini, que la défaite n’était pas définitive, et qu’il y avait encore des moyens de se battre, a demandé et non pas ordonné, lui qui était un militaire, qu’on le rejoigne dans la lutte, je veux parler du général de Gaulle C’est lui qui nous a donné le courage de nous battre, qui fait que nos plus grands maquis de France portaient des noms de victoire comme Bir Hakeim et Koufra. Ce trait d’union entre  » les Français Libres  » et tous les résistants a été fait par un bonhomme qui était très grand qui avait confiance dans la France « .

Laissons la conclusion de ce bel après-midi à Mme Lucie Aubrac qui, assise au milieu du jeune public nous a prononcé quelques mots, à la demande de son ami Stéphane Hessel :  » Les Français Libres  » : ils ’étaient les hommes et des femmes libres qui avaient l’uniforme français sur le dos, (…) pour l’amour de leur pays et celui de la liberté. Je ne séparerai jamais dans mon cœur et dans mon esprit un Français libre d’un résistant. Permettez-moi de vous rappeler que celui qui nous a fait comprendre que la guerre n’était pas fini, que la défaite n’était pas définitive, et qu’il y avait encore des moyens de se battre, a demandé et non pas ordonné, lui qui était un militaire, qu’on le rejoigne dans la lutte, je veux parler du général de Gaulle C’est lui qui nous a donné le courage de nous battre, qui fait que nos plus grands maquis de France portaient des noms de victoire comme Bir Hakeim et Koufra. Ce trait d’union entre  » les Français Libres  » et tous les résistants a été fait par un bonhomme qui était très grand qui avait confiance dans la France «