Les femmes « Compagnon de la Libération »

Rencontre prévu le 09/03/2005

A l’occasion de la « journée internationale des femmes », sous le patronage du Maire de Paris, à l’auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris, Christine Levisse-Touze directrice du Mémorial Leclerc/Musée Jean Moulin organisait, avec l’Ordre de la Libération et le Musée de la Résistance de Champigny-sur-Marne, un colloque sur « Les Femmes Compagnon de la Libération ».

Le général de Boissieu, Grand Chancelier de l’Ordre de la Libération, qui présidait cet après-midi, a rappelé qu’avant le départ du général de Gaulle, en janvier 1946, un nombre important de femmes étaient susceptibles d’être nommées dans cet Ordre, c’est son brusque départ qui interrompra ces nominations. Ce n’est donc que six femmes qui seront « Compagnon de la Libération » pour s’être distinguées « dans cette haute et âpre campagne, pour la libération de la France ». Historiens et témoins ont rappelé le parcours de ces femmes d’exception comme Marie Hackin dont Christine Levisse-Touze a retracé le parcours. Ancienne élève de l’Ecole du Louvre et épouse du Directeur du Musée Guimet, engagée dans les F.F.L. dès décembre 1940 avec le grade de sous-lieutenant, elle organise le Corps féminin de la France libre. Désignée pour accompagner son mari, le cargo qui les transporte, est torpillé le 24 février 1941, les époux Hackin disparaissent en mer, « unis dans la mort et les hommages ». Mireille évoque sa mère Betty Albrecht, militante dans les mouvements féministes des années 30 tout en s’occupant avec ses amis de la Ligue des Droits de l’homme, de l’accueil des réfugiés du nazisme et du fascisme. Mai 40 à l’entrée des Allemands, sa vie bascule dans la résistance et avec Henri Frenay elle sera « l’âme de Combat ». Trahie et arrêtée le 28 avril 1943, on ne retrouvera son corps qu’à la Libération, enterré dans le jardin potager de la prison de Fresnes. Pour Daniel Cordier Laure Diebold alsacienne et patriote, est une oubliée de l’histoire, comme tous les anonymes qui peuplèrent « la routine héroïque de la Résistance », Mado, fit preuve d’une activité extraordinaire auprès de Jean Moulin. Arrêtée, conduite à Fresnes elle réussit à convaincre la Gestapo qu’elle ne servait que de boîte aux lettres et échappe ainsi à la torture. Libérée en avril 1945, très affaiblie, elle a le bonheur de retrouver son mari de retour de déportation. Guy Krivopissko explique que pour Marcelle Henry, chef de bureau, au Ministère du Travail et de la Sécurité sociale, en 1940, c’est le choc de la défaite qui l’amène à s’opposer à Vichy et à la collaboration. Incorporée aux Forces françaises combattantes, au titre de la Direction générale des Etudes et Recherches, agent de liaison elle assure aussi l’hébergement des évadés lors de leur passage à Paris. Arrêtée le 4 juillet 1944 par la Gestapo, torturée elle ne parle pas. Déportée à Ravensbrück le 16 août 1944 par le dernier convoi quittant Paris, rapatriée en France en avril grâce l’intervention de la Croix Rouge, elle décède le 24 avril 1945 à l’hôpital Claude Bernard à des suites des privations et des mauvais traitements. Vladimir Trouplin déroule le parcours d’Emilienne Moreau-Evrard, fille de mineur, dans le Nord Pas-de-Calais, qui fut durant la Grande guerre à Loos une héroïque résistante et c’est donc tout naturellement que cette  militante socialiste, mère de deux enfants, se retrouve à l’avant-garde de la Résistance en 1940. A « Libération-nord » d’abord, puis agent de liaison dans le réseau Brutus, recherchée par la Gestapo, elle rejoint Londres en août 1944. Elle est alors désignée pour siéger à l’Assemblée Consultative Provisoire d’Alger où elle incarne « la Résistance féminine » française. Avec beaucoup d’émotion Jean Michel Levy parle de sa tante Simone Michel-Levy, rédactrice au centre de recherches et de contrôles des P.T.T., elle fournit dès 1940 à Londres des renseignements sur l’occupant. Dans le réseau « Action PTT » elle est chargée d’installer des postes émetteurs et de l’acheminement du courrier, en particulier ceux des réseaux de la « Confrérie Notre-Dame » (CND) et de l’ « Organisation civile et militaire » (OCM). Arrêtée en novembre 43, torturée elle est déportée au camp de Flossenbürg, où elle continue son action de résistante. Condamnée à mort pour sabotage elle est pendue le 13 avril 1945 quelques jours avant la libération du camp, fidèle jusqu’au bout à la devise de sa Franche-Comté natale : « Comtois, rends-toi ! Nenni ma fois ». Au fond, après avoir entendu tous les historiens et témoins on peut affirmer que toutes ces femmes « Compagnon de la Libération » obscurs et sans grade de la Résistance dont elles faisaient furent fidèles à cette devise, comme tous ces parties.

 

Jean Novosseloff