Inauguration de la Stèle de la Bastiolle à Montauban : la « Résistance Spirituelle à l’honneur »

Rencontre prévu le 25/11/2015

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Un hommage solennel a été rendu le 25 novembre dernier à la maison des jésuites de La Bastiolle, communément appelée le château des Pères où cette communauté a œuvré sous l’Occupation en faveur de la résistance spirituelle au nazisme. A l’initiative de Robert Badinier, délégué régional Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance, ce projet a été réalisé en partenariat avec la mairie de Montauban.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

A l’occasion de la cérémonie officielle, 87 collégiens de l’Institut familial de Montauban ont participé à ce travail de mémoire au cours duquel ils ont présenté une mise en scène de la croix de Lorraine, à partir d’une déclaration du général de Gaulle aux mouvements de résistance, parue dans les journaux Combat, Franc-Tireur et la Voix du nord et conçue par le Commissariat à l’intérieur pour diffusion clandestine en France à l’été 1942.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

La prestation des élèves, qui sont tous candidats au concours national de la Résistance et de la Déportation, était coordonnée par David Vaissière, assisté par trois autres professeurs d’histoire : Virginie-Laure Assémat, Christel Lechaux et Albert Castes. Les choristes étaient dirigés par Sophie Grébert, professeur d’éducation musicale, accompagnée au saxophone par Jérôme Géniès.

Les personnalités civiles et militaires ont été accueillies par une imposante haie d’honneur formée par les collégiens avec les porte-drapeaux anciens combattants. Yvan Thiébaut, Secrétaire général de l’Ordre de la Libération, ayant dû à regret renoncer à l’inauguration de la stèle de la Bastiolle, en raison des attentats terroristes du 13 novembre dernier à Paris, la plaque du souvenir a été dévoilée par Robert Infanti, adjoint au maire, délégué aux anciens combattants, représentant Brigitte Barèges, et Jean Novosseloff, Secrétaire général de Mémoire et Espoirs de la Résistance, en présence de Pierre Mardegan, vice-président du conseil départemental, d’élus municipaux et de Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

Lors d’une réception à l’issue de la cérémonie, Jean Novosseloff a été fait citoyen d’honneur de Montauban par Robert Infanti qui lui a remis la médaille de la ville. L’interprétation émouvante de Paris brûle-t-il ? par Sophie Grébert, accompagnée au violoncelle par sa sœur Marion, a clos cette  sympathique rencontre.


Texte de l’allocution de Robert Badinier, délégué régionnal Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance, prononcée à Pouty le 25 novembre 2015, à l’occasion de l’hommage rendu à la Résistance spirituelle menée à la Maison des Jésuites de la Bastiolle

     Rien de beau, rien de grand, rien de vrai et de noble, ne se fait sans l’esprit humain. C’est ce souffle de vie qui préserve de la suffisance, de l’indifférence, de la haine, de la violence et de la barbarie. Il fait rayonner la dignité de la personne humaine chaque fois qu’elle parvient à faire émerger la fécondité du lien, du sens et du droit. Comme l’a si bien dit Mgr Bruno de Solages, ami de Gustave Peyralade, « L’esprit est incarné dans la matière, mais il parvient à la transfigurer ». Le retentissement qu’a eu son sermon à la cathédrale de Montauban, le 14 mai 1942, où il déclara avec force que « la voix du pape cherchait à se faire entendre (…) mais qu’elle était étouffée », en est une magnifique illustration.

Dans ce lieu paisible que domine le château des Pères dans la campagne montalbanaise, peu de gens se doutaient à l’époque que dans le pigeonnier se trouvait un poste émetteur-récepteur, que des patriotes en liaison avec l’Armée secrète, refusant l’asservissement, écoutaient la voix de la liberté, celle de Radio-Londres. Ces résistants ne pouvaient pas imaginer non plus au milieu du tumulte des persécutions antisémites, qu’ils entendraient aussi, retransmises dans le monde entier sur les ondes de la BBC, « les protestations indignées de la conscience chrétienne » exprimées dans « les diocèses refuges » de Toulouse et de Montauban à l’été 1942 par Mgr Saliège puis, quelques jours plus tard, par Mgr Théas, pour dénoncer la barbarie nazie et l’oppression du régime de Vichy.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

« Quand on écrira l’histoire souterraine des quatre années que la France vient de vivre, on racontera la naissance et le développement de la presse clandestine qui fut aux origines de tout le mouvement de résistance (…) Une place à part devra être faite alors aux Cahiers et aux Courriers de Témoignage Chrétien (…) Leur terrain était celui de la résistance spirituelle au nazisme. » Ainsi s’exprimait après la guerre Pierre Chaillet, qui en était le fondateur. Il a été selon la formule de Maurice Schumann, qui représentait la voix de la France libre à Londres, « notre 18 juin spirituel ».

Il n’est pas étonnant que les éminentes personnalités de la Résistance qui ont séjourné à la maison des jésuites dans les années noires aient été sensibles à ce message d’espérance. Comme l’atteste dans ses mémoires l’ancien premier ministre du général de Gaulle, Michel Debré, qui a été reçu à La Bastiolle,: « L’histoire de France mérite de conserver le nom du Père Chaillet, tant il a compté dans la résistance spirituelle au poison nazi. »

« La Résistance est un bloc, a écrit Jean Cassou. Sans doute chacun a-t-il soutenu sa révolte morale de ses raisons de chrétien, de juif, de républicain, de socialiste ou de communiste, mais elle fut et demeure un fait moral, absolu, suspendu, et le même pour tous les résistants. » Le futur Commissaire de la République était venu en secret à La Bastiolle prendre contact avec le Père Peyralade pour traiter de la Résistance.

C’est cet état d’esprit qui a animé le Père Peyralade lorsqu’en octobre 1941, il prend la direction de la maison des jésuites de La Bastiolle. Dans ce centre de retraites spirituelles, il organise des récollections et des séminaires pour les prêtres et les laïcs et reçoit de nombreux militants, penseurs, acteurs du catholicisme social, des personnalités ecclésiastiques engagées dans la résistance spirituelle, parmi lesquelles Mgr Bruno de Solages, recteur de l’Institut catholique, brillant intellectuel, ardent défenseur de Pierre Teilhard de Chardin.

Quant à Mgr Jules Saliège, qui chargea parfois le directeur de La Bastiolle de le représenter auprès de personnages politiques, il est cité à l’Ordre de la Libération pour « ne pas avoir craint dans les circonstances difficiles de s’opposer à l’ennemi, en le dénonçant du haut de la chaire et dans ses lettres pastorales. Le rayonnement et la vigueur de sa spiritualité sans défaillance ont été un soutien et une inspiration pour tous, croyants ou non. »

Gustave Peyralade permet aussi à d’éminentes personnalités de la Résistance de séjourner à La Bastiolle : outre Jean Cassou, devenu en octobre 1945 conservateur en chef du Musée national d’Art moderne, Michel Debré, chargé du mouvement préfectoral clandestin mis en place à la Libération, garde des Sceaux et rédacteur de la Constitution de la Vème République , Robert Schuman, le père de l’Europe, Léo Hamon, responsable régional du mouvement Combat, compagnon de résistance de Marie-Rose Gineste, membre du Comité parisien de Libération, puis parlementaire et ministre.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

C’est aussi le cas du préfet de Moselle Charles Bourrat, expulsé le 8 août 1940, symboliquement maintenu dans ses fonctions. Il est chargé de la diaspora alsacienne et mosellane en zone libre, ayant installé pour quatre ans ses services à Montauban, au 4, rue Lacapelle où il œuvre en faveur des réfugiés. Arrêté le 9 juin 1944 par la Gestapo, il est déporté au camp de Neuengamme.

Le Père Peyralade était entouré de membres de sa communauté et secondé par son voisin, Gaston Bonnemort, arboriculteur, un ami fidèle dont le courage, le dévouement et l’idéal patriotique, ont fait honneur à la Résistance. La rue qui longe le château des Pères porte son nom. C’est ainsi que de la maison des jésuites partaient les renseignements des émissions secrètes pour l’expédition de containers anglais apportant des armes et des munitions. Dans le parc de La Bastiolle fut ouverte aussi une grande tranchée destinée à cacher des tonneaux d’essence apportés par l’Armée secrète. Un rapport préfectoral, après la Libération, félicitait Gustave Peyralade de « son très beau rôle, aussi bien comme agent de liaison dans la résistance, qu’en camouflant un nombre important de Juifs », comme le souligne l’historien Jean-Claude Fau, dans un ouvrage publié en 2006 par le Centre Départemental de Documentation Pédagogique de Tarn-et-Garonne.

Aujourd’hui, le travail de mémoire s’inscrit dans une démarche permanente qui met en perspective une éducation intégrale pour apprendre à vivre de tout son être dans ses dimensions corporelle, affective et spirituelle, à travers l’engagement en faveur de la citoyenneté universelle. En d’autres termes, on ne peut perpétuer l’esprit de la Résistance que si le travail de mémoire parvient à susciter l’esprit de résistance à l’inhumain.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

Cette articulation entre l’histoire et la mémoire est porteuse d’avenir dans la mesure où elle contribue à faire découvrir l’exigence de l’intériorité et de la sociabilité. Elle se révèle dans notre façon d’être au monde, debout, de penser et d’agir, pour faire vivre toujours plus les valeurs humanistes qui permettent de croître et de faire grandir en humanité. Le respect de soi, le souci de l’autre, notre frère en humanité, et la préservation de l’environnement garantissent l’esprit de civisme : le testament de la mémoire. C’est l’enjeu de la transmission auprès des générations montantes.

Au printemps 2016, un colloque sera organisé au lycée Théas sur le rôle de l’Eglise de France face à la persécution des juifs sous l’Occupation. Les historiens que nous solliciterons à cette occasion nous aideront, à la lumière d’archives récentes du Vatican, à repenser l’influence qu’elle a eue dans les années sombres pour le sursaut de notre pays face à la barbarie.

Nos partenaires se joignent à notre délégation pour remercier de tout cœur la mairie de Montauban dont le soutien a été très actif et tous ceux qui nous ont honorés de leur présence à ce travail de mémoire.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015


   Texte de l’article de Robert Badinier pour le courrier Français de Tarn-et-Garonne du 4 décembre 2015

Le 16 novembre dernier, une soixantaine de collégiens de l’Institut familial ont participé à une répétition dans l’établissement de la mise en scène de la Croix de Lorraine qui a été présentée le mercredi 25 novembre à Pouty, dans le cadre de l’inauguration par la mairie de Montauban et la délégation régionale de Mémoire et Espoirs de la Résistance, de la stèle dédiée à la maison des jésuites de La Bastiolle qui, sous l’Occupation, a été un lieu de résistance spirituelle au nazisme.

A l’issue de cette mise en situation, Robert Badinier, délégué Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance, a proposé à Brigitte Visentini, responsable de l’établissement, et à David Vaissière, professeur d’histoire, coordonnateur du travail des élèves, de se rendre devant la préfecture de Tarn-et-Garonne, pour prendre part à une action symbolique émanant des jeunes générations.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

En compagnie de quelques élèves volontaires, ils sont allés déposer et allumer des lumignons bleus, blancs et rouges tout autour de la fontaine Charles Bourrat, s’associant ainsi à l’hommage national rendu aux victimes des attentats du 13 novembre à Paris. Après avoir observé une minute de silence, ils ont entonné la Marseillaise.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

Ce jour-là, il n’y avait pas d’eau dans la fontaine, mais à travers les lumignons, le recueillement des participants donnait à voir une lumière éclatante, celle de l’espoir. Le nom de cette fontaine avait été attribuée en souvenir du préfet résistant qui avait reconstitué la préfecture de Moselle, repliée à Montauban, pendant quatre ans. Sa petite fille Brigitte Bourrat a fait l’honneur de sa présence au dévoilement de la plaque apposée sur la stèle de La Bastiolle, le 25 novembre, en participant au dépôt de gerbe.


Texte de l’article de Robert Badinier pour le courrier Français de Tarn-et-Garonne du 11 décembre 2015

   Un hommage solennel a été rendu le 25 novembre dernier à la maison des jésuites de La Bastiolle, communément appelée le château des Pères, où cette communauté a œuvré sous l’Occupation en faveur de la résistance spirituelle au nazisme. A l’initiative de Robert Badinier, délégué régional Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance, ce projet a été réalisé en partenariat avec la mairie de Montauban, avec la participation de collégiens de l’Institut familial. Ce travail de mémoire a été rendu possible grâce au dévouement de trois prêtres montalbanais, Bernard de Saint-Julien, René Gineste et Lucien Etienne dont le témoignage spirituel a été exemplaire.

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Les prévisions météorologiques n’étaient guère encourageantes, mais personne parmi les organisateurs n’osait croire que la pluie pourrait réduire à néant les efforts déployés depuis des mois pour mettre la résistance spirituelle à l’honneur. Les 57 collégiens de l’Institut familial étaient heureux de se retrouver au rendez-vous sur le site commémoratif à Pouty avec les membres de l’équipe d’animation. La prestation des élèves était coordonnée par David Vaissière, assisté par trois autres professeurs d’histoire : Virginie-Laure Assémat, Christel Lechaux et Albert Castes. Les 30 choristes étaient dirigés par Sophie Grébert, professeur d’éducation musicale, accompagnée au saxophone par Jérôme Géniès.

Les élèves ont formé une imposante haie d’honneur pour accueillir les porte-drapeaux anciens combattants et les autorités religieuses, civiles et militaires. Yvan Thiébaut, Secrétaire général de l’Ordre de la Libération, ayant dû à regret renoncer à l’inauguration de la stèle de La Bastiolle, en raison des attentats terroristes du 13 novembre à Paris, la plaque du souvenir a été dévoilée par Robert Infanti, adjoint au Maire, délégué aux anciens combattants, représentant Brigitte Barèges, et Jean Novosseloff, Secrétaire général de Mémoire et Espoirs de la Résistance, en présence de Pierre Mardegan, vice-président du conseil départemental, d’élus municipaux et de Mgr Ginoux, évêque de Montauban.

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015

Le texte de la plaque du souvenir lu par Elisa Detony rappelle au passant les actions menées au château des Pères : « La maison des jésuites de la Bastiolle, dirigée de 1941 à 1947 par le Père Gustave Peyralade, fut un lieu de résistance spirituelle où ont trouvé refuge des juifs, des communistes, des Anglais parachutés, de jeunes réfractaires au S.T.O, pourchassés par la gestapo ou la milice et qui partaient au maquis ou passaient en Espagne.

     Plusieurs résistants y ont séjourné : Mgr Jules Saliège, Mgr Bruno de Solages, Michel Debré, Léo Hamon, et Jean Cassou. Expulsé de Metz, le 8 août 1940 et exilé à Montauban, le préfet de Moselle, Charles Bourrat, et les membres du Conseil général de ce département annexé par les nazis, furent accueillis dans cette maison où étaient entreposés du matériel militaire, des armes et des munitions.

     Dans les combles de l’église de Gasseras se trouvaient cachées les archives secrètes d’Alsace et de Lorraine. »

 

Photo de la cérémonie à Montauban en la date du 25 novembre 2015