Rencontre – Hommage autour de René de Naurois au Lycée Théas de Montauban.

Rencontre prévu le 11/05/2017

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Le 11 mai dernier, au Lycée Théas de Montauban, un émouvant hommage a été rendu à ce résistant de la première heure, à l’initiative de Robert Badinier, délégué Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance. La projection du film sur « Les Français du Jour J » et la conférence de Gisèle Venet, professeur à la Sorbonne, en constituaient les deux temps forts. Ce projet a été mis en œuvre sous le parrainage de la Société des Membres de la Légion d’Honneur de Tarn-et-Garonne, présidé par le lieutenant-colonel Philippe Bon, avec la participation et le soutien de l’Association Nationale des Membres de l’Ordre National du Mérite, présidée par Jean-Marc Detailleur, représentée par son vice-président Christian Limongi et de la mairie de Montauban.

De nombreuses personnalités ont assisté à ce travail de mémoire parmi lesquelles des élus, Nicole Roussel, représentant Brigitte Barèges, Francis Labruyère, président de l’association départementale des maires et Raymond Massip, ancien vice-président du conseil général, en présence de deux membres de la famille de René de Naurois, Jacques de Naurois et Henri Dubernard, ainsi que de Philippe Jourdan, fils d’un Compagnon de la Libération, accompagné de son épouse.

Lorsque retentit la musique du Jour le plus long, interprétée au piano par Marie-Cécile Fayolle, professeur de français au l’institut, les porte-drapeaux de l’association départementale présidée par Guy Lannes, firent leur entrée dans l’amphithéâtre du lycée, suivis par les personnalités et le groupe d’élèves en tenue tricolore chargés de présenter une mise en scène du drapeau national. Le public se leva pour les accueillir. Michel Grac, le directeur du lycée, souhaita la bienvenue aux nombreux participants.

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Robert Badinier rappela ensuite les liens particuliers qui unissent le Tarn-et-Garonne et l’Ordre de la Libération qui s’était associé à cet hommage. Il évoqua l’action qu’il avait conduite à la fin des années 1990 avec ses différentes équipes et ses partenaires associatifs et institutionnels pour rendre hommage aux Compagnons de la Libération, à travers ceux qui étaient nés ou inhumés dans le département : une démarche citoyenne soutenue par les municipalités qui se sont succédé.

Elle a abouti le 8 mai 1995 à la réalisation de la stèle de la France Libre aux galets de l’Île de Sein devant laquelle chaque année, depuis l’an 2000, est célébrée la Journée nationale de l’Appel du 18 juin. En 1998, l’Institut Charles de Gaulle récompensait l’association départementale des lauréats du Concours National de la Résistance et de la Déportation pour la réalisation d’une maquette de marbre sur laquelle ont été gravés les noms des 1061 Compagnons de la Libération. Elle a été exposée au Musée de l’Ordre de la Libération pendant une dizaine d’années avant d’être conservée aujourd’hui dans les réserves. Elle a débouché aussi l’année suivante sur l’exposition dédiée aux Compagnons de la Libération à la maison de la culture de Montauban, présidée par Pierre Messmer et inaugurée par Roland Garrigues. Elle s’est concrétisée en 2003 par la signature d’un pacte d’amitié entre Montauban et l’Île de Sein, commune Compagnon de la Libération, haut lieu de la Résistance française.

C’est en raison de ces liens étroits noués par Montauban et le Tarn-et-Garonne que l’Ordre de la Libération a accepté d’encourager les acteurs du projet en adressant un message rédigé par Christian Baptiste, délégué national de la Chancellerie. Le lieutenant-colonel Philippe Bon fit la lecture de l’introduction et de la conclusion de ce texte : « Si les Anglais devaient renoncer à se battre, j’irais m’engager dans l’armée américaine. Et si eux aussi renonçaient, j’irais jusque dans l’armée mexicaine, s’il le fallait, pour trouver des soldats qui acceptent de continuer le combat ». Cette idée, qu’il rapporte dans ses mémoires et qu’il qualifie de « saugrenue », vient à l’esprit de René de Naurois fin mai 1940, alors qu’il est évacué de la poche de Dunkerque vers Cherbourg et que la France s’effondre devant l’avancée de l’armée allemande.

Elle révèle pourtant le choix inébranlable, muri par sa foi chrétienne, de combattre le nazisme, cette idéologie mortifère que l’abbé de Naurois identifie, parce qu’il la connaît parfaitement, comme l’ennemi absolu. L’ennemi absolu qui mènerait, selon ses mots, « un combat à mort contre la civilisation, pas seulement sur un plan militaire mais plus profondément métaphysique et spirituel »…

René de Naurois fut une conscience en action. Il sut mettre en accord ses convictions et son combat, persuadé, comme le dira plus tard le général de Gaulle, que « la seule querelle qui vaille est celle de l’homme ».

René de Naurois a participé en tant que témoin au colloque sur Les Juifs et les populations du Sud-Ouest organisé en 1992 à l’Ancien collège par la ville de Montauban, l’université de Toulouse II et le Centre Interdisciplinaire de Recherches et d’Etudes Juives. La mairie de Montauban lui a décerné la même année la médaille de citoyen d’honneur de la ville. Il était venu à la maison de la culture donner une conférence sur la résistance allemande à Hitler et s’était recueilli devant la stèle de la France libre au Cours Foucault. Son ancien élève à l’Institut catholique de Toulouse, l’abbé Lucien Etienne qui l’estimait beaucoup, a témoigné de ses deux conférences à Montauban, en 1938 où il avertissait déjà de la montée du nazisme, puis en 1945 sur son parcours résistant.

             Dans les archives de Marie-Rose Gineste dont le nom a été attribué à l’unanimité du conseil municipal à la rue qui permet d’accéder au lycée Théas, a été retrouvée une invitation à la troisième conférence animée en 1948 par René de Naurois à la Chambre de commerce, par le comité chrétien d’action civique.

Dans ses mémoires, René de Naurois raconte son retour en France après sa démobilisation pour retrouver ses parents. Il avait pris le Paris-Toulouse pour s’arrêter à la gare de Villebourbon où ils devaient venir le chercher. Parti de très bonne heure, il arriva le lendemain dans la nuit. Il aperçut son père et sa mère debout sur le quai attendant depuis plusieurs heures. Ils étaient venus de Villemur, avec une voiture à cheval : des retrouvailles qui l’ont marqué. C’est dire l’attachement profond que René de Naurois manifestait à Montauban.

En cloture de cette soirée un documentaire a été projeté.  Réalisé en 2014 par Cédric Condon, écrit par Jean-Yves Le Naour, avec la collaboration de Stéphane Simonnet, et la participation de France Télévisions, Planète + et TV5 Monde, avec le soutien du CNC, de la région Basse-Normandie, du Conseil Général du Calvados, de la DMPA, de la Fondation de la France Libre et de la Fondation d’entreprise Carac. Il retrace leur itinéraire, de leur engagement jusqu’au débarquement, puis durant la bataille de Normandie.

Puis enfin Madame Gisèle Venet historienne a évoqué René de Naurois:

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Robert Badinier a présenté la conférencière en termes particulièrement chaleureux : « Nous mesurons la chance inouïe de recevoir aujourd’hui au lycée Théas Gisèle Venet que nous sommes très heureux d’accueillir dans l’amphithéâtre René de Naurois. Elle a connu ce grand résistant tout comme Marie-Rose Gineste, ces deux figures de l’engagement qui ont été très impliquées dans l’action en faveur des Juifs persécutés, faisant ainsi honneur aux diocèses refuges de la zone sud où ont été rédigées les fameuses lettres pastorales de Mgr Saliège et de Mgr Théas diffusées à la radio de Londres (…). La présence de Gisèle Venet auprès de René de Naurois a duré de 1972 à 2006, l’année de sa mort. Le partage au long de ses années de ses récits et de ses rencontres a permis de l’aider dans la dernière phase de ses mémoires. Elle a devancé sa retraite pour pouvoir l’aider dans la saisie des textes et leur mise en forme finale (…).

     Le tragique de notre époque réside dans la difficulté d’inscrire l’humanisme dans une exigence éthique qui parle aux générations montantes. La transmission des valeurs n’est effective que si l’on parvient à croître et à faire grandir en humanité. Si René de Naurois est un exemple pour la jeunesse d’aujourd’hui, c’est qu’il a fait preuve toute sa vie d’une conscience très aiguë de la citoyenneté universelle, celle qui fait vivre de tout son être. »

     Gisèle Venet prit d’emblée le relais avec des mots qui sollicitaient l’intelligence du cœur à travers une série d’anecdotes en résonance avec la force spirituelle et le sens de l’humain qui animaient René de Naurois. La photo ci-jointe, aimablement fournie par l’Ordre de la Libération, prise à Amfreville, à une dizaine de kilomètres de Ouistreham, est à cet égard très significative de sa grandeur d’âme, évoquée avec tant d’admiration et de finesse par Gisèle Venet. « Dans ce petit village où il dira sa 1ère messe après le débarquement, il était arrivé en jeep pour aller prodiguer des soins à Lord Lovat. Dans la grange où il se trouvait, il entendit des plaintes d’un jeune soldat allemand grièvement blessé : il l’assista dans sa propre langue avant de le voir mourir. Si un Allemand s’était dressé devant moi, disait-il, je n’aurais pas pu tirer, je lui aurais parlé allemand… »

     Nous reviendrons dans une prochaine édition sur les temps forts de la conférence de Gisèle Venet : une intervention émouvante, empreinte d’un profond humanisme. Les propos de Pierre Del Marco, ancien professeur à l’Institut Catholique de Toulouse, résument bien l’impression générale des participants : « Il fallait le talent et la passion de Gisèle Venet pour brosser en une heure les riches méandres de l’attachante personnalité de l’abbé René de Naurois. Malgré l’orage et la pluie torrentielle, cette soirée du 11 mai 2017 fut hautement lumineuse(…)

     Au début des années soixante, membre du groupe de ceux qui fréquentaient les cours de l’Institut Catholique pour ce que l’on appelait la scolarité de thèse de doctorat, les faits et gestes de René de Naurois nous étaient familiers.

   A la fois admiré et respecté pour sa culture et ses engagements, il apparaissait à certains comme un aventurier de génie, allusion très nette aux 177 membres du commando Kieffer dont il était l’aumônier…bref un gabarit hors normes du profil du clergé traditionnel ! Bravo et aussi merci à la direction du lycée Théas d’avoir accepté de dédier le vaste auditorium de l’établissement à la mémoire de cet aîné, honneur de son Pays, de son Eglise et de l’Université. »