« De la Colloque presse clandestine aux médias d’aujourd’hui »

Rencontre prévu le 17/11/2005

A l’Assemblée nationale, sur l’invitation du Président Jean-Louis Debré, pour la 4 ème année consécutive, François Archambault Président de M.E.R. accueillait, salle Colbert, outre de nombreux invités, les élèves des lycées Blomet, Jean-Baptiste Say, Janson de Sailly de Paris et ceux du lycée Gérard de Nerval de Noisiel venus écouter témoins et acteurs de la Presse clandestine et de la presse d’aujourd’hui débattre autour du thème : « De la Presse clandestine aux médias d’aujourd’hui ». Ce quatrième colloque s’inscrivait, comme les précédents, dans cadre du cycle des conférences organisées par Mémoire et Espoirs de la Résistance sur « L’héritage de la Résistance ».

François-René Christiani-Fassin, animateur du colloque, rappelle tout d’abord quelques dates clés de l’histoire de la presse française de l’après-guerre à aujourd’hui :

*27 mai 1943 :              Première réunion du C.N.R (Conseil National de la Résistance) présidé par Jean Moulin

*15 mars 1944 :            Le C.N.R. affirme  : La liberté des opinions et la Liberté de la Presse

*21 août 1944 :            Trois grands titres de la presse clandestine paraissent au grand jour : « Défense de la France », « Combat » et « Libération ».

*9 septembre 1944     Pierre-Henri Teitgen, Résistant et Déporté devient Ministre de l’Information du gouvernement provisoire présidé par le général de Gaulle et réorganise toute la presse française suivant les ordonnances du 26 et 30 septembre 1944. Pierre-Henri Teitgen participera à la création du quotidien « Ouest-France » et engagera la fondation du journal « Le Monde »

*février 1945                 Philippe Viannay co-fondateur de « Défense de la France » publie dans son journal un article au titre emblématique « Nous sommes des rebelles ».

12 juin 1945                  La censure de guerre est supprimée.

30 août 1945                 Création les messageries françaises de presse après la réquisition intervenue en janvier 1945 des immeubles des messageries Hachette.

21 novembre 1945      Premier numéro du magazine « Elle ».

23 janvier 1946            Gaston Defferre devient Secrétaire d’Etat à l’information dans la nouveau gouvernement de Félix Gouin.

Avant que chacun des intervenants ne parlent, François-René Christiani-Fassin fait part du message de deux grands résistants empêchés de se joindre aux orateurs présents mais qui tenaient à apporter à ce colloque leur témoignage.

Maurice Druon, Résistant, auteur du chant des partisans et Académicien écrit :

« L’initiative de tenir ce colloque est particulièrement bienvenue. La presse clandestine a joué un rôle capital dans la Résistance à l’occupation nazie. Elle a éveillé et soutenu la conscience des Français, elle a demandé la participation de toutes les catégories de la population résistante, les journalistes, les écrivains, les hommes politiques qui s’y sont exprimés, les typographes qui l’ont imprimée dans les caves, au péril de leur vie, les sympathisants de tous âges et de toutes origines qui l’ont distribuée, en prenant des risques majeurs. La presse clandestine a été l’honneur de la France et sa mémoire doit être pieusement conservée. »

Robert Salmon, Résistant et co-fondateur du journal et du mouvement « Défense de la France », fait le parallèle dans sa contribution entre la presse clandestine et la presse d’aujourd’hui.

Dans son fonctionnement il y voit les différences suivantes : « Dans la presse clandestine l’argent ne joue aucun rôle ! Personne n’est salarié. La matière première, le papier, est donnée. La matériel d’imprimerie est prêté ou donné. La distribution est faite par des bénévoles. La mort du journal ne survient que par la mort de ceux qui le font. Aujourd’hui, la mort survient par défaut de recettes. C’est pourquoi les médias d’aujourd’hui cherchent à être des « sacs à pub », alors que la publicité est évidemment absente de la presse clandestine. Le cycle est achevé avec les gratuits qui ne vivent que de la pub ».

Quant à la finalité il y pointe les différences suivantes : « Le journal clandestin veut convaincre, entraîner, réveiller les conscience, suggérer des engagements et révéler des choses cachées. L’opinion souffre du secret, c’est à dire des manques. Le média d’aujourd’hui vent « informer », dire mieux ou autrement ce que tout le monde sait déjà peu ou prou. L’opinion souffre de l’excès et de la répétition, et également du « formatage » qui encadre et limite l’information pour des raisons extérieures à elle-même. Mais surtout, autant ou plus qu’informer, le média d’aujourd’hui veut distraire, c’est à dire éloigner de la réalité quotidienne, alors que le journal clandestin veut y ramener de toutes ses forces ».

Les points communs entre ces deux presses ? : Robert Salmon en distingue deux :

« Le premier point commun, essentiel puisqu’il est lié à la naissance de la presse, c’est de permettre le développement de l’esprit critique en fournissant des faits et des arguments. Le média d’aujourd’hui, comme le journal clandestin d’hier, donne à penser, incite à la réflexion, par l’image, le parole ou l’écrit, surtout si son bon usage est préparé par l’école. En second lieu, le média moderne, comme le clandestin d’hier, lutte contre la solitude et permet la réintégration dans l’aventure nationale et internationale. »

Maurice Voutey, Historien, Résistant et Déporté, souligne la « précocité de l’expression par l’écrit de la Résistance et son importance », ainsi que les nombreuses difficultés auxquelles se sont heurtées les femmes et des hommes qui se sont lancés dans cette aventure. La presse clandestine est inséparable des mouvements et des partis engagés dans la Résistance qui avaient le devoir de se faire connaître par tous les moyens de l’écrit c’est à dire par les journaux, les tracts et aussi par des graffitis. Puis il démontre que le premier acte de la Résistance fut celui par l’écrit : dès le 17 juin 1940 des hommes comme Edmond Michelet, Charles Tillon et le général Cochet font éditer des tracts qui reprennent leurs propos fustigeant le discours prononcé le jour même par le Maréchal Pétain qui demandait de cesser le combat. Ainsi va naître une presse clandestine qui se caractérise par son abondance de titres, près de 11 000 de 1940 à 1944 verront le jour, certains éphémères d’autres paraîtront durant toute l’occupation. Dès la fin de l’année 1940 au plan national sont diffusés : « Valmy », « Pantagruel », « La Rélève », « L’Université Libre », « Libérer & Fédérer », « Résistance » du réseau du Musée de l’Homme, tandis que les journaux communistes « L’Humanité » et la « Vie Ouvrière » interdits depuis 1939 continuent de paraître clandestinement. Très vite cette presse atteindra des tirages importants. De 1940 à 1944 cette presse clandestine connaîtra des difficultés de toutes sortes dans sa fabrication et sa diffusion, dans l’approvisionnement du papier et de l’encre, par la répression omniprésente de Vichy et des Allemands. Et aussi par une propagande ennemie intense, une désinformation continue comme ces fausses feuilles clandestines dont Maurice Voutey donne en exemple celle diffusée dans le département de la Côte d’Or qui avait pour titre « Justice ».

Jacqueline Pardon, Résistante et membre du mouvement « Défense de la France » depuis avril 1941, évoque à la fois le mouvement et le journal dont le premier numéro est sorti le 14 juillet 1941. « Défense de la France » est un journal dont la naissance a précédé la création du mouvement de Résistance. Au départ ce sont des étudiants et des intellectuels qui à la Sorbonne se rassemblent autour de Philippe Viannay, Hélène Mordkovitch (qui deviendra plus tard Hélène Viannay) Robert Salmon, Charlotte Nadel et bien d’autres, pour « faire quelque chose », qui n’acceptent pas la défaite et l’occupation. Ces étudiants et intellectuels vont assurer la fabrication et la diffusion de ce qui sera le plus important journal de la presse clandestine. Dès sa création « Défense de la France », est un journal de lutte et d’action, comme tous les autres journaux clandestins « Combat », « Libération » …etc., qui montrent par leurs titres qu’il s’agit d’une presse de combat qui défend des valeurs de Liberté et de Fraternité. La diffusion du journal se développa grâce en particulier à un groupe de 600 lycéens et étudiants les Volontaires de la liberté emmené par Jacques Lusseyran aveugle depuis l’âge de huit ans qui au nom de l’honneur combattait l’occupant allemand. Il rejoindra le mouvement « Défense de la France » avant d’être déporté à Buchenwald et d’en revenir.

Quelques chiffres : Les premiers numéros sont diffusés à quelques centaines d’exemplaires, parfois jusqu’à 5 000 début 1942, début 1943 c’est un tirage de 100 000 qui au milieu de l’année passe à 140 000 et en janvier 1944 le tirage est de 450 000 exemplaires.

De juillet 1941 à août 1944 « Défense de la France » sortira 47 numéros clandestins. Le n° 48 daté du 22 août 44 paraît, au moment où Paris se couvre de barricades sort avec pour titre « La liberté reconquise »

A la Libération l’équipe fondatrice se séparera et « D.F. » deviendra « France-Soir » qui aura comme patron de la rédaction : Pierre Lazareff.

François-Régis Hutin, Président-directeur général d’« Ouest-France », parle de l’aventure du journal « Ouest-Eclair » devenu aujourd’hui « Ouest-France ». « Ouest-Eclair » fut fondé par des chrétiens-sociaux qui souhaitaient bâtirent « une République dans une démocratie sociale ». La défaite de juin 1940 amena l’équipe fondatrice du journal à se scinder ; les uns souhaitant assurer la parution du journal, la sauvegarde du personnel et de l’outil de travail mais sous la botte de l’occupant et sous celle du régime de Vichy la compromission ne pouvait qu’être au bout du chemin ; les autres, dont le fondateur Paul Hutin, profondément anti-nazi, privilégient la rupture c’est à dire la Résistance et la clandestinité. A la Libération, grâce à l’aide de Jean Marin l’équipe résistante reprend la direction du journal. Le journal redémarre, se développe grâce à des investissements judicieux que les dirigeants réalisent au détriment du partage, entre les actionnaires, des bénéfices de l’exploitation. Dès les années 60, afin de lutter contre certains groupes financiers tentés par le rachat du journal, une réforme des statuts est décidée et la société gérante devient une association « à but non lucratif ». Pour « Ouest-France », si informer est un devoir, rapprocher les femmes et les hommes, aider « à les faire vivre ensemble » doit être aussi l’objectif d’un grand journal régional qui « gère, aide et créé l’information au plan local ». « Ouest-France » est aussi un journal engagé conforme à sa devise « Justice & Liberté », présent dans les débats pour l’abolition de la peine de mort, pour la défense de la liberté dans l’enseignement et enfin pour l’Europe.

Aujourd’hui ce quotidien entend rester fidèle à l’esprit de la presse clandestine dans la défense des idées généreuses et c’est donner pour éthique de déroger aux lois purement capitalistique.

Paul Saignes, ancien rédacteur en chef du quotidien « La Montagne » et Président de la Fondation Varennes, décrit le parcours clandestin du journal durant l’occupation.

« Tout le monde savait dans la Résistance que si l’on avait perdu le lien avec son réseau, on ne pouvait le renouer qu’en se rendant à « La Montagne » à Clermont-Ferrand » : bel hommage à l’attitude d’Alexandre Varennes son créateur, que prononce Gaston Defferre à l’Assemblée nationale en 1945. Très tôt « La Montagne » et son fondateur, libre penseur et pacifiste, dénoncèrent la menace nazie, et très tôt annoncèrent que par tous les moyens ils entreraient en Résistance. Ainsi le 10 juin 1940, le jour où le gouvernement Français quitte Paris pour Bordeaux « La Montagne » sort avec ce titre prémonitoire : « Préparons la Résistance », le 15 juin 1940 Alexandre Varennes écrit avec rage, faisant référence à l’Empire français dont il fut l’un des serviteurs : « On ne capitule pas quand on a de quoi se battre ». Enfin le 18 juin sur la manchette du journal on lit : « Vive la France, vaincue aujourd’hui, qui sait si nous ne serons pas vainqueur à la fin de la guerre ». Malgré la défaite et le régime du Maréchal Pétain les dirigeants du journal décident de continuer à paraître, malgré la censure, sans ménager ni l’occupant ni le régime de Vichy. S’adressant au Maréchal, Jean Rochon directeur de la rédaction écrit : « …Il semble bien que vous êtes dans une voie où ne pourront guère nous rencontrer… ». De juin 1940 à août 1943 le nombre de lecteur passera de 28 700 à 41 000 malgré la censure : « ces manchettes blanches » dont se moquaient les rédacteurs. Durant cette période « La Montagne » fut le quotidien le plus censuré de France, il reçu quatre blâmes et avertissements et sera suspendu de parution 15 fois, pour finalement se saborder et entrer en clandestinité le 27 août 1943. C’est à Clermont-Ferrand, à la fin de 1940 que se rencontrent Lucie Aubrac, Jean Cavaillès, Emmanuel d’Astier de la Vigerie et quelques autres pour fonder le mouvement « Libération-sud » et lancer le journal « La Dernière Colonne » qui sera imprimé sur les presses de « La Montagne » lequel approvisionnera également en papier et en encre « Libération », successeur de la « Dernière Colonne ».

Le 15 septembre 1944 « La Montagne » reparaît, toujours sous la direction d’Alexandre Varennes, la rédaction a payé le prix fort sa résistance, son directeur Jean Rochon est mort en déportation.

Aujourd’hui « La Montagne » fort de sa réputation a contribué à sauver quelques petits titres locaux en les intégrant à son groupe.

Claire Richet, Résistante, entrée très jeune dans le réseau de renseignements « Albi » participa activement, aux côtés de Philippe Viannay à la création à Paris du Centre de Formation des Journalistes le « C.F.J. » directement inspiré des préceptes de la Résistance, elle évoque la filiation entre la presse clandestine et la création du « C.F.J. ».

Dès 1943 le journal clandestin « Franc-Tireur » pose cette question : « Comment quand la liberté sera retrouvée faire naître une presse neuve ? Le problème de la presse figure parmi les problèmes les plus graves qui intéressent notre pays ». A la sortie de la guerre il faut donc trouver pour cette presse « neuve » des jeunes et l’idée est admise de créer un Centre de Formation des Journalistes. Philippe Viannay et Jacques Richet écrivent : « Au sein de la jeune élite de caractère que la Résistance a révélé, il se trouve un certain nombre de jeunes gens qui veulent faire du journalisme. Ils ont pendant quatre ans créé et diffusé, au péril de leur vie une pensée libre et désir continuer à le faire. Pour cela il est nécessaire qu’ils apprennent leur métier, car ce qu’ils savent n’est qu’une technique de guerre, apprenant leur métier, ajoutant à leur exceptionnelle valeur morale une grande compétence technique, ils seront pour le journalisme français un facteur important de renouveau. ». C’est donc en juillet 1946 que naît le « C.F.J. » dans l’esprit des dirigeants de « Défense de la France ». Tout est faire pour que ce centre voit le jour, trouver des locaux, des financements, imaginer un enseignement, définir des exigences de rigueur, apprendre aux futurs journalistes « à être des gens de terrain, sans être des photographes de l’instant et ne pas être un simple relais entre le pouvoir et le public ». La naissance de ce centre ne sera pas toujours aisée malgré l’aide de quelques grands patrons de presse et de quelques syndicalistes, les critiques furent nombreuses. Entouré de quelques grands noms du monde universitaire comme François Furet, Denis Richet, Mona Ozouf et tant d’autres, depuis 60 ans, le « C.F.J » a formé plus de 2000 journalistes, resté fidèle à ses origines ce centre enseigne suivant les mots de Philippe Viannay : « De pouvoir tout en sachant plaire et faire vendre, être une référence pour le lecteur parce que l’on a en soi la capacité de choisir même dans un tourbillon d’informations et de mesurer à chaque instant dans l’événement qui passe ou dans la décision qui se prépare leurs implications au présent et leurs valeurs d’avenir. Pouvoir aussi quand il le faut s’opposer et combattre, dire et redire tel est le pari impossible proposé aux journalistes ».

François d’Orcival, Directeur du Comité éditorial de « Valeurs Actuelles » et Président de la Fédération Nationale de la Presse Française, parle du lien entre la première fédération de la presse clandestine et la fédération d’aujourd’hui.

Il est clair selon François d’Orcival que la presse d’aujourd’hui prend ses racines dans la presse clandestine, suite à la rupture survenue entre 1940 et 1944 où pour Jacques Godechot (Historien), la presse française «  a subit le plus grand bouleversement qu’elle ait connu depuis l’époque révolutionnaire et napoléonienne ». Dans le quotidien démocrate chrétien « L’Aube » (aujourd’hui disparu) du 7 octobre 1944, Francisque Gay écrit : « Une des plus belles réussites de la Résistance, est la rénovation de la presse. Dans un Paris encore couvert de barricades, il n’aura fallu qu’une journée pour installer à la place de chacun des journaux indignes une nouvelle équipe de journalistes patriotes et l’opération réussie pareillement dans toute la France », affirmant ainsi toute la part prise par la presse clandestine dans la Résistance. C’est durant ce même mois d’octobre 1944 que se tient le premier congrès de la fédération de la presse, qui vote, au nom de toute la presse française, une motion qui réclame la condamnation sans appel et la confiscation des biens de « la presse pourrie ». Ce même congrès, à l’unanimité, demande la substitution aux messageries Hachette d’un organisme coopératif constitué par les journaux eux-mêmes et réclame : « …que des mesures fussent prises au plutôt pour qu’il fut impossible à des groupements capitalistes de mettre en péril l’existence de la presse patriote… ».C’est au lendemain de la Libération de Paris, le 26 août 1944, que sont promulguées les ordonnances sur la liberté de la Presse. Ces décrets furent préparés par Jacques Destrée qui avait réunis à Paris en septembre 1943, pendant l’occupation allemande, les représentants des principaux journaux clandestins (trois de la zone Nord « Résistance », « Défense de la France », « Libération-nord » et trois de la zone Sud « Combat », « Franc-Tireur », « Libération »). Jusqu’au printemps 1944 des réunions clandestines se succéderont, avec aussi les représentants d’autres journaux comme « l’Humanité » , « Le Populaire » et des grandes figures de la Résistance comme Emilien Amaury, Albert Bayet, Georges Bidault, Alexandre Parodi, afin de mettre au point les ordonnances d’août 1944 qui organisent et promulguent une charte de la presse en ces termes : « la Liberté de pensée et de conscience, l’expression de la liberté de la presse et des hommes, son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances de l’argent et des influences étrangères ».

Ainsi naît à la Libération une «  presse nouvelle », responsable, transparente, pluraliste et fraternelle. Le Secrétariat général à l’information est dirigé par Pierre-Henri Teitgen, aidé par un directeur de la presse Francisque Gay , l’un des futurs fondateurs du M.R.P (Mouvement Républicain Populaire) qui, quand il quittera la vie politique présidera l’Association des Amis d’Albert Bayet.

Une nouvelle fédération nationale de la presse française se constitue qui prend la suite de la presse clandestine et qui veillera pour que les nouvelles entreprises de presse se conforment aux idéaux hérités de la Résistance, en particulier à son « esprit coopératif ». Aujourd’hui des difficultés sont apparues – 28 quotidiens en 1945 à Paris, 11 à l’heure actuelle – ces temps difficiles ont amené à des regroupements ou des concentrations sous l’égide de groupes industriels et financiers puissants. La réalité d’aujourd’hui est suivant François d’Orcival, : « que cette crise actuelle n’est pas celle de la Liberté, mais une crise de la liberté d’opinion imprimé. ».

Nouveau défi pour la presse  ?.

                                                                    Comment y faire face ?.

                                                                                           Une union plus large de la presse ?.

sans doute, mais dans tous les cas affirme-t-il, « ce nouveau défi » ne peut être surmonté qu’en restant dans les principes fondateurs de la Liberté !.

André Santini, Maire d’Issy-les-Moulineaux et ancien Ministre de la Communication, et « amateur qualifié » des nouvelles technologies a choisi de répondre, à la fin de cette première partie du débat, à la question suivant :

« Internet va-t-il condamner Gutenberg ? » ou plutôt dans la crise actuelle que connaît la presse quel est son avenir ?

Pour l’ancien Ministre de la Communication l’avenir de la presse quotidienne écrite, à plus ou moins long terme est sombre. Les difficultés d’aujourd’hui, des journaux comme « Le Figaro », « Le Monde » qui cherchent des formatages différents, des nouvelles formules sont inquiétantes face de l’inflation des journaux gratuits et au développement de « l’information dite : instantanée ». Selon lui, seuls devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu les quotidiens qui évoluent dans des « niches locales » comme « Ouest France » ou « Le Télégramme de Brest », ainsi que les « News magazine » qui résisteront mieux grâce à les reportages photos plus larges et des articles de réflexion. Quant aux radios elles connaissent aussi des difficultés dues à un positionnement pas toujours très clair entre : « radios spécialisées ou radios généralistes ? ».

« L’internet » : est donc sans doute l’une des portes du renouveau de cette presse en difficulté.

Un nouvel axe pour la presse ?

Transformation de la presse écrite ? …

Pourquoi pas !…

La bonne santé apparente de sites comme ceux de « Libération » et du « Monde » tenteraient-ils à le prouver ?.

Puis le Maire d’Issy-les-Moulineaux parle de « l’Internet » au service des communes, en tant que service public, en particulier de la sienne où 70 % des habitants sont connectés (un record en France). La mairie reçoit tous les jours plus de 7500 appels téléphoniques et 1700 E-mail qui exigent bien évidemment des réponses rapides (moins de 24 heures) et seul « L’internet » peut le permettre. Pour les habitants de la commune c’est un nouveau lien qui c’est créé avec leur mairie, c’est somme toute un nouveau service public plus efficace et plus rapide, c’est aussi entre toutes générations confondues un nouveau lien « solidaire ».

Pour le maire, cette nouvelle technologie (bien que contraignante) est l’un des moyens quasi instantané de prendre le « pouls » de ses administrés grâce à un « un panel de citoyens-internautes » dont il peut et doit solliciter l’avis dans la cadre de l’évolution des services et des structures de la commune.

En conclusion revenant d’un voyage au Japon, pays où les moyens et les nouvelles technologies sont très en pointe – où le portable est devenu le média de demain – il y constate néanmoins que la presse quotidienne ne connaît pas les mêmes difficultés qu’en France et de se poser la question :

Comment faire pour maintenir une presse quotidienne à fort tirage ?…..

Tout en ayant une économie « internet » très développée ?….

Tel est le défi auquel la presse quotidienne d’aujourd’hui doit répondre.

Débat : Questions & Réponses

Quel a été, en pleine occupation, le commencement de « Défense de la France » ?:

Hélène Viannay : « Nous étions jeunes et nous étions étudiants, alors tout naturellement pour recruter je me suis tournée vers mes camarades étudiants. Nous nous sommes alors réunis, nous avons discuté et nous avons pris la décision de faire un journal clandestin. Je connaissais très bien la Sorbonne et j’avais les clés des caves où était mon laboratoire. Nous avons décidé d’y installer notre machine à imprimer, machine que nous avons acheté grâce au don d’un industriel Marcel Lebon. Elle y est restée pendant deux ans et là trois nuits par semaine, à partir de onze heures le soir (début du couvre-feu imposé par les Allemands jusqu’à cinq heures du matin) nous imprimions notre journal, préparions les paquets de journaux. Au début nous tirions sur cette machine quelques milliers d’exemplaires dont le format n’était qu’une simple feuille de papier. C’était un travail très fatigant parce que le jour, nous suivions des cours à la Sorbonne, mais malgré la fatigue ce travail fut pendant deux ans passionnant. Une fois imprimé, nous faisions des petits paquets de 500, enveloppés dans du papier ordinaire.

J’ai moi-même, en vélo, été porter de tels paquets à des étudiants chargés de les distribuer. Oui il y avait des contrôles. Les femmes étaient sans doute moins contrôlées, elles étaient moins soupçonnées de faire du Marché noir. Mais un contrôle était toujours inquiétant

A « Défense de la France » en plus du journal nous faisions aussi des – vrais-faux papiers – carte d’identité, permis de conduire….etc. ».

Jacqueline Pardon : ajoute concernant la diffusion à laquelle elle participait : « Nous distribuions les journaux dans la rue, sur les marchés, à la sortie des églises et le numéro du 14 juillet 1943, nous l’avons distribué dans le métro à Paris ».

François-Régis Huttin : Précise : « Que le premier numéro non clandestin de « Défense de la France » qui sortira à 450 000 exemplaires sera imprimé sur les presses d’ « Ouest-France » à Rennes.

Quelles furent les difficultés auxquelles se sont heurtées les Résistants de la presse clandestine ?

Maurice Voutey : « Dans la zone occupée, la surveillance par les polices françaises ou allemandes était permanente. Il n’était pas question d’acheter du papier ou de l’encre, peut-être au tout début et encore ! Moi j’aidais un imprimeur, le papier pour imprimer le journal il fallait aller le voler !, de même que l’encre. Pour imprimer ces journaux ou ces tracts on a eu recours à des bricolages invraisemblables. On a imaginé de nombreux circuits pour faire parvenir des imprimeries aux distributeurs ces journaux ou ces tracts, heureusement nous bénéficions de nombreuses complicités… ».

Quelle finalité pour la presse d’aujourd’hui : Presse d’opinions ou presse d’informations ?

François d’Orcival : Sa réponse se résume de la manière suivante : « C’est le tout débat d’aujourd’hui, entre d’une part la distribution « gratuite » de quotidiens d’informations » – aurait-on par cette distribution suggérer au public que l’idée de l’information n’était pas un bien privilégié mais que c’était devenu un bien gratuit. Erreur, car derrière cette presse gratuite il y des financiers. Cette impression de gratuité de l’information étant renforcée par l’écoute des radios ou des télévisions que l’on croit « gratuite ! » – d’où sans doute l’érosion d’une presse écrite uniquement d’informations. « Et d’une presse écrite d’opinion héritée de la naissance de l’opinion publique au 18ème siècle. La transmission des opinions justifiant l’existence forte de ces journaux et l’Etat l’a bien compris avec l’aide qu’il accorde à cette  presse écrite d’opinion. Cette presse joue un rôle majeur car elle aide le public à se former un jugement, et en ce formant un jugement le public devient un acteur majeur de la démocratie dans la confrontation des idées. C’est pourquoi je crois que ces journaux qui ne sont pas fugitifs, parce qu’ils gardent une trace forte qui est celle de l’impression ont de l’avenir et qu’ils concourent aux débats publics ».

François-Régis Hutin : souligne : « La presse écrite est un service au public, il n’y a pas de journal qui puisse vivre s’il ne rend pas ce service.

Quels services ? :

Apporter à ses lecteurs des informations nationales et locales, (c’est le cas de « Ouest-France). Faire connaître diverses opinions sur un certain nombre de sujets en ouvrant ses colonnes à des femmes ou des hommes seuls ou bien à des représentants d’organismes politiques ou professionnels ; bien évidemment un journal peut (comme le notre) faire connaître aux moyens d’éditoriaux sa propre vision des évènements. Service au public encore aussi en créant un lien communautaire entre les diverses communes où le journal est distribué, ouvrant ainsi chacune d’elles à l’ensemble de la  région et à la communauté nationale ou internationale. C’est le rôle d’un journal comme « Ouest-France » que de faire arriver le monde dans chaque commune afin que chacune puisse se mettre au diapason du monde. La presse régionale locale est par son réseaux de correspondants (Ouest-France ce sont 450 journalistes et 3500 correspondants locaux) la seule qui permette à la France entière d’avoir une information de la France profonde »

En conclusion, André Santini souligne la chance que nous avons d’avoir encore aujourd’hui ici présent des témoins et acteurs de cette période tragique et merveilleuse d’héroïsme. «  Chaque fois que nous pouvons en rencontrer » ajoute-t-il « essayons d’arracher à leur pudeur le récit sur le parcours fantastique de courage qu’ils ont mené en particulier dans cette presse clandestine et que cette presse reste la conscience de celle d’aujourd’hui. »