Conférence Mme Ursula Hyzy, et Mr Patrick Godfard, traducteurs de l’ouvrage « Rapport Pilecki » paru aux Editions Champ Vallon et postfacé par Annette Wieviorka.

Rencontre prévu le 05/04/2015

Ce rapport a été édité en 1945 mais tenu au secret et publié en Pologne au cours de l’année 2000. Il a été traduit en anglais, allemand, suisse, Italien, mandarin (en 2014), et publié en français en avril 2014.

Pilecki a écrit plusieurs rapports et c’est celui rédigé après la guerre en 1945 qui est publié actuellement. Il est né en 1901 en Pologne Russe (la Pologne était alors partagée en trois territoires) et habite au Nord près de Saint-Pétersbourg puis la famille déménage à Vilnius. Pilecki est d’origine catholique et pendant sa jeunesse était au scoutisme qui donnait la formation et les habitudes de vivre dans la clandestinité face à l’occupant russe. De 1920 à 1930 Pilecki se marie, a deux enfants et vit dans un domaine familial où il est propriétaire terrien. Selon l’influence de sa jeunesse polonaise dans le scoutisme, il va suivre des entraînements militaires auprès de l’Armée cracovienne (AK) qui est une armée intérieure clandestine.

En 1939 l’Allemagne envahit la Pologne et commet des actions de pillage avec la fermeture des écoles et exploitation des professeurs, tout cela dans le but de rendre les Polonais esclaves du Grand Reich Allemand avec anéantissement de l’élite polonaise où 60 000 assassinats ont lieu dès septembre 1939 devant leurs familles. Les juifs quant à eux sont considérés comme une race nuisible. Le 9 novembre 1939 Pilecki s’engage dans un réseau de résistance de l’AK qui dès 1940 compte 8 000 membres.

En mai-juin 1940 plusieurs rafles ont lieu et un nouveau camp est ouvert spécialement pour les Déportés résistants : il s’agit d’Auschwitz (Auschwitz renfermait en 1941 100 000 déportés catholiques de l’élite polonaise). Pilecki se porte volontaire pour se faire rafler et déporter sous un autre nom ; il tient à ce projet car il veut créer un réseau de résistance, donner des informations à l’extérieur et prendre le contrôle du camp. Le 19 septembre 1940 Pilecki se dirige à une rafle où les gens sont enfermés pendant deux jours dans un manège puis transféré à Auschwitz-Bikernau qui est à la fois un camp de concentration, un camp de travail et un camp d’extermination. Il s’agit d’un ensemble concentrationnaire créé au fur et à mesure de la guerre et des objectifs d’Hitler. A l’origine Auschwitz est une ancienne caserne avec des bâtiments en brique (Auschwitz 1) transformé en camp de concentration avec l’inscription « Le travail rend libre » où les internés avaient juste de quoi survivre en alimentation, un travail physique épuisant et des soins d’hygiène et infirmiers très succincts, là aussi juste pour que les gens aient la force de continuer de travailler et où on peut être tué à tout moment avec les SS qui rient et les chiens lâchés sur les cadavres. Lors de travaux à l’extérieur les habitants polonais aidaient les déportés mais alors les Allemands saccageaient leurs villages.

Pilecki se rend très vite compte que l’être humain n’est pas grand-chose et face à cet enfer, alors inscrit avec le matricule KL4859, il conserve un moral important car il a une mission acceptée par son commandant, qui le rend combattif malgré le danger et qui l’empêche de verser dans un mental de déshumanisation avec des comportements et des situations in extremis.

De 1940 à 1942 ce camp renferme principalement des Polonais de l’élite polonaise catholique et Pilecki a constitué au fur et à mesure un réseau de résistance qui compte 800 personnes fin 1942. En fait jusqu’en 1942 quelques libérations ont eu lieu par corruption des Allemands en échange d’argent. Dès octobre 1940 Pilecki sort des informations auprès de l’armée AK qui compte 400 000 membres. Il envoie un premier rapport à Londres où le Gouvernement Provisoire Polonais s’est installé en mars 1941. Pilecki a envoyé successivement huit rapports.

Après 1942 des évasions sont organisées et les nazis procèdent à des exécutions et des blocs d’extermination tels que le bloc 11 où la Gestapo procède à des enquêtes puis les SS dont Palitzisch a tué 25 000 personnes à bout portant. Puis le SS Klehr procédait aux exécutions par injections au cœurs de Phénols. Il y avait également des expérimentations.

Au cours de l’année 1942 Pilecki avec des membres du réseau a réussi à fabriquer une radio pour émettre. Les Allemands se rendent compte, ils en sont exacerbés, qu’il y a de la résistance dans le camp et qu’il existe une radio : la radio était cachée dans le bloc infirmier où les Allemands n’y entraient que très peu à cause de l’épidémie de typhus. Plusieurs actions d’évasions ont été menées dont quatre déportés revêtus d’uniformes officiers allemands et qui sortent en véhicule par l’entrée principale avec le salut des gardes. Les résistants ont également l’idée de faire un élevage de poux porteurs de typhus et envoient des poux sur les Allemands grâce à des sarbacanes ; ils en envoient également sur les uniformes d’officiers dans la laverie après leur nettoyage. Egalement en fin 1942, Pilecki estime qu’il peut prendre le contrôle du camp pendant 30 minutes à 1 heure mais il demande un parachutage de l’armée britannique et une intervention des résistants Polonais de l’AK. Ceci n’aura pas lieu. Il a informé la construction des chambres à gaz mais les Anglais n’y croient pas.

En 1943 le réseau de résistants dans le camp s’agrandit et les Allemands après des arrestations savent qu’il s’agit de Polonais qui sont alors transférés et éparpillés dans d’autres camps. Alors en avril 1943 Pilecki prépare son évasion et le lendemain de Pâque les Allemands le recherchent mais il marche pendant trois jours et retrouve un point de rencontre qui était déterminé. En mai 1943 Pilecki continue de combattre et rédige un rapport nommé « W » de 30 pages qui ne convainc pas les autorités. Pilecki rejoint la résistance à Varsovie et à l’été 1944 empêche les Allemands pendant deux semaines d’entrer à Varsovie. Il avait le don de construire des réseaux de résistance et d’espionnage. Il est alors fait prisonnier sous une autre identité par les Allemands dans un camp de prisonniers où il est libéré par l’Armée Rouge. Il rejoint alors en été 1945 l’Intelligentsia à Rome et dicte à sa secrétaire le rapport actuel qu’il ne souhaite pas faire éditer car de nature modeste il ne veut pas gagner de l’argent et ce rapport contient trop de détails politiques. Le rapport est alors mis au secret à Londres.

Pilecki repart rapidement en mission car il estime que la Pologne n’est pas libre et est envahie par les Communistes. Il est arrêté en 1947, torturé pendant huit jours et alors qu’on le menace d’arrêter sa femme et ses enfants, il parle. Son procès a lieu en mars 1948 où il est condamné à mort pour espionnage le 15 mai 1948. Il est exécuté le 25 mai 1948 sans rien dire à sa famille qui le croyait toujours vivant. La famille recherche toujours dans son corps par des examens ADN dans les fosses communes.

Witold Pilecki était un catholique anticommuniste, Capitaine de Cavalerie en Italie en 1945, qui a cherché par la création de réseaux de résistance à rendre libre la Pologne. Il était interdit de parler de Pilecki en Pologne jusqu’à la fin de la guerre froide en 1990 et le procès du Procureur qui l’a condamné à mort eût lieu en 2003.

Par Brigitte Atlan