Colloque sur l’héritage social sur la Résistance

Rencontre prévu le 16/12/2002

Débat du 16 décembre 2002 à l’Assemblée Nationale

Intervention de Monsieur le Ministre Jacques GODFRAIN

Dans cet après-midi de réflexion, je rapporte cette anecdote que je racontais à Monsieur le Professeur. Comme vous le savez, les députés et sénateurs ont le droit de recruter un, deux ou trois collaborateurs qui travaillent, soit à l’Assemblée nationale, soit en circonscription. Les jeunes, qui cherchent à devenir collaborateurs d’un parlementaire, envoient leur curriculum vitae. Lorsque j’ai reçu en début de session, plusieurs CV, j’ai vite repéré celui d’une jeune femme d’une trentaine d’années qui avait été lauréate du Concours de la Résistance. Elle travaille maintenant dans mon équipe parlementaire. Ce que certains d’entre vous ont acquis, en consacrant du travail et de la réflexion sur cette page d’histoire, comptera beaucoup pour vous plus tard.

Je vais vous citer une autre anecdote. Il y a parmi vous Monsieur BONNEFOUS, à qui mon département entre autres, doit beaucoup : il a été un des principaux acteurs de la Libération de l’Aveyron, dans des conditions extrêmement difficiles. Merci beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui.

Le propos d’aujourd’hui tend à lancer le débat sur l’héritage social de la Résistance. Je le résumerai par un mot, un mot assez étonnant, prononcé en mai 1942 par le général de Gaulle dans une de ses communications faites depuis Radio Londres :  » Sans doute nous allons gagner, des forces vont entrer dans la bataille nous permettant de gagner, mais s’il ne s’agissait que de cela, alors nous n’aurions rien fait car l’essentiel est de changer la condition de l’homme, de l’homme dans son travail, de l’homme dans sa vie. « 

Vous voyez comment en quelques mots le Général de Gaulle nous dit que la guerre n’est au fond qu’un prétexte, qu’une anecdote de l’histoire, mais que la réalité du politique, c’est de changer la condition de l’homme et il le dit dès 1942, à une période où il était inimaginable que la France passe du camp des vaincus à celui des vainqueurs !

Si aujourd’hui la France vient de peser si lourd et si fort dans un débat international de première importance (celui de la paix ou de la non-paix au Moyen-Orient), c’est parce qu’elle appartient en tant que membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies et qu’elle doit ce poste de membre permanent au fait qu’en 1944, elle a signé du côté des vainqueurs.

En l’espace de 4 ans, l’action du Général de Gaulle et l’action de la Résistance française ont permis à notre pays de changer de côté : du vaincu au vainqueur. C’est pourquoi 40 ans après, nous pouvons affirmer avec beaucoup de force, de vigueur et de conviction que cette période

de la Résistance n’a pas été une parenthèse pendant laquelle des hommes et des femmes, des poignées d’hommes et de femmes se sont battus pour la liberté : ils ont définitivement placé notre pays parmi les grands pays responsables de la fin du XXème siècle et du début du XXIéme siècle.

Le Général prononce ces mots. Les années passent… Nous sommes dans la période qui suit la guerre… (D’autres diront plus tard, dans l’après-midi, combien il a été important que le Conseil National de la Résistance et de très nombreuses interventions de grands résistants donnent une tournure à l’action qu’ils conduisaient pour la réforme de la République, pour le changement de la République, en donnant à celle-ci un contexte social prééminent.)

Dès 1947, le Général de Gaulle lance un mouvement politique :  » Le Rassemblement du Peuple Français  » dont la clé-même de l’action était le changement social au travers de l’association capital-travail.

L’association capital-travail, c’est la recherche d’une troisième voie. Ce n’est sans doute pas quelque chose de nouveau, puisque le Général de Gaulle lui-même indique qu’il puise cette vieille tradition française de réflexion sur la sublimation de l’homme par rapport à ses activités créatrices et productrices, dans le message social de l’Eglise de la fin du XIXème siècle, dans l’encyclique Verum novarum de Léon XIII, et également dans le message social de grands écrivains et acteurs sociaux du XIXème siècle. On peut même trouver dans Blanqui et d’autres écrivains classés aujourd’hui socialistes des écrits très intéressants sur le changement de caractère de l’entreprise. Une thèse vient d’être faite par un jeune professeur de Bordeaux sur l’entreprise et la participation au XIXème siècle : on s’aperçoit que contrairement à ce que l’on imagine, celle-ci était beaucoup plus en cours que pendant l’entre

deux-guerres et même beaucoup plus en cours qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Je dis cela parce que nous avons beaucoup à faire par rapport à ce message. Il n’a pas encore convaincu tous les acteurs économiques loin s’en faut, mais petit à petit, les choses progressent et dans le message social de la Résistance et du Général de Gaulle, il y a tous les ferments qui font qu’aujourd’hui, nous avons, dans cette maison-même, en matière législative, forgé un certain nombre de textes de lois qui donnent la possibilité à l’entreprise de donner à l’homme son rôle d’acteur et non plus simplement de sujet de création.

Puis 1958 est là… Deux ordonnances, l’une sur l’intéressement, l’autre sur la participation. 1967 : deux nouveaux textes… et puis au fur et à mesure que la Vème République progresse, ici ou là, quelques éléments qui font qu’aujourd’hui il y a une véritable somme législative sur les relations sociales dans l’entreprise qui font que le salarié n’est pas simplement un sujet ; il n’est pas simplement loueur de force, de travail, de talent, il est au contraire un partenaire, il est associé à la gestion de son entreprise.

C’est une gageure de dire cela car ce combat pour le changement de statut de l’entreprise n’est pas facile à mener : il est tellement plus confortable à la fois pour certains dirigeants d’entreprise et aussi pour certaines forces syndicales de s’en remettre à la traditionnelle,

Classique, antique lutte des classes … lutte des classes qui se traduit par un rapport de force. Comme me le disait un syndicaliste important qui était très peu convaincu du message social de la Résistance en matière de participation  » Les relations sociales, c’est simple ! C’est la confrontation d’intérêts qui se solde par un conflit social au terme duquel on règle le problème sur les salaires, et exclusivement sur les salaires « .

Tout ce qu’a voulu dire, écrire et faire le Général de Gaulle dans ce domaine va à l’encontre de la simple idée que le salaire est la stricte rémunération du travail. Il va bien au-delà et recherche dans l’association du personnel, des salariés, un véritable contrat de partenariat. Récemment, il y a trois ans, ici, dans cette salle, nous avons mis au point le tout dernier texte sur l’actionnariat salarié, texte qui n’est qu’un élément de la participation, mais un élément important puisque l’actionnariat salarié est un outil référencé pour faire progresser le rôle du salarié dans l’entreprise par l’acquisition d’une part de son capital.

Je voudrais également dire à quel point il est difficile de faire passer ce message. Je vais expliquer pourquoi : pour une raison simple. Nous avons la culture dans notre pays du conflit du travail, nous savons ce que sont les conflits du travail, comment les gérer, nous savons que les directeurs départementaux de l’emploi et du travail sont souvent appelés à l’arbitrage pour les conflits sociaux, et en fin d’arbitrage, chacun essaie de retrouver, quand l’accord est signé, un peu de ce qu’il espérait au début. Très rarement en sortie de crise sociale, il y a eu un accord d’entreprise absorbant l’idée de participation.

Ce qui fait qu’aujourd’hui, le Ministère du Travail lui-même n’a pas dans sa culture la diffusion, la promotion de la participation parce qu’il est composé d’hommes et de femmes issus de postes de directeurs départementaux ou régionaux, qui ont été des médiateurs dans des conflits du travail sans mettre en avant la participation (Jean MATTEOLI, qui a été un grand Ministre du Travail, a dû ressentir les insuffisance à l’époque).

La nouvelle génération de ceux qui consacrent leur vie et leurs efforts à l’avancée du droit social doit de plus en plus mettre en avant la possibilité de créer les conditions de celle-ci. La loi sur l’actionnariat salarié en est une des conditions, elle n’est pas la seule car nous avons à affiner, dans tous les cas, ces possibilités.

Par exemple, dans la loi sur l’actionnariat salarié, il y a un très long passage sur plusieurs articles qui permet aux salariés d’être non seulement actionnaires en tant que tels mais également de s’associer avec d’autres salariés. Cette association de salariés actionnaires pouvant être représentée au Conseil d’Administration permet à ceux-ci d’être associés à la stratégie de l’entreprise. On retrouve 50 ans après ce qui était dans le message de la Résistance.

Un lot pour illustrer cela sur deux points d’actualité pour vous montrer que ce colloque n’est pas simplement une commémoration et n’a pas lieu à titre strictement historique et qu’il est en plein dans l’actualité. Vous savez tous ce que sont les O.P.A., ce que sont les raids de sociétés sur les autres sociétés. Par deux fois, depuis 10 ans, de tels raids ont échoué grâce aux

Actionnaires salariés, c’est-à-dire grâce à une des expressions de la participation. Je pense en particulier au raid de la société Bolloré sur la société Bouygues, qui a en définitive échoué parce que les actionnaires salariés très minoritaires (6,5 % de l’actionnariat) se sont mobilisés et qu’avec un poste aussi minoritaire, on parvient à maintenir un actionnariat au total. Je pense aussi à une opération de la B.N.P. sur la Société Générale, il y a quelques années, où on a pu constater que les actionnaires salariés ont joué leur plein rôle.

Dernier point d’actualité : il se trouve qu’une très grande société française, qui a un poste stratégique très important dans les productions de télécommunications et d’armements, a vu entrer un élu des actionnaires salariés. Certains ont pensé que cela obligerait la firme à faire des conseils d’administration bis pendant lesquels on parlerait de choses sérieuses. L’expérience a tellement bien réussi que ce représentant des actionnaires salariés siège au Conseil d’Administration, qu’il n’y a pas de conseils d’administration bis, et qu’en plus, il vient d’entrer au conseil stratégique de cette firme. C’est dire la confiance que l’on peut accorder aux actionnaires salariés représentés au Conseil d’Administration, confiance qui doit être sans partage et qui, en tous cas, n’a jamais donné de mauvais résultats.

Je terminerai mon propos en disant que la grande tradition de notre pays est de rechercher à être en tête des grandes pensées universelles. C’est notre vocation depuis 1789. Il est certain que la participation doit être au cœur de cette recherche parce que nous ouvrons un nouveau droit avec l’idée de l’ouverture du droit au patrimoine ; c’est un droit auquel l’homme doit parvenir. C’est très vite dit, mais cela signifie beaucoup de choses. Ceux qui ont participé à la Libération de la France savaient sans doute, dans leurs pensées les plus profondes, qu’ils ne se limitaient pas à la Libération de la France par rapport aux occupants, mais à la libération de l’homme par rapport à toutes les contraintes qui pesaient sur lui, notamment les contraintes de catégories à catégories.

Deuxièmement, c’est l’ouverture d’un autre droit – et je terminerai par là – qui correspond à la grande tradition de la pensée française. N’y a-t-il pas de cause plus belle et plus noble que celle de se dire que le devoir de tout individu est d’avoir pour ambition de laisser plus sur terre qu’il n’a trouvé en arrivant ? La participation, tout le contenu social de la Résistance, c’est cela ! Quelle solution peut-on trouver pour que l’homme à la fin de sa vie puisse se dire  » j’ai joué mon rôle, j’ai fait mon devoir, je laisse plus que je n’ai trouvé « . Beaucoup de ces acteurs ont laissé en plus notre pays en état d’être libre et d’autres aujourd’hui essaient de donner à chacun d’entre nous un rôle, une pleine responsabilité de manière que talent et sens de la création, puissent être au cœur du débat.

Intervention de François Archambault, Président de M.E.R, Secrétaire Général de la Fondation de la Résistance

L’association  » Mémoire et Espoirs de la Résistance  » a été créée par la Fondation de la Résistance. Bien que son sigle soit  » M.E.R « , elle est la fille de la Fondation de la Résistance ! Elle doit assurer la liaison entre les anciens résistants dont beaucoup sont brillamment représentés ici, et heureusement pour nous encore survivants, et les nouvelles générations que vous êtes, vous lycéens et collégiens, à travers les intermédiaires que sont les proviseurs, les professeurs, les parents et ne les oublions pas, les grands parents. En effet, la Résistance a légué des héritages souvent méconnus. La Résistance n’a pas été seulement un combat, et un combat victorieux. Mais, comme le Ministre Godfrain le disait tout à l’heure, dès 42, le Général de Gaulle annonçait :  » nous gagnerons « . Il n’y a pas de victoire si l’on ne veut pas gagner. En même temps il annonçait un changement profond de la société française.

Cet héritage, nous nous employons, nous à  » Mémoire et Espoirs de la Résistance « , de le traiter. Nous l’avons d’ailleurs traité de façon synthétique pour le cinquantenaire de la Victoire des Alliés il y a 7 ans sur le thème  » Résistance Française, un héritage pour l’avenir « . Plusieurs fois par an nous déclinons ce thème de l’héritage que ce soit sous l’angle institutionnel ou juridique comme l’an dernier à la maison du barreau,  » l’héritage juridique  » avec deux bâtonniers fils de Résistants : Bâtonnier Teitgen fils d’un grand Résistant, ministre du Général de Gaulle à la Libération et François-Xavier Mattéoli, qui viendra tout à l’heure, bâtonnier de l’ordre des avocats des Hauts de Seine, et qui nous parlera de la pratique juridique contemporaine de cet héritage social de la Résistance.

Nous avons traité aussi de l’héritage judiciaire de la Résistance en présence du Président, M. Yves GUENA, de M. Claude Jorda, Président du Tribunal Pénal International et du Président du Conseil Constitutionnel et du premier Président de la Cour de Cassation, M. CANIVET, à la Cour de Cassation elle-même. Nous avons traité  » L’imprimerie, arme de la Liberté  » qui est un héritage culturel et politique de la Résistance. Nous traitons l’héritage poétique et littéraire à travers notre récital annuel de poésie et un peu de chansons : n’oublions pas le chant des partisans ! Nous aurons comme d’habitude le vendredi 21 mars, jour du printemps, ce récital de poésie aux Invalides. Nous essayons d’assurer en liaison avec la Fondation Charles de Gaulle, et avec la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, la promotion du Concours National Scolaire de la Résistance et de la Déportation. Vous avez entendu tout à l’heure Monsieur Godfrain dire qu’il avait choisi parmi des candidats à des postes d’assistants parlementaires quelqu’un qui était Lauréat du Concours National de la Résistance et de la Déportation. Ce Concours créé par des Résistants, par des combattants volontaires de la Résistance et ensuite institutionnalisé par la République, et chaque année pérennisé par le ministère de l’éducation, actuellement « Ministère de la Jeunesse, de l’Education et de la Recherche « , ce concours nous en assurons la promotion avec les autres Fondations amies et l’association nationale des professeurs d’histoire et de géographie. Le dernier vendredi de janvier nous traitons à la Sorbonne le sujet avec des anciens Résistants ou Déportés, et des animateurs historiens ou journalistes. Vous y êtes d’ailleurs tous conviés, vous élèves, vous professeurs, vous proviseurs, vous parents, vous grands parents, puisque dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne il y a beaucoup de places. Voilà donc notre vocation qui est de pérenniser par le film également, de pérenniser par l’Internet. Nous avons créé un site Internet qui s’appelle memoresist.org, qui a répertorié 2700 travaux universitaires mémoires et thèses sur la Résistance. Il vous appartient à vous les jeunes, de faire le 2701ème mémoire ou la 2702ème thèse sur la Résistance. Tous les moyens de l’esprit, tous les moyens de l’âme, du cœur sont à notre disposition, pour pérenniser ce combat que fut la Résistance. Pas seulement un combat pour vaincre l’envahisseur, barbare, mais aussi un combat pour construire une République sociale la première République sociale de notre histoire. C’est encore inscrit dans notre constitution.

Je ne veux pas anticiper sur ce que les historiens ici présents vont dire mieux que moi, je voulais surtout situer notre association par rapport à sa maison mère, La Fondation de la Résistance, situer nos actions au service de la Mémoire, mais aussi au service d’un civisme culturel et social.

Intervention de Mme Claire Andrieu et M. Jean-Pierre Levert

Jean-Pierre Levert

Rappelle les classes présentes : Lycée Gérard de Nerval à Noisiel, lycée J-B. Say à Paris, lycées Blomet et Janson de Sailly à Paris,

Merci aux Proviseurs qui ont permis aux classes d’élèves de participer à cet après-midi de réflexion ainsi que tous les collègues, professeurs d’histoire, de sciences économiques et sociales qui accompagnent les élèves.

Merci à Mme le Proviseur Dupuis du lycée Gérard de Nerval d’être parmi nous. Comme professeur du secondaire je voudrais préciser que cette question du C.N.R. qui n’est pas formulée en tant qu’héritage social mais l’évolution en 1945 est traitée en terminale, elle apparaît parfois au baccalauréat parce que l’évolution de la France pendant la guerre est au programme de terminale ainsi que l’évolution politique économique et sociale et de la société française depuis 45 à nos jours.

Le sujet est sur le Conseil National de la Résistance, c’est très important, Jean-Pierre Azema le rappelait récemment, la France est le seul pays en Europe occupée où il y a une réunion en 1943 qui regroupe toutes les tendances politiques, syndicales, de la France combattante. On y remarque des syndicalistes, des représentants des mouvements et des partis politiques. Tous ces hommes bien sûr sont en clandestinité et se réunissent en liaison avec Londres par l’intermédiaire de Jean Moulin pour élaborer non seulement le programme de lutte puisque l’on est encore en 1943 mais également la refondation de la République et de la France dans l’après-guerre.

La première partie du programme Mme Andrieu en parlera, plus précisément axée sur la poursuite du combat, la seconde partie est très structurée elle prévoie l’ensemble des réformes qui doivent avoir lieu dès la Libération. Le C.N.R n’est pas seulement important dans la lutte en Europe contre le nazisme, il un impact très fort au point de vue international, pour le Général de Gaulle et la place de la France pour la poursuite de la guerre. Je vais citer un extrait très important du Général de Gaulle où il évoque ses relations très difficiles avec Giraud en Algérie, avec les alliés anglo-saxons :

 » Ainsi sur tous les terrains et d’abord sur le sol douloureux de la France germait au moment voulu une moisson bien préparée le télégramme de Paris, transmis à Alger, le télégramme de Jean Moulin, qui faisait part des résultats du CNR, est publié par les postes radio américains, britanniques, et français libres, produisit un effet décisif non seulement en raison de ce qu’il affirmait, mais aussi et surtout qu’il donnait la preuve que la Résistance Française avait su faire son unité. La voix de cette France écrasée mais grondante et assurée, couvrait soudain le chuchotement des intrigues, et les palabres des combinaisons j’en suis à l’instant même plus fort tandis que Washington et Londres mesuraient sans plaisir mais non sans lucidité la portée de l’événement « 

  1. le Ministre Godfrain rappelait tout à l’heure qu’au bout de cette lutte il y avait aussi la reconnaissance par les alliés de la place de la France dans les rangs des vainqueurs et sa place au Conseil de Sécurité. Le CNR est une étape très importante dans ce long cheminement politique au niveau des relations entre les alliés.

Je remercie Madame Claire Andrieu de participer et nous faire l’honneur d’intervenir, Madame Claire Andrieu est Maître de conférences à Sorbonne-Paris I et professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Elle est spécialiste de la question, en particulier elle a publié un programme commun de la Résistance. Mme Andrieu dirige actuellement un séminaire sur le déchiffrement du discours mémoriel.

Madame Claire Andrieu :

Je voudrais donc vous présenter l’héritage social de la Résistance à travers l’action du Conseil National de la Résistance. Il y a-t-il un héritage social de la Résistance c’est la première question ? Qu’est-ce qu’un héritage ? Existe-t-il bien une Résistance ? Un héritage peut-être dilapidé ou oublié en l’occurrence nous allons voir que cet héritage social de la Résistance a une histoire, une apogée et puis un déclin cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas ensuite revivre. D’autre part sur  » La  » Résistance il faut insister, M. Levert l’a dit, en France on peut parler de  » la  » Résistance et je crois que c’est un privilège de pouvoir parler de cette unification de la Résistance qui n’a pas pu se produire dans les autres pays pour des raisons très diverses et cette unification de la Résistance a joué un rôle dans le poids politique de la Résistance à la Libération. Cette unité se traduit par la création du CNR sur laquelle je vais revenir un peu. Car cette unité a assuré le caractère durable de l’héritage de la Résistance il a permis notamment que ce qui n’était qu’un texte devienne un ensemble de mesures et donc s’inscrive dans le cours de l’histoire de France. Mais en même temps cet héritage social de la Résistance n’a pas pu empêcher que les décennies passant les conceptions et les techniques évoluant, il a été relativement dépassé à partir d’un certain moment ce qui n’empêche pas qu’il puisse revivre sous d’autres formes plus tard ce que j’aborderai en conclusion.

Sur le caractère durable de l’héritage, fondé sur l’union nationale il faut étudier le pourquoi de l’union nationale de la Résistance en France. Ce qui n’était pas simple comme vous le savez la Résistance n’était pas au départ la Résistance, il y avait des résistants et pour paraphraser la formule de Mirabeau  » une sorte d’agrégat in constitué de peuples résistants désunis  » de toutes obédiences politiques. Cette unification a pu se faire largement parce qu’Un Résistant se trouvait à Londres qui avait la volonté d’incarner la France ce qu’il a dit immédiatement dès juin 1940. Un dialogue s’est donc institué entre les Résistants de France intérieure et la France Libre qui avait obtenu la reconnaissance de l’Angleterre. Dans ce dialogue c’est créé l’unification, or les autres pays pour prendre les plus proches de nous n’étaient pas dans le même situation, par exemple la Belgique et la Hollande leurs chefs d’état étaient immigrés à Londres, il y avait donc une légitimité posée d’emblée, il n’y avait pas à créer une légitimité nationale résistante et en France il y avait ce besoin de créer une légitimité résistante d’abord pour des raisons évidentes l’union fait la force en ce qui concerne le territoire métropolitain mais aussi parce que par rapport aux alliés, comme l’a dit M. Levert, le général de Gaulle était en très grandes difficultés et en fait, il a eu besoin de prouver, d’afficher, de manifester que la Résistance était unie sur le territoire et le reconnaissait comme chef. De ce besoin lié à des contraintes extérieures est né La Résistance. On peut dire que La Résistance naît véritablement au moment de la réunion du Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943. C’est une naissance qui a été très douloureuse car il y avait des conflits sur les formes qu’allait prendre cette unité. Il y avait le conflit entre les partis politiques et les mouvements, les mouvements ne voulaient plus des partis politiques, les résistants étaient comme le reste de la population française en général, très sévères sur la troisième République et tendaient à confondre le régime des partis avec la République, il y avait un réflexe antiparti tellement fort de 40 à 42 en France, le modèle parlementaire de la République aurait pu se trouver en danger, à la Libération. Les mouvements, essentiellement le plus célèbre sur ce plan c’est  » Combat  » dirigé par Henri Frenay étaient violemment hostiles à l’intégration des partis politiques au sein du Conseil National de la Résistance. Au point qu’Henri Frenay a refusé de siéger au CNR. Où sa place était faite d’avance. Ça c’est un premier conflit, les partis politiques ont tout de même été représentés au CNR. Parce qu’encore une fois vis à vis des alliés, de Gaulle avait besoin de montrer que les traditions politiques en France, que les familles politiques dont il pensait qu’elles étaient pérennes, quelque forme qu’elles prennent à la Libération, étaient bien avec lui. C’est pourquoi au CNR sur 16 membres on a 6 partis politiques, de la droite à l’extrême gauche. C’est à dire qu’on l’Alliance Démocratique, la Fédération Républicaine, le Parti Démocrate Populaire, les Radicaux, et on a le Parti Socialiste et le Parti Communiste. Ce qu’on n’a pas au CNR mais il en avait été question c’était ce qui s’était appelé le progrès social français sous Vichy et le PSF avant la guerre dirigé par le Colonel La Roque, là le refus de cette forme d’extrême droite au sein du CNR avait été décidé à Londres. Même s’il y avait des PSF qui étaient Résistants son association visible avec le régime de Vichy lui avait interdit l’accès du CNR. Donc le CNR de la droite à l’extrême gauche, c’est un spectre extrêmement large de la vie politique française et par là aussi on assure l’union de la Résistance. Même si concrètement L’Alliance Démocratique et la Fédération Républicaine et le parti démocrate populaire ne vivaient plus sous l’occupation. Ils ne sont pas reconstitués dans la clandestinité, pas plus que les radicaux d’ailleurs. En revanche ils continuaient à avoir à titre personnel des relations entre eux. Et encore une fois compte tenu du fait que l’on aboli pas d’un trait de plume les familles politiques, il était sage, l’avenir l’a prouvé de les intégrer dans la Résistance. Du côté des mouvements de Résistance on a aussi uniquement les mouvements c’est à dire ceux qui prétendent mener une action civique, pour les distinguer de l’action des partis politiques…une action civique avec journaux militantismes, par exemple les réseaux de renseignements ne sont pas au Conseil National de la Résistance. Le Conseil National de la Résistance est un organe de représentation politique. Et donc de ces mouvements ce sont tous les principaux Le Front national pour les deux zones, Libération Nord, l’O.C.M., C.D.L.L. (Ceux de la Libération), C.D.L.R. (Ceux de la Résistance) pour la zone occupée, et puis les trois grands zone sud : Libération sud, Francs-Tireurs et Combat. Donc il y avait huit mouvements de Résistance, six partis politiques et deux représentants des syndicats, la CFTC d’une part et d’autre part la CGT, qui s’était réunifiée dans la clandestinité, en avril 43 juste avant. Et juste avant ce n’est pas un hasard c’est dans le même mouvement de volonté d’unifier la Résistance que la CGT tendance communiste et tendance non communiste s’étaient réunifiées. On a donc là un organe tout à fait hybride, atypique qui correspond à une réunion de représentants aux statuts les plus divers et qui est l’organisme de représentation de la Résistance en France. Et qui reconnaît le Général de Gaulle comme son chef. Ce qui permet à de Gaulle de s’affirmer face aux Américains et aux Anglais et donc d’avoir l’autorisation qu’il n’avait pas, de se rendre à Alger en territoire français pour mettre en place avec Giraud un binôme qui s’est traduit assez rapidement par la marginalisation du général Giraud. Si on projette sur la suite des événements cela a permis de créer un gouvernement provisoire de la République française qui était un gouvernement d’union nationale qui était représentatif non seulement vis à vis des alliés mais aussi de l’opinion intérieure française.

Le sens de cette union pour notre sujet c’est que dans la mesure où le programme du CNR est également le fruit de l’union il a permis de donner par la suite à l’héritage de la Résistance un caractère consensuel ce qui ne sera pas le cas dans d’autres pays comme on le verra tout a l’heure.

En ce qui concerne la genèse du programme malgré tout c’est un programme qui est connoté à gauche et dont les initiateurs sont les communistes, les socialistes dans l’ordre chronologique et in fine les mouvements de Résistance. L’idée initiale vient en fait du parti socialiste qui avait conçu dès le mois de janvier 43 dans son journal clandestin  » Le Populaire  » un programme de la Résistance. Mais ce programme était trop directement inspiré des thèses de la SFIO et les communistes n’en ont pas voulu au nom de l’union de la Résistance, que le programme risquait de diviser trop, en fait c’est le Front National qui avait été créé par les communistes mais pour rassembler l’ensemble des Français qui a pris le relais, qui a présenté en novembre 43, une nouvelle version de ce programme atténué politiquement par rapport à celle du parti socialiste et après des négociations très laborieuses, car bien sûr il n’y avait pas de fax, on ne pouvait pas se téléphoner, c’était trop dangereux, les courriers étaient surveillés, les communications étaient très lentes, il a fallu quatre mois pour que le programme soit au point et d’ailleurs après des débuts de ruptures, et tout à fait à la fin c’est le  » mouvement de libération nationale  » ce mouvement qui réunissait plusieurs autres mouvements dont ceux de zone sud les  » MUR  » plus  » Défense de la France  » qui a in fine rattrapé le bébé par les cheveux et réussi à le faire reconnaître par ses seize pères, les seize membres masculin du CNR parce qu’il n’y avait pas de femmes au CNR. Ce programme a donc été signé, il faut souligner que ce programme clairement de gauche, a même été signé par la  » Fédération Républicaine  » et par  » l’Alliance Démocratique « . Pour  » l’Alliance Démocratique « . Par Joseph Laniel et Fédération Républicaine son représentant n’était pas Louis Marin qui était trop surveillé mais Jacques Dubu-Bridel qui était une personnalité relativement atypique. Dans la clandestinité ce programme est signé par l’ensemble des forces politiques françaises. Cela fera sa force et sa longévité.

J’arrive maintenant à l’inscription dans le temps de ce programme par ses réalisations qui ont suivi, un héritage peut-être uniquement spirituel, il y a un héritage spirituel de la Résistance mais en l’occurrence il y a un héritage matériel un héritage législatif, un ensemble de mesures ont été adoptées à la Libération je crois que rarement la France dans son histoire se sera transformé aussi rapidement en aussi peu de temps de manière aussi intense. Si l’on cherche dans le passé il faudrait se retourner du côté des débuts de la troisième République à partir du moment où elle devient républicaine, c’est à dire dans les années 1880, là, on a une batterie de lois laïques, de lois libérales, qui changent profondément le visage de la France.

En 1945/46 comme vous le savez on peut résumer ces grandes mesures héritées du programme de la Résistance en trois points d’abord ce que l’on appelait à l’époque la démocratie économique et sociale, c’est le nom de l’époque, et dont le fleuron sont les nationalisations vous pouvez penser que les nationalisations sont des mesures économiques ce qui est le cas, aussi, mais ce sont d’abord des mesures sociales les nationalisations étaient voulues, il y avait une poussée sociale, une pression sociales en faveur des nationalisations qui étaient vécues selon la formule du programme du CNR comme un retour à la nation des moyens de production, comme une manière pour les salariés d’être mieux traités dans leurs entreprises c’est particulièrement évident dans les mines du Nord-Pas-de-Calais, et dans les mines en général. Donc il y a un aspect social des nationalisations. Il y a également ……..

Je ne sais pas s’il est utile de donner la liste des nationalisations elle est longue cela commence par les mines en 1944 ensuite c’est confirmé en 46 la nationalisation des banques en 45, l’électricité, le gaz, les assurances, c’est donc une liste qui transforme l’économie française de manière manifeste par ses plus grandes entreprises. On peut ajouter aussi les transports car Air France est une société d’économie mixte qui a été un peu plus nettement nationalisée à la Libération.

Il faut noter à ce propos qu’à partir du moment où il y a voté il y a Assemblée Nationale dans les règles malgré tous les deux partis de droite que j’ai mentionné qui avaient accepté dans la clandestinité de signer le programme du CNR, vont voter contre les nationalisations. Mais ce sont les seuls à voter contre, or dans l’Assemblée élue en 1945 les droites ne réunissent plus qu’une cinquantaine de députés, c’est à dire rien et plus personne d’ailleurs ne se revendique de la droite. Mais malgré tout le dernier carré des droites libérales, avec notamment Joseph Laniel et André Mutter qui avaient siégé au Conseil National de la Résistance, refuse de voter les nationalisations. Mais vous voyez qui sont votées y compris par le MRP, par les démocrates populaires qui étaient contre le Front Populaire en 36, mais qui sont pour, si on peut comparer la Libération avec le Front Populaire, en 45.

Deuxième point c’est la liberté syndicale et les droits des travailleurs, la liberté syndicale est rétablie, elle est même peut-être un peu plus contrôlée dans la mesure où ne peut devenir syndicat que un syndicat dit représentatif, c’est à dire dont l’action sous l’occupation a été considérée comme plutôt résistante ou franchement résistante, c’est aussi le moment de la création des comités d’entreprise, créés en février 45, qui comme vous le savez existent toujours. Enfin il faut mentionner car on l’oublie trop souvent les statuts du métayage et du fermage qui ont une grande influence dans les campagnes, et qui étaient directement demandé dans le programme du CNR et qui sont adoptés dans le même esprit.

Dernier point et pas le moindre c’est la Sécurité sociale qui est adoptée en 45 qui était déjà annoncée par le Général de Gaulle dans certains de ses discours les plus enflammés, il avait même dit que la Libération sociale était inséparable de la Libération nationale. Les retraites sont comprises dans cette Sécurité sociale.

Maintenant après avoir montré que cet héritage est réel, qu’il est durable, parce qu’il repose sur un consensus et qu’il s’est inscrit dans les faits et dans les pratiques il faut aussi relativiser cet héritage car la Résistance n’a pas besoin qu’on lui attribue des mérites superfétatoires notamment il faut considérer que cet héritage est daté, il est le reflet d’une époque, cela se voit si on regarde ce qui se passe dans les autres pays ou si l’on regarde la chronologie sur la longue durée. Dans les autres pays où il n’y a pas eu de Résistance. Prenons l’Angleterre la Victoire s’est traduite également par un train de nationalisations, de mesures sociales avec le plan Bevridge qui est une espèce de prédécesseur de la Sécurité sociale et l’on ne peut pas dire que les mesures de la Libération en France soient totalement originales. Elles sont bien sûr le fruit de la Résistance, mais aussi le fruit d’une époque. Si on prend un autre pays qui n’a rien à voir avec notre histoire pendant la seconde guerre mondiale qui est la Suède, c’est pareil le parti social-démocrate suédois avait un programme qui paraît le décalque du programme d’action de la Résistance. On peut également parler des débuts de sécurité sociale aux Etats Unis en 1935 puisque c’est là que le mot est créé du temps de Roosevelt. Donc il y a une inscription dans le temps de manière internationale il y a aussi dans la longue durée le fait que la Résistance a bénéficié d’une évolution des conceptions de politique économique. Pour simplifier on peut dire en prenant des dates extrêmes, entre 1929 et 1989 c’est à dire le début de la grande dépression et la chute du mur de Berlin, c’est une très grosse simplification que je fais, on a vécu globalement sous l’emprise de conceptions dirigistes en matière de politique économique. Très globalement il faut nuancer, de ce fait le programme du CNR s’inscrit en plein dans cette période et 45 est l’apogée, c’est l’apogée en raison des pénuries, des destructions, des ruines qui règnent et qui font que seul l’Etat a les moyens de reconstruire efficacement et d’investir. De ce point de vue il est certain qu’en France et je parlais de 89, qui est une date chute du mur de Berlin, donc légitimation au moins objective c’est à dire apparente du libéralisme économique par auto effondrement, implosion de l’Union Soviétique. Bien sûr cette évolution avait commencé avant 89, en France il y a une date symbolique de ce point de vue la période de la législature 86/88 les ordonnances de privatisations constituent un retour sur les mesures prises à la Libération d’autant plus net que cela commence à toucher des entreprises nationalisées à la Libération. Là on entre dans un monde de conception tout à fait nouvelle qui se traduit par exemple par la création de la Banque Centrale Européenne, qui retire aux gouvernements nationaux du moins sur le papier le droit de diriger leur monnaie. C’est l’anti-nationalisation de la Banque de France qui s’était faite en 1936/1935, donc nous revenons quand je dis-nous c’est l’époque sur les conceptions de 45 il faut noter aussi qu’en amont les conceptions de 45 n’étaient pas entièrement neuves par exemple la loi sur les assurances sociales de 1928/1930 avait déjà permis de protéger près de la moitié du salariat en France, la Sécurité sociale n’est pas une création ex-nihilo. On peut dire aussi, j’ai parlé de la nationalisation de la Banque de France en 45 mais déjà en 36 sous d’autres formes l’affaire avait commencé.

Pour conclure cet exposé je crois qu’il faut souligner que ce programme du Conseil National de la Résistance a constitué un drapeau a la Libération, il a permis à un peuple très divisé par la période de l’occupation de s’unir avec plus ou moins de fondement, d’ailleurs mais chaque Français pouvait se reconnaître dans l’une des composantes présente au CNR puis au GPRF Gouvernement Provisoire de la République Française et ce drapeau restera un symbole, aujourd’hui la force du symbole semble moindre qu’elle n’a été mais elle demeure. Il y a des paroles célèbres qui ne disparaîtront pas, par exemple le discours le discours du 14 juillet 1943 à Alger prononcé par de Gaulle dans lequel il dit en substance  » Quand une bastille entre en lutte avec son peuple, ce sont toujours les bastilles qui ont tort  » Ce symbole d’inspiration révolutionnaire qui flotte derrière le drapeau du CNR il ne disparaîtra pas, pour le moment peut-être que l’histoire ne lui permet pas de se déployer dans toute la vivacité de ses couleurs. Mais ce sont des choses qui peuvent revenir car comme vous le savez quand un peuple se mobilise l’histoire fait partie de ses forces et de ses ressources et qu’en général et peut-être surtout en France on ne se prive pas d’utiliser l’histoire pour combattre.

Jean-Pierre Levert

Pour rebondir sur ce qui a été dit, on peut retenir aussi, et c’était l’un des thèmes de débat pour préparer cet après-midi de réflexion, vous avez cité La Révolution Française, 36, auparavant également les grandes lois fondant la 3° République, il y a une sorte de mystique au moment du CNR dans la foulée de cette histoire nationale et j’en veux pour preuve la première édition clandestine du 24 mars 44, le titre de la publication du programme c’est  » Les jours Heureux « . C’est vraiment dans la mystique du Front Populaire c’est vrai que dans la plupart des cas les lois de 1944 et 1945 ont été un plus de jure un peu plus loin que ce qui était inscrit, installé dans les années 30 au moment du Front Populaire y compris les lois sur la famille qui avaient été prises avant la guerre.

Monsieur le Président Jean Mattéoli : Président de la Fondation de la Résistance

C’est un très vaste sujet je n’entends pas le traiter, d’une manière complète, devant vous, il faudrait beaucoup trop de temps, je ne suis pas sûr, que en dépit de ce que vous venez de dire, j’aurai toutes les qualités pour le faire. Je voudrais pourtant revenir une seconde sur la présentation qui vient d’être faite de moi, c’est vrai que la fin de la guerre en 1939 m’a trouvé alors que j’étais encore très jeune, puisque j’avais 17 ans et demi, c’est à dire votre Age ou quelque chose d’approchant. Mais il faut toujours comparer les choses comparables et l’ambiance qui régnait en France à l’époque un pays battu vaincu par l’Allemagne, vraiment à plates coutures pour reprendre une expression populaire. Avec ce sentiment qui était le nôtre d’avoir été définitivement, profondément humilié, cela créait en nous tous des réactions diverses, certes, mais toutes extrêmement énergiques pour sortir aussi vite que possible de cette situation d’humiliation. Si je reprends ce mot c’est parce qu’il représente le mieux l’état d’esprit qui était le nôtre je le répète en 1939, alors que nous avions 17 ans, 17ans et demi, 18 ans, au maximum. Etre écrasé par l’ennemi que nous détestions à l’époque, l’alliance franco-allemande ne date pas d’avant-hier mais elle ne date pas de l’éternité, donc à cette époque-là l’allemand était vraiment l’ennemi d’autant plus qu’il venait de remporter sur la France une victoire écrasante. Car nous avions été écrasés par l’armée allemande qui s’était préparée elle à la guerre ce que sans aucun doute nous n’avions pas fait, ou disons pas d’une façon suffisamment convenable et sérieuse. Cela ne faisait qu’ajouter aux sentiments de frustration qui étaient les nôtres devant cette écrasante victoire des Allemands.

Il nous a fallu quelques temps pour retrouver une certaine forme d’équilibre, et ça n’a pas été facile je vous l’assure. La défaite dans les conditions où elle s’est produite c’est à dire associée à une humiliation que nous ne connaissions pas, en tant que caractère de notre vie. Je voudrais seulement dire à tous ces jeunes qui sont ici, je voudrais qu’ils puissent, ne serait-ce qu’un très court instant, se représenter ce que pouvait être la situation, l’état d’esprit, les réactions de jeunes de leur Age, dans une France occupée par l’ennemi, par l’Allemagne, qui n’avait aucune espèce de timidité dans la manière de s’affirmer dans une France vaincue, et à l’époque les Allemands n’étaient pas du tout fâchés de nous avoir traîné dans une défaite abominable.

Tout ceci représente le fonds historique de la situation dans laquelle nous avons vécu, quand nous étions très jeunes c’est à dire quand nous avions votre Age. Cela étant dit ce que vous a dit Madame Andrieu, présente mieux qu’il n’est possible de le faire en tous cas aussi bien qu’il est humainement possible de le faire, ce qu’a été la Résistance de la France. Je voudrais juste sur un point ajouter quelque chose à ce qu’elle a dit, La Résistance, en vérité on devrait parler des Résistances il y avait la Résistance en Angleterre, à côté du Général de Gaulle qui était à Londres, qui était accompagné d’un certain nombre de nos camarades, de nos amis, dont certains que nous n’avions d’ailleurs pas connus avant 1940 et qui avaient acquis une telle réputation qu’ils étaient en droit de dire qu’ils représentaient valablement la France. Jean Moulin, par exemple, pour n’évoquer que lui. Dans la France continentale une grande partie de la population qui était comme anesthésié par ce qui venait de se passer, et qui n’avait plus guère de réactions sauf celles de l’humiliation mais qui à l’époque, sauf dans certains cas très limités, n’imaginais pas du tout que la revanche puisse être rêvée, je dis dans quelques cas très limités car ça a été le moment quand même, où dans cette France continentale coupée en deux par une ligne de démarcation. Une France qui se trouvait au Nord de la ligne qui s’appelait  » France occupée  » parce qu’elle l’était officiellement par la présence de troupes allemandes sur notre sol. Et puis au Sud par une France considérée comme étant libre simplement parce que les Allemands n’y jouaient pas dans les apparences le rôle directeur qu’ils jouaient au Nord. Il reste que dans l’ensemble nous n’étions pas des jeunes gens heureux là je vous prie de me croire. Mais les pires choses ont une fin la guerre s’est achevée dans de telles conditions que nous avons pu avoir le sentiment de n’avoir pas perdu totalement la guerre et surtout pour les anciens Résistants de n’avoir perdu ni notre honneur ni notre temps. Et croyez moi c’était déjà pas mal.

C’est sans doute d’abord en ma qualité de témoin des deux grandes époques de l’action du général de Gaulle qu’il m’a été demandé d’apporter mes réflexions sur ce sujet. C’est aussi, sans doute, parce qu’ayant exercé ultérieurement les fonctions de Ministre du Travail et de la Participation, puis de Président du Conseil Economique et Social, j’ai eu l’occasion de méditer sur l’héritage du gaullisme dans ce domaine.

Je voudrais donc rappeler en quelques mots l’importance primordiale que le Général de Gaulle a accordée à ce qu’on appelait alors  » la question sociale « , et cela dès l’époque de la France Libre. En pleine guerre, en Angleterre, il prononce à Oxford le 25 novembre 1941 un discours fondamental, qui résume à ses yeux le sens profond de la guerre contre l’hitlérisme :  » Si complète que puisse être un jour la victoire des armées […], rien ne garantira la paix, rien ne sauvera l’ordre du monde, si le parti de la libération, au milieu de l’évolution imposée par le progrès mécanique moderne, ne parvient pas à construire un ordre tel que la liberté, la sécurité et la dignité de chacun y soient exaltées et garanties au point de lui paraître plus désirable que n’importe quels avantages offerts par son effacement. « 

De Gaulle affirme donc dès 1941 la nécessité d’un nouvel ordre politique, économique et social après la Libération. Il le répétera durant les années suivantes dans de nombreuses allocutions. Retenons surtout pour notre propos la notion de  » dignité  » qui restera une référence majeure pour la philosophie sociale de De Gaulle. Deux ans plus tard, le 3 novembre 1943, il évoque pour la première fois l’idée de  » participation « , lors de la séance inaugurale des travaux de l’Assemblée Consultative Provisoire d’Alger, chargée de proposer au Gouvernement provisoire les mesures à prendre après la Libération :  » La France veut que cesse un régime économique […] où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations de travailleurs et de techniciens dont, cependant, elle dépendait. « 

Ces deux discours montrent déjà que les réformes sociales de la Libération, notamment l’instauration de la sécurité sociale et des comités d’entreprises sont issues de la convergence entre les préoccupations des hommes de la Résistance intérieure et les réflexions personnelles du Général de Gaulle. Mais elles ne sont pour lui qu’une étape. Sous l’IVe République, il précise ce qu’il entend alors par la participation dans le champ de l’entreprise :  » il faut un régime économique et social nouveau dans lequel tous les travailleurs trouvent un intérêt direct, moral et matériel à leur participation. C’est ce que nous voulons réaliser par l’association  » (conférence de presse du 17 novembre 1948).

L’idée qu’il lance alors est celle de l’Association Capital-Travail.  » L’Association, qu’est-ce à dire ? D’abord, ceci que, dans un même groupe d’entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les cadres, les ouvriers, fixaient ensemble entre égaux, avec arbitrage organisé, les conditions de travail, notamment les rémunérations  » (discours de Saint-Étienne, 4 janvier 1948). Cette conception, qui aboutirait à une sorte de cogestion des conflits sociaux dans l’entreprise, il ne le reprendra pas telle quelle après son retour à la tête de l’Etat. Mais de cette étape de sa réflexion, il retiendra une exigence :  » c’est l’association réelle et contractuelle que nous voulons établir et non pas ces succédanés : primes à la productivité, actionnariat ouvrier, intéressement aux bénéfices  » (25 juin 1950).

Aussi ne faut-il pas se méprendre sur la portée des mesures prises sous sa présidence, notamment l’ordonnance de 1967 instaurant l’intéressement financier dans les entreprises de plus de 100 salariés. Le général de Gaulle rappelle dans sa conférence de presse du 27 novembre 1967 qu’il ne s’agit, dans son esprit, que d’un nouveau pas vers une évolution plus profonde :  » il faut, enfin, que dans les entreprises la participation directe du personnel aux résultats, au capital et aux responsabilités devienne une donnée de base de l’économie française. Très vaste transformation sociale où l’intéressement, désormais prescrit par la loi, représente une importante étape. « .

La participation dans l’entreprise, dans l’esprit du général de Gaulle, s’entendait bien comme la volonté d’associer au sein de l’entreprise et dans tous les domaines de son activité ceux qui concourent à son développement. Que ce fût une entreprise difficile et de longue haleine, De Gaulle ne le cachait nullement. En témoigne cette lettre qu’il écrivait à Marcel Loichot le 11 avril 1966 :  » Peut-être savez-vous que, depuis toujours, je cherche, un peu à tâtons, la façon pratique de déterminer le changement, non point du niveau de vie, mais bien de la condition de l’ouvrier. Dans notre société industrielle, ce doit être le recommencement de tout, comme l’accès à la propriété le fut dans notre ancienne société agricole. « 

Je voudrais conclure en rappelant le point le plus important : la philosophie sociale du général De Gaulle ne s’arrêtait nullement aux rapports internes à l’entreprise. Elle formait un tout. De façon totalement complémentaire, il avait mené depuis longtemps une réflexion sur la façon d’associer les partenaires sociaux à la vie publique, aux côtés de la représentation politique élue.

Je me dois de rappeler que la création du Conseil Economique et Social est son fait ; organe consultatif certes, mais dont le général de Gaulle a souhaité qu’il occupe une place élevée dans les institutions de la Vème République. Dès 1964, il s’est préoccupé de lui donner des pouvoirs encore plus importants. L’aboutissement de sa réflexion, que mai 68 ne fit qu’accélérer, fut le projet de réforme de 1969, repoussé par référendum. Il proposait la création de régions où seraient représentés les partenaires économiques et sociaux, et, à l’échelon national, la réunion en une seule assemblée du Sénat et du Conseil Economique et Social.

Et voici comment le 11 mars 1969, en présentant ce projet, le général de Gaulle résumait les défis de la France et du monde de demain en matière sociale :  » Ce qui est en cause, c’est la condition de l’homme. Il s’agit donc, partout où les hommes sont ensemble pour vivre ou pour travailler, de rendre leurs rapports plus humains, plus dignes, par-là plus efficaces. Il s’agit que chacun, là où il fournit son effort, ne soit pas un instrument passif, mais participe activement à son propre destin.  » La dignité de l’homme, déjà présente dans le discours de 1941, est donc le fil directeur, le maître-mot de la pensée sociale du général de Gaulle.

Les questions/réponses qui terminent la première partie

Question 1 (Un élève du Lycée Blomet)

Peut-on considérer que le droit de vote accordé aux femmes à la fin de la guerre est un héritage social de la Résistance, dû à la grande mobilisation des femmes dans la Résistance ?

Réponse :

Claire Andrieu : on peut dire oui , mais ce droit de vote des femmes aurait été accordé de toutes façons car il avait été accordé dans toute une série de pays retardataires sur ce plan par exemple en Italie en 45 en France par une décision d’avril 44, dans la chronologie d’octroi aux femmes du droit de vote la France l’aurait donné à la Libération, parce que le projet a été repoussé plusieurs fois par le Sénat dans l’entre deux guerres, mais cela ne faisait pratiquement plus débat et le seul parti qui résistait corps et âme au droit de vote des femmes c’était le parti symbole de la troisième République c’était le Parti Radical. Au sein du CNR le parti radical représenté par Bastide a refusé que le droit de vote des femmes soit dans le programme du CNR Dire que c’est un héritage de la Résistance…..C’est bien à Alger que la décision a été prise par l’Assemblée Consultative Provisoire, qui a voté, mais il y a eu un débat assez vif, et dans mon souvenir les intervenants les plus véhéments en faveur du vote des femmes étaient à la fois les démocrates populaires et les communistes. Les communistes parce que c’est dans la tradition communiste, depuis 1917 et les démocrates populaires parce que il y a eu une très belle intervention de (j’ai un doute sur la personne qui intervient) qui parle justement  » des femmes qui ont le droit de mourir sous la torture mais qui n’ont pas le droit de voter « . Là il y a une influence directe de la place des femmes dans la Résistance. Mais encore une fois cela aurait été accordé de toutes les manières parce que à la Libération aux élections de 45 le parti radical fait à peine 5% c’est la fin, et les autres partis, la droite étaient favorables au droit de vote des femmes, dans l’entre deux guerres et bien sûr la gauche aussi.

Monsieur Charles POT Président National de Libération Nord :

Parmi les personnes qui ont beaucoup contribués à la rédaction du programme social à l’Assemblée Consultative Provisoire à Alger, il y avait notamment Pierre-Olivier Lapie (S.F.I.O.), Albert Gazier, syndicaliste compagnon de Christian Pineau, qui avaient pris pour exemple des femmes telles que Berty Albrecht, décapitée, Suzanne Buisson fusillée et d’autres amies appartenant à la S.F.I.O. disparues, déportées en Allemagne.

Ces exemples leurs avaient permis d’appuyer leur thèse en faveur du vote des femmes.

Michel Ambault

Signale que dans le 1er gouvernement du Front Populaire en 36 il y avait des femmes alors qu’elles n’avaient pas le droit de vote.

Jean-Pierre Levert

En 44/45 le vote des femmes, et l’inscription de démocratie sociale dans le texte de la 4ème République repris par la 5ème est l’aboutissement d’une longue lutte qui avait commencé au 19ème siècle le vote des femmes il y a eu beaucoup de mouvements qui ont lutté pour la parité dans ce domaine, et également pour l’établissement de ce que l’on appelait la  » sociale  » pour certains c’est péjoratif, bien sûr cela avait un dimension très positive et optimiste.

Question 2

Peut-on préciser ce qu’était le Front National pendant la dernière guerre ?

Claire Andrieu : Le Front National a été créé par étapes, d’abord en 41 mais ça n’a pas été suivi d’effet et puis en 42 par le parti communiste dans une optique de rassemblement des Français, la propagande disait  » du paysan au châtelain, du patron à l’ouvrier « , une idéologie de rassemblement diffusée par le parti communiste pour amener le plus de gens dans la Résistance y compris des conservateurs y compris l’ennemi de classe, encore une fois dans l’idée de lutter le plus possible contre les nazis et de favoriser l’ouverture du deuxième front pour soulager l’URSS. Le Front National de sa création en 41/42 à sa disparition vers 1949, est un mouvement interclassiste comme on dit en langage marxiste d’inspiration résistante créé et dirigé par le parti communiste. Il était dirigé par Pierre Villon qui était son représentant au Conseil National de la Résistance qui était une très forte personnalité.

Question 3

Une élève du Lycée Gérard de Nerval

Je voudrais savoir quelle est la différence entre les réseaux et les mouvements ?

Claire Andrieu

C’est une différence qui vient après la naissance de l’organisation en question c’est une catégorisation, on réserve le terme de réseau à une organisation qui soit collecte du renseignement que par radio on envoie à Londres soit au BCRA qui travaille pour la France Libre soit à l’Intelligence Service, et autre sens du mot réseau c’est la filière d’évasion pour aider les résistants très menacés soit les soldats anglais ou les aviateurs alliés tombés au sol de France et que l’on aide à passer, en général par les Pyrénées, pour rejoindre Londres donc reprendre le combat. Les mouvements, on a donné ce nom à des organisations qui font aussi un peu de réseaux d’évasion et un peu de renseignement, mais qui s’occupe de faire surtout de la propagande par leurs journaux clandestins et au début, au moins jusqu’en 1943 qui organisent une action armée, voire des sabotages. Après avec la création du Conseil National de la Résistance la tendance a été de tenter de séparer l’action armée de l’action de propagande. Mais dans les conditions de vie des Résistants cela a été plus formel que réel.

  1. Jean Matteoli Un exemple de réseau, j’appartenais, pas immédiatement parce qu’il s’est créé en 1940/41 à un réseau qui s’appelait  » le bureau des opérations aériennes  » que l’on appelait à l’époque le BOA, et qui avait en charge précisément tout ce qui touchait aux problèmes de l’air, les parachutages par exemple faisaient parti du BOA. Et ils étaient chargés d’organiser et de commander les parachutages, qui étaient pour la Résistance quelque chose d’extrêmement important puisque leur armement dépendait de la bonne qualité des travaux du bureau des opérations aériennes. Je pense que votre définition, chère Madame, était parfaite car les réseaux avaient une activité orientée vers des actions très précises, très concrètes, alors que les mouvements englobaient des pensées orientées certes vers la Résistance cela va sans dire mais pas vers quelque chose de concret comme le faisaient les réseaux.

Réponse de Charles Pot

C’est très simple, je prends pour exemple notre  » mouvement Libération Nord  » qui fut créé en octobre 1940 ainsi que notre journal  » Libération  » le 1er décembre 1940 et qui parut sans discontinuer jusqu « en août 1944 ( 191 numéros).

12  » pères fondateurs  » composaient le premier embryon de ce qui allait devenir le premier mouvement de la zone Nord, à savoir 9 syndicalistes de la C.G.T. (confédérés de Léon Jouhaux) parmi lesquels Christian Pineau, Albert Gazier, Robert Lacoste, Pierre Neuemayer, Charles Laurent, Oreste Capocci ainsi que 3 syndicalistes C.F.T.C. appartenant à la tendance du Sillon de Marc Sagnier : Gaston Tessier, Maurice Bouladoux, et R. Vandeputt, auxquels vinrent se joindre quelques semaines plus tard leurs amis Paul Verneyras, Gaston Huet, Alain Poher puis d’autres encore émanant des milieux journalistiques, philosophiques, militaires, politiques. Puis plus tard des réseaux épars qui s’étaient constitués comme Eleuthère, Brutus, ou bien créé à la demande du Général de Gaulle tels que : Cohors-Asturies dirigé par Jean Cavaillès et Phalanx également dirigé par Christian Pineau lui-même. D’autres groupes vinrent également se joindre au mouvement, à Paris  » Police et Patrie « ,  » Les Cloches des Halles  » et le célèbre groupement  » Maximilien-Fer  » dont je suis le Président d’honneur.

Question 4

Elève de terminale à Blomet

Nous avons étudié la charte sociale de Vichy et la Révolution Nationale Monsieur Mattéoli affirmait qu’à la Libération on avait le sentiment de ne pas avoir perdu son temps. Je voulais savoir s’il y avait aussi un héritage de Vichy aussi et s’il y a des liens avec l’héritage social de la Résistance.

Claire Andrieu

C’est une très bonne question il y a des pratiques mises en place par le régime de Vichy qui se sont perpétués mais transformées, renommées, rebaptisées par la Libération, car quand il s’agit par exemple de l’aide sociale aux travailleurs il n’y a pas 36 façons d’aider un salarié en difficulté, quand il s’agit d’organiser le ravitaillement dans un pays dont la production agricole est réduite à la moitié de la normale il n’y a pas aussi 36 façons d’aider les salariés a avoir des suppléments je crois que le meilleurs exemple de continuité pratique mais pas idéologique c’est entre les comités sociaux et une partie des activités des comités d’entreprise. Les comités sociaux de la charte sociale du travail étaient dans leurs parties intéressantes et effectives pour les salariés surnommés les comités patates cela dit bien ce que cela veut dire. A la Libération quand on a créé les comités d’entreprise ils avaient les oeuvres sociales dans leurs activités, et les oeuvres sociales à la Libération cela voulait dire  » aider les gens à manger « . C’est à dire faire labourer un carré, si l’on est à Paris, dans la banlieue, de façon à pouvoir distribuer dans l’entreprise des suppléments de rations. Là il y a une continuité pratique liée à la continuité des problèmes qui est aussi liée au fait qu’il peut y avoir alliance objective entre le paternalisme social (c’était le cas du régime de Vichy) et l’action sociale au sens socialiste du terme encore une fois au niveau des pratiques les problèmes à résoudre sont similaires. Après ça il y a l’esprit dans lequel on le fait qui peut être complètement différent. C’est à dire que sous Vichy il n’y avait pas de liberté syndicale, c’était le syndicat unique et obligatoire et il n’y avait pas au sein du syndicat de liberté d’expression. Evidemment la République a rétabli la liberté syndicale ce qui change le cas de figure.

Patrick BAUDOUIN et Jean MATTEOLI

Monsieur Patrick Baudouin député-maire de Saint Mandé

La Résistance, celle des Français Libres et celle des combattants de l’Intérieur a été une épopée héroÏque. Son histoire ne saurait cependant se réduire à cela.

La défaite de 1940 s’est traduite par une crise morale.

L’Allemagne nationale socialiste ne triomphait pas seulement par les armes.

Les victoires successives du Reich propageaient aussi une idéologie qui se voulait un ordre nouveau, le remplacement du vieux concept de démocratie, mûri lentement au cours du 19éme et de la première moitié du 20ème, par une société nouvelle. Le régime de Vichy issu de la défaite s’emparait de cette thèse et élaborait une nouvelle politique qui se voulait l’antithèse d’un système de démocratie parlementaire rendu responsable de l’effondrement de notre défense et de la Nation.

La défaite de 1940 a été lourde, humiliante pour tous ceux de nos proches anciens qui l’ont vécue. Pourquoi avons-nous connu un tel désastre ? Quelles en furent les conséquences ?

Avant de commencer mon exposé, je voudrais présenter quelques remarques.

Je vous dirais, tout à l’heure, pourquoi je dédierai ces propos à un jeune garçon.

Je voudrais insister sur le fait que, lorsque nous parlons de cette période de 1940, nous évoquons tous ceux qui se sont levés, après ces 140.000 soldats de l’armée française tombés durant la  » Campagne de France « , et qui méritent notre hommage.

Des grands-pères, des oncles et des tantes pour vous, car des femmes aussi sont tombées, mais il ne faut pas oublier qu’alors, ils avaient vos âges ou nos âges.

Quand ils sont entrés dans la Résistance – et parler aux côtés du Président MATTEOLI est un très grand honneur – il faut rappeler qu’ils avaient 16, 17, 18, 19 ou 20 ans, et ils ont rejoint le Général de Gaulle ou tous les mouvements de Résistance qui ont été évoqués tout à l’heure. Je pense que, sur ces bancs, certains d’entre eux pourraient en témoigner.

Avoir votre âge et se lancer dans une aventure qui est celle d’un engagement personnel, celle de regarder la mort en face, cela demande du courage. Je crois que si ce colloque à un intérêt fort, c’est que nous parlons non seulement de la guerre, de la bataille, du combat, mais aussi de ce à quoi ces hommes et ces femmes pensaient au-delà de la guerre.

Cette sorte de dualité qui inspire ce colloque est assez extraordinaire et c’est, à titre personnel, ce qui m’a toujours intéressé lorsque j’étais jeune.

Ici, je voudrais revenir à ce jeune dont je vous parlais il y a un instant et auquel je voudrais – si vous le permettez – dédier mon intervention. Il s’appelait Mathurin HENRIOT, il avait 13 ans et demi – nous avons tous un frère, une sueur, une nièce, un petit-neveu, … – il a été fusillé en 1944 en Bretagne parce qu’il a refusé de dire où étaient partis ses parents pour ravitailler le maquis de Saint-Marcel. Treize ans et demi, imaginez le regard de cet enfant, qui aurait pu être le vôtre ou le mien, qui regarde le chemin par lequel étaient partis ses parents, derrière la haie. Les parents ne sont pas revenus et il n’a rien dit parce qu’il y avait quelque chose de supérieur qui le rendait muet.

Ce supérieur, c’est ce don des résistants, des déportés, des combattants, des femmes et des hommes qui l’ont fait chacun suivant son chemin.

Ils venaient de toutes les familles culturelles, philosophiques, politiques, de tous les engagements possibles. Ils se sont levés parce qu’ils avaient autre chose à dire et, en tout premier, non à l’humiliation.

Permettez-moi de rappeler que c’est le 11 novembre 1940 que des jeunes lycéens et étudiants parisiens se sont rassemblés, place de l’Étoile, et ont déposé une croix de Lorraine bleue sur le tombeau du soldat inconnu. Ils avaient 17, 18 ou 19 ans !

Je suis pour ma part très heureux de pouvoir parler devant vous de ce que j’ai ressenti personnellement de cette époque et de ce que je ressens toujours parce que j’en suis, comme vous, tributaire, et je reviens à mon propos.

La Résistance, celle des Français libres et celle des combattants de l’intérieur, a été une période héroÏque. Son histoire ne saurait, cependant, se réduire à cela.

Ceux qui refusaient de rendre les armes ne pouvaient se contenter de mener le combat armé contre l’Allemagne. Ils devaient aussi prouver qu’ils se battaient pour le triomphe d’une conception nouvelle de la société.

Une société dont le but était la promotion de l’individu dans la Liberté, l’Égalité et la Fraternité.

A côté de la lutte armée, oh combien importante et permanente, pendant ces 5 ans d’occupation, il fallait conduire une lutte intellectuelle pour restaurer un régime politique fondé sur la démocratie libérale rénovée pour ne plus être à la merci du totalitarisme quelle qu’en soit la forme.

Cette lutte a été commune à tous les résistants, elle a conduit à l’adoption du programme du Conseil National de la Résistance élaborée par toutes les forces politiques et sociales unies dans ce comité.

Engagé dans la vie politique comme gaulliste, et cela depuis mon plus jeune âge, je me suis posé la question de savoir le rôle que pouvait avoir joué dans cette élaboration du programme social de la Résistance, le Général de Gaulle.

S’il est bien le chef reconnu de la Résistance, il est à l’extérieur du pays. II mène le combat armé contre l’Allemagne et le combat politique pour que la France soit toujours présente dans le concert des alliés. Avait-il eu seulement le loisir de se poser la question de la réforme à venir ?

Certes, nous savons qu’il avait déjà à l’époque une idée de la rénovation future de l’État politique, mais la question sociale était-elle dans son esprit ?

Je me suis replongé dans les textes de guerre qu’il a prononcés ou rédigés. Ma surprise a été grande.

Dès 1940, avec cette rectitude de pensée, qui le caractérise et qui va de l’analyse des faits à l’élaboration des solutions souhaitables, il se penche immédiatement sur la question sociale et la place qu’elle devra tenir dans la reconstruction du pays.

Je vous livrerai le fruit de cette recherche en regroupant la pensée du Général en ce domaine autour des trois thèmes qui sous tendent sa démarche intellectuelle

Le premier : l’inadaptation sociale de notre société est un des facteurs de notre défaite en 1940.

Le deuxième : la guerre, contrairement à ce que je pensais moi-même, n’est pas seulement militaire, elle est idéologique, et la conception de l’organisation sociale de la société est un des enjeux du combat.

Le troisième : il est nécessaire et possible d’organiser la société pour que l’égalité et la liberté coexistent dans un système qui assure la fraternité entre les femmes et entre les hommes.

Concernant l’inadaptation de notre structure sociale, un des facteurs de notre défaite, ce que je pense, le Général de Gaulle l’évoque au travers de nombreux discours ; souvent en contrepoint de ses propositions.

Ainsi, le 15 novembre 1941, (on pourrait imaginer qu’il pense à autre chose qu’à l’organisation sociale de notre pays occupé), au Albert Hall, il affirme : « Nous tenons pour nécessaire qu’une vague grondante et salubre se lève… et balaie la cause du désastre… « 

Le 1er avril 1942, toujours à Londres : « Je dois dire que les gens se figurent pouvoir retrouver après la guerre une France politiquement, socialement, mentalement, pareille à celle qu’ils ont connue, ils commettent alors là une erreur profonde. « 

Le 18 juin 1942, toujours à Albert Hall : « … il ne serait pas acceptable que la terrible épreuve laisse debout un régime social et moral qui a joué contre la nation ». Ici, je vous demande d’y réfléchir et de l’étudier avec vos professeurs.

Le 30 avril 1942, à la Radio de Londres : « La France sait aussi ce que lui coûte un régime social et moral sclérosé dans lequel la patrie se vit successivement négligée par des masses exploitées, puis trahie par des coalitions de trusts et de gens en place ». Ce sont des mots forts et durs.

La reconstruction d’une société socialement plus juste est donc un des buts de guerre du Général de Gaulle, mais cette reconstruction implique, pour lui, l’édification d’un système social totalement intégré au modèle démocratique dont la France est porteuse depuis 1789.

Le Général de Gaulle n’est pas un homme politique, dans le pur sens du terme. Jusqu’en 1940, c’est dans le cadre institutionnel de la IIIème République qu’il a avancé des idées stratégiques, fruits de la réflexion d’un homme de guerre.

Il n’a pas réussi à les faire accepter en raison d’une certaine sclérose politique et sociale ambiante.

Il prend conscience, maintenant, qu’il ne s’agit pas d’un défaut d’évolution, mais de l’absence de prise de conscience de la révolution qui secoue le monde depuis le début du siècle de l’industrie.

Le combat à engager est un combat sur la conception de l’homme dans le monde technique et économique.

Il expose de manière magistrale dans un discours prononcé à l’Université d’Oxford, le 1er avril 1942 : « Il faut convenir, en effet, que dans l’époque moderne la transformation des conditions de vie par la machine, l’agrégation croissante des masses et le gigantesque conformisme collectif qui en sont les conséquences, battent en brèche les libertés de chacun. Dès lors que les humains se trouvent soumis pour leur travail, leurs plaisirs, leurs pensées, leurs intérêts à une sorte de rassemblement perpétuel, dès lors que leur logement leurs habits, leur nourriture sont progressivement amenés à des types identiques, dès lors que tous lisent en même temps la même chose dans les mêmes journaux, voient, d’un bout à l’autre du monde, passer sous leurs yeux les mêmes films, entendent simultanément les mêmes informations, les mêmes suggestions, la même musique radiodiffusée, dès lors qu’aux mêmes heures les mêmes moyens de transport mènent aux mêmes ateliers ou bureaux, aux mêmes restaurants ou cantines, aux mêmes terrains de sport ou salles de spectacle aux mêmes buildings, blocs ou courts, pour y travailler, s’y nourrir, s’y distraire et s’y reposer, des hommes et des femmes pareillement instruits, informés, pressés, préoccupés, vêtus, la personnalité propre à chacun, le quant à soi, le libre choix n’y trouvent plus du tout leur compte.

II se produit une sorte de mécanisation générale dans laquelle, sans un grand effort, l’individu ne peut manqué d’être écrasé.

Et d’autant plus que les masses, loin de répugner à une telle uniformisation, ne laissent pas au contraire d’ y pousser et d’ y prendre goût. « 

Vision prophétique des temps modernes, exposée il y a soixante ans.

Question toujours d’actualité.

Le choix est clair aux yeux du Général

Par Hitler, le débat est ouvert entre le totalitarisme qui se fonde sur la massification et la société de la liberté

 » La victoire sur l’Allemagne ne résoudra rien, les démocraties doivent inventer des modes de rapports sociaux qui empêchent le retour de la tentation totalitaire.  » et il conclu son discours : « Le parti de la liberté, au milieu de l’évolution imposée aux sociétés par le progrès mécanique moderne doit parvenir à construire un ordre tel que la liberté, la sécurité, la dignité sociale de chacun y soient exaltées et garanties, au point de lui paraître plus désirables que n’importe quels avantages offerts par son effacement. On ne voit pas d’autres moyens d’assurer en définitif le triomphe de l’esprit sur la matière « .

Visionnaire, certainement, le Général de Gaulle l’a été sur bien des sujets de la réforme des institutions à l’Europe. Mais, à la différence de bien d’autres, c’est un visionnaire pratique, pragmatique, réaliste.

Le problème posé, il recherche immédiatement les solutions.

A travers toute une série de discours de 42 à 45, il trace l’architecture de la réforme sociale qui doit accompagner la reconstruction de l’Etat républicain.

La solution pour lui va reposer sur trois grandes réformes

L’application du principe de la liberté opposée à la toute puissance de l’Etat.

La nécessaire coopération de toutes les catégories sociales dans la gestion de la société. Tous ont droit à participer à celle-ci.

Le rôle éminent de l’Etat comme garant du système et non comme unique expression de celui-ci.

Il disait, le 18 Juin 1942, aussi :  » A l’abri de l’indépendance, de la sécurité et de la grandeur nationale retrouvée, la France veut que soient assurées et garanties à chaque Français, la liberté, la sécurité, la dignité sociale. « .

Dans des journaux clandestins, en juin 1942, il déclare ceci :  » …chacun doit être libre de sa pensée, de ses croyances, de ses actions, que chacun ait, au départ de son activité sociale, des chances d’égalité, soit respecté par tous et aidé s’il en a besoin. « .

En affirmant le principe de liberté, le Général de Gaulle ne songe pas à un quelconque libéralisme sauvage.

Il le fait reposer au contraire sur l’association volontaire de tous pour gérer volontairement l’ensemble de la société.

La liberté politique implique la participation des citoyens au pouvoir par l’exercice de la démocratie.

La liberté sociale et économique ne s’établira que par la participation de chacun à la gestion de la société.

Les deux démarches dans son esprit sont complémentaires et elles sont la garantie de l’autonomie de l’individu et du refus du totalitarisme.

Dans un discours à la Radio de Londres, le 4 février 1943, il montre qu’il est nécessaire que  » Les libres groupements de travailleurs et de techniciens soient associés organiquement à la marche des entreprises, telle est la féconde réforme dont le pays renouvelé voudra doter ses enfants « .

Ce sont naturellement les futurs comités d’entreprises dont on a parlé tout à l’heure, mais lui en parle dès le 4 février 43.

Cette affirmation sans ambiguÏté d’assurer la participation de tous, il la martèle sans arrêt en fustigeant cette absence de coopération sociale qui a accru les égoÏsmes et affaibli la Nation.

Pour couronner et garantir l’ensemble de la construction qu’il ébauche, le Général de Gaulle impartit un rôle de premier plan à l’Etat. Non pas un Etat totalement gestionnaire comme l’Etat nazi, mais un Etat protection de la liberté de chacun et garant de l’intérêt national, c’est-à-dire qui s’occupe des missions régaliennes : l’éducation, la santé, la sécurité, la justice et la défense.

Il développe ces conceptions tout au long des années de guerre. L’Etat doit être légitime, indépendant et souverain.

Le 11 novembre 1942, à l’Albert Hall, une fois de plus, il affirme ce rôle nouveau de l’Etat :  » La France, conclut-il, a la nécessité d’établir une démocratie nouvelle telle que la souveraineté du peuple puisse être exercée totalement par le suffrage universel et telle que le pouvoir chargé de diriger l’Etat ait les moyens de le faire avec force et continuité « .

Ainsi, durant toute la guerre, le Général de Gaulle apportera sa pierre personnelle à la réflexion que la France résistante avait entreprise sur la grande réforme sociale qui devait, à la Libération, accompagner la réforme politique et institutionnelle.

De nombreux chercheurs ont essayé de déterminer les sources de son inspiration. Certains ont évoqué le christianisme social, d’autres l’influence de certains de ses proches socialistes. Je pense, pour ma part, qu’il a cherché, comme on le connaît, à exister lui-même, c’est-à-dire à prendre de la hauteur et avoir une réflexion originale et personnelle.

C’est la réflexion d’un homme dont la carrière, par nature, l’a conduit à atteindre des objectifs en utilisant le meilleur des hommes qu’il devait conduire à la bataille, c’est-à-dire le meilleur de nous tous.

C’est sans doute ce qui fait que sa réflexion sociale, pendant la guerre, est marquée à la fois par l’humanisme : c’est par et pour les femmes et les hommes que la réforme s’accomplira, et par le pragmatisme : il ne suffit pas d’imaginer les solutions, il faut les traduire dans les faits.

Dès l’arrivée du gouvernement provisoire à Paris, le Général de Gaulle s’engage dans l’action sociale.

Mme Andrieu et d’autres en ont parlé tout à l’heure.

Elle prend trois formes qui seront et demeurent encore, malgré l’évolution de la société, les bases de notre système social actuel

La rénovation des rapports sociaux avec la création des Comités d’Entreprise qui associent les travailleurs à la gestion de leur outil de travail. La mise en place de la Sécurité Sociale qui doit garantir tout un chacun contres les aléas de la vie.

La nationalisation d’un certain nombre d’entreprises. Ce n’est pas ici une position de principe mais, à l’époque, une nécessité absolue pour reconstituer l’Etat qui, naturellement, a complètement été désorganisé, détruit et doit trouver les moyens de lui permettre de jouer son rôle de maître de la reconstruction de la Nation Française. Elle ne s’oppose pas à la libre entreprise, bien au contraire. C’est d’ailleurs son discours devant l’Assemblée Consultative, ici même, le 2 mars 1945.

Aujourd’hui où la France est confrontée à la mondialisation, à la crise d’un certain libéralisme, aux conséquences souvent brutales de la révolution technique, aux tendances au populisme qu’entraînent ces modifications, la pensée du Général de Gaulle peut encore servir de guide.

C’est la raison pour laquelle, si je ne suis pas un gaulliste historique naturellement, je suis un gaulliste d’admiration pour la grandeur de la pensée de l’homme qu’il a été, pour la pensée de l’homme qu’il représente, et je voudrais vous dire que s’il y a un acquis de la Résistance aujourd’hui et bien c’est vous !

Monsieur Bernard Vivier Vice Président de la CFTC

Membre du Conseil économique et Social

La causerie que vous me demandez me fait revenir en mémoire un souvenir récent. Il se trouve que, il y a peu je suis allé à Moulins sur Allier vider une maison de famille où j’ai trouvé les traces matérielles d’un engagement que ma grand-tante avait eu dans des instances de la Résistance à Moulins sur Allier- sur la ligne de démarcation – quand nous étions enfants nous entendions notre père imiter avec l’accent germanique, les soldats préposés au contrôle :  » Moulins sur Allier Cartes d’identité « . Nous entendions notre oncle ironiser sur les  » Boches « , comme il disait, ce n’était pas très gentil à l’époque, mais il avait été interné 5 ans en Silésie. Près de Moulins dans une autre maison de famille (celle de mon grand père) Jean Moulin avait même à un moment envisagé d’y mettre une cache d’armes. Nous avons découvert ce que notre grand-tante avait fait, dans la Résistance et cela nous a émus. Elle était très amie avec Agnès Bidault soeur de Georges Bidault un grand Résistant, nous avons été vraiment troublé. Cela m’a rapproché des activités que j’ai sur le plan syndical à la C.F.T.C. ; il y a 3 ans nous avons fait paraître, j’en avais eu la charge, un livre chez Perrin qui s’appelle  » le syndicalisme chrétien sous l’occupation « , d’une universitaire de Lyon un des grands foyers de la Résistance, une étudiante de 25 ans qui avec le Professeur Fouilloux, une préface de Michèle Cointet, a fait un excellent travail sur le syndicalisme chrétien sous l’occupation. Evidement d’autres courants syndicaux se sont exprimés sur le sujet : si vous pouvez lire la plaquette de Robert Bothereau, qui a été secrétaire général de Force Ouvrière, qui s’intitule  » le syndicalisme dans la tourmente 40-45  » lisez-la c’est une excellente petite plaquette.

J’ai moins de 50 ans donc j’ai beaucoup entendu parler de Résistance de la part de militants syndicaux, et des militants comme Paul Veyneras, Armand Huet, Jacques Tessier (qui me parlait de son père Gaston Tessier), Tony Masson toujours vivant à Lyon, qui s’était rendu le lendemain de l’exécution de Gilbert Drut sur la Place Bellecourt, un militant Jeciste, avec Francis Chirat militant de la CFTC. Tous ces militants m’ont raconté leur histoire avec beaucoup de modestie. Finalement je voudrais vous rendre compte de l’état d’esprit dans lequel se trouvaient les militants syndicaux à cette époque là , et probablement ce qui les a marqués après la Libération et ce qui aujourd’hui constitue l’héritage qu’ils nous ont donné. C’est le sujet que vous m’avez demandé de traiter.

Le syndicalisme en 1939, 1940 était déboussolé, il ne savait pas où aller, il était perdu, il était évidemment marqué par les difficultés économiques du moment, le Front Populaire avait été un moment où il y avait eu beaucoup d’adhésions syndicales, Dans notre histoire sociale la France a connu deux grandes périodes de syndicalisation, le Front Populaire et la Libération. Mais après le Front Populaire il y a eu le contre coup du Front Populaire, le mouvement syndical a été désabusé, les difficultés économiques, le chômage est revenu et du coup la mobilisation syndicale a faibli les adhérents ont quitté les rangs de la CGT, de la CFTC et les militants étaient déboussolés, ainsi que par la perte de confiance que notre pays avait par une situation politique floue. L’illustration est que le maréchal Pétain est arrivé au pouvoir avec des votes qui lui ont été donnés par des représentants du peuple, pas tous mais la proportion était tristement écrasante. Le mouvement syndical était également traversé en 1939 par l’activisme que menaient en son sein les militants communistes. La branche majeure du syndicalisme la CGT avait été créée en 1895 elle avait déjà connue deux scissions et une réunification. Une scission en 1921 et une réunification en 1936 et une nouvelle scission en 1939 à chaque fois pour les mêmes raisons. Les militants politiques du parti communiste se sont imaginés de faire du mouvement syndical un instrument au service de ce parti, lui-même au service d’une puissance étrangère. Nous savons bien que le parti communiste a été pendant toute cette histoire non pas à gauche, non pas à droite, mais comme l’a dit plus tard Guy Mollet  » le parti communiste n’est ni à gauche ni à droite il est à l’Est « . Donc on avait cette situation d’un activisme communiste qui donnait des consignes aux militants communistes à l’intérieur de la CGT de ne pas s’engager dans la Résistance. Cela a été une épreuve très dure puisque les militants communistes ont passé 40% de leur temps de la dernière guerre mondiale à ne pas faire de résistance puisqu’ils n’ont pas été dans la Résistance du 23 août 1939 (le pacte Hitler-Staline) jusqu’au 22 juin 1941 c’est à dire l’invasion de l’Union Soviétique par les troupes hitlériennes. Les militants syndicaux ne savaient pas très bien où se positionner, l’entrée en Résistance n’a pas toujours été facile. Les mots d’ordre du parti communiste n’étaient pas les seuls à troubler les esprits. Au sein même du mouvement syndical des militants ont choisi la collaboration. A la CFTC il y en a eu (l’affaire Peres) à la CGT aussi le numéro deux de la CGT (René Belin, est devenu ministre du Travail du maréchal Pétain). Alors vous imaginez bien les militants syndicaux chez eux, dans leurs syndicats, troublés, ne sachant pas où était l’autorité, où était la légalité, la légitimité, cherchaient vers qui s’adresser, à qui faire confiance. Et donc c’est en novembre 40 véritablement lorsqu’il y a eu la dissolution de la CGT, de la CFTC mais aussi de la CGPF, le patronat de l’époque, que les militants syndicaux ont réagi. Il y avait évidemment des actes isolés et si l’un d’entre vous a rappelé tout à l’heure qu’il y a eu un dépôt de gerbes sous l’Arc de Triomphe, il y avait des militants syndicaux qui s’étaient engagés dans des actes isolés. La CGT et la CFTC se sont très vite retrouvées, parce que dans l’épreuve et cela a été un des points forts de ce que la Résistance a apporté au mouvement syndical c’est une reconnaissance et une estime réciproque entre des courants syndicaux CGT et CFTC qui jusqu’alors s’ignoraient et parfois même se détestaient. Il y a eu en novembre 40 un premier manifeste, traduit ensuite par un comité d’études économiques et sociales. Quand les choses ont évolué, quand la Charte du travail a dissous les confédérations, quand une nouvelle organisation est née, quand il s’est agi pour les militants syndicaux d’entrer dans le système fasciste de la corporation, les militants syndicaux ont réagi de façon forte. Ils sont entrés en Résistance de façon individuelle et de façon organisée. De façon individuelle en participant comme citoyen, comme travailleur à des actions de Résistance. Armand Huet que l’un d’entre vous connaît, était cheminot dans la région de Caen, j’ai eu l’occasion de parler avec lui, il est retiré à Cannes aujourd’hui, il racontait le réseau dans lequel il était, c’était à la fois modeste et glorieux. Modeste parce qu’il transmettait des informations, il fallait tous les matins essayer de repérer les informations utiles qui allaient être transmises par un réseau à Londres. Glorieuse aussi parce que c’était une gloire intérieure, c’est une gloire que l’on avait pour soi, on savait que l’on contribuait à une action bonne pour le pays.

Des informations transmises à Londres, un refus du service travail obligatoire, une aide également aux personnes pourchassées, persécutées, au premier rang desquelles les frères juifs qui étaient persécutés et puis un peu plus tard l’entrée dans les maquis. Donc une action sur le terrain, et puis également une action dans la Résistance plus coordonnée. Au Conseil National de la Résistance en mai 1943 les syndicalistes siègent, ça a été rappelé tout à l’heure par Madame Andrieu, Gaston Tessier pour la CFTC, Louis Saillant pour la CGT, il y a eu une présence forte de militants syndicaux. Et je reviens là dessus une fraternité d’armes et c’est le fait le plus important qui a eu deux conséquences. D’abord à l’intérieur de la CGT les communistes et les non communistes se sont retrouvés et en avril 43 dans une petite maison au Perreux en région parisienne, les deux tendances communiste et non communiste de la CGT se sont entendues, (il n’y a eu pas de texte signé mais on parle toujours de l’accord du Perreux), pour qu’à la Libération la CGT réapparaisse unifiée, et c’est ce qu’elle a été à la Libération. Le grand point de cette Résistance ça été de se faire se retrouver des personnes qui s’étaient déjà déchirées deux fois, qui venaient de vivre des drames, qui avaient des raisons de vivre ces drames là et qui dans la lutte contre l’occupant s’étaient retrouvées.

Le deuxième point fort ce sont non pas les retrouvailles mais la reconnaissance respective entre la CGT et la CFTC . La CGT a toujours été, je vous l’ai dit tout à l’heure, le grand mouvement syndical. La CFTC avait sa petite place et il y a eu une fraternité d’armes dans les maquis où les militants se sont découverts se sont rencontrés, ont observé finalement qu’il n’y avait pas l’abominable communiste et l’abominable curé mais des militants dans l’action et par delà les idéologies ou les doctrines il y a eu une reconnaissance mutuelle de l’engagement des autres. Cette reconnaissance mutuelle nous l’étudions encore tous les jours, je suppose que vous avez en tête ce poème de Louis Aragon, dédié à comme vous le savez à Gabriel Peri et d’Estienne d’Orves : un militant communiste et un militant de la Droite à Guy Môquet un jeune militant communiste et Gilbert Drut un jeune militant de la jeunesse étudiante chrétienne.

Nous connaissons ce poème je vous en lis juste quelques petits passages : Le premier c’est le passage de l’intérêt à agir ensemble, de la lutte commune :

 » Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyais pas « 

Quand l’ennemi est là, quand le pays est occupé, fou qui fait le délicat, on y va, on fonce. Les militants syndicaux ont souvent cette tripe militante : ils réfléchissent après, mais ils y vont et ça été finalement le bonheur de notre pays. Et puis cet espoir d’une période meilleure qui fait qu’Aragon termine son poème ainsi :

 » Pour qu’à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n’y croyait pas L’un court et l’autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L’alouette et l’hirondelle La Rose et le Réséda « 

Cette poésie d’Aragon  » la Rose et le Réséda  » dit bien en quoi le devoir a pris ces militants aux tripes.

A la Libération le syndicalisme réapparaît prestigieux parce qu’il s’est engagé dans les actions quotidiennes parce qu’il a su siéger dans les instances nationales de la Résistance. Il a fait le lien avec l’Algérie, avec Londres, avec les Anglais, avec les Américains, avec l’ensemble des forces de Résistance, à la Libération le phénomène d’adhésion est massif. Mon père en syndicalisme Jean Gruat, m’a raconté comment jeune permanent au syndicat des employés parisiens, il n’arrivait pas à fournir assez de cartes d’adhérents aux travailleurs qui venaient adhérer à la CFTC à la Libération. C’était pareil à la CGT. Vous imaginez aujourd’hui, c’est impossible ! Avec le taux de syndicalisation misérable, on n’en est pas là ! Le syndicalisme a contribué à restructurer le pays. Evidement la présence de militants syndicaux à l’Assemblée consultative provisoire, dans les instances les plus élevées du pays ont fait que les syndicalistes ont eu de belles heures de gloire. Leur influence a été forte sur les réalisations sociales de la Libération, lorsque les députés, le général de Gaulle, les partis politiques ont mis en oeuvre les nationalisations, la sécurité sociale, les comités d’entreprise. Il a fallut ensuite gérer tout cela au quotidien et les militants syndicaux s’y sont employés d’autant mieux qu’ils avaient inscrit ce projet là dans le programme du Conseil National de la Résistance, que cette Libération de la France et cette reconstruction de la France était la leur. La fraternité entre militants ne s’est pas achevée. Hélas très vite les difficultés ont repris, le noyautage communiste qui a débouché sur la scission de la CGT en 47 et la création de Force Ouvrière en avril 48, ce noyautage a produit ses effets très vite en 44 et 45, mais il en resté une fraternité d’armes. Des réalisations communes entre C.G.T. et C.F.T.C. étaient entreprises (par exemple c’est peu connu une association comme Tourisme et Travail).

Que reste-t-il aujourd’hui de cette période sur le syndicalisme ? Il en reste deux réalités fortes. Tout d’abord l’attachement non exprimé mais très vécu des militants syndicaux à la place que peut, que doit occuper le mouvement syndical, dans la construction d’une paix sociale, et les critères de représentativité qui ont été mis en place à la Libération le 28 mai 1945, réactualisés, en 1966 ces critères de représentativité comportent un cinquième critère ’il y en a cinq- qui était l’attitude patriotique pendant l’occupation. Aujourd’hui, deux générations ont passé, on se dit  » est-ce que ce critère n’est pas un peu dépassé ?  » et nous avons dans les différentes organisations syndicales des débats sur le toilettage nécessaire des critères de la représentativité. Lorsque l’on aborde le cinquième critère nous constatons unanimement que ce critère a fait son temps tel qu’il est exprimé : Attitude patriotique pendant l’occupation, les garçons et les filles qui ont 20 ou 30 ans en 2003 et qui créent un syndicat, évidement si on leur demande :  » qu’avez fait pendant l’occupation ?  » ils n’ont pas de mal à dire que leur attitude était claire et nette !. Mais derrière ce critère il y a bien évidemment l’attachement à une indépendance par rapport à des idéologies néfastes, par rapport à des partis politiques néfastes et on voit bien aujourd’hui la nocivité de comportements qui travailleraient les émotions collectives et qui ne feraient pas appel au sens des responsabilités. L’inscription de ce critère aujourd’hui d’une façon ou d’une autre même renouvelée apparaît aujourd’hui un élément important. Nous sommes en 2002, vous voyez ce débat n’a pas cessé.

Le deuxième point, c’est le point concernant les activités les réalisations sociales, les institutions sociales à travers les comités d’entreprises, à travers les CHSCT, à travers les actions de participation, à travers toutes les instances de protection sociale, de sécurité sociale, à laquelle sécurité sociale, le mouvement syndical est très attaché parce que c’est une oeuvre de solidarité entre travailleurs et entre catégories sociales, et également entre classes d’âge.

Nous avons là, le sentiment très clair que le mouvement syndical assure une continuité et est un véritable outil de paix sociale.

Monsieur le bâtonnier François-Xavier Mattéoli.

Pratique des relations sociales à partir de tout ce qui a été construit pendant la guerre dans le programme du Conseil National de la Résistance.

Je voudrais replacer la discussion que nous avons eu dans son cadre juridique mais évidement de manière schématique. Il faut que vous ayez à l’esprit, qu’à la Libération est née une nouvelle constitution, dont le préambule est particulièrement important. Je vous lis quelques articles de ce préambule :le premier simplement pour retracer le cadre de l’histoire  » Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine le peuple français proclame à nouveau que tout être humain sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux, reconnus par les lois de la République « 

Et je vous cite quelques articles qui vous intéressent :

 » Chacun a le devoir de travailler, et le droit d’obtenir un emploi, nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances  » c’est ce qu’on appelle les règles non discriminatoires qui interdisent la discrimination quelle qu’elle soit.

 » Tout homme peut défendre ses droits ou ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix  » C’est le rétablissement des syndicats qui avaient été supprimés sous le régime de Vichy, c’était la charte du travail. Ils avaient été supprimés pour être remplacés par des corporations auxquelles on devait adhérer qu’on le veuille ou non et dans un certain esprit c’est la création du Conseil de l’ordre des médecins, qui est une création de Vichy. C’est l’obligation dès lors que l’on appartient à un métier, à une activité de se réunir pour que soit applicable un certain nombre de règles et notamment des règles déontologiques.

Point très important qui vient ensuite :  » Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui les réglementent « 

Ensuite  » Tout travailleur participe par l’intermédiaire de ses délégués à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises  » c’est à la fois les conventions collectives et c’est aussi la gestion des entreprises c’est dans une certaine mesure les comités d’entreprise sur lesquels je reviendrai.

L’intérêt que ces principes soient de valeur constitutionnelle ne réside pas dans le fait que ce seraient des principes supérieurs, cela réside dans le fait qu’aucune loi, votée par le parlement ne peut être contraire à ces principes. Par exemple s’il prenait l’envie à n’importe quel gouvernement d’avoir un projet de loi supprimant le droit de grève, ce serait impossible, parce que la loi qui serait votée serait déclarée immédiatement inconstitutionnelle par le conseil constitutionnel, vous voyez donc que cela a un intérêt pratique évident.

L’article 1er de la constitution qui nous régit aujourd’hui dit ceci :  » La France est une République indivisible, laÏque, démocratique et sociale « 

Ce n’est pas dans le préambule, mais le préambule de 58 reprend celui de 46, l’article 1er de notre constitution qui est le texte le plus important juridiquement dans notre pays, l’article 1er dit bien que nous sommes une République sociale.

Je crois que je suis en mesure de vous rassurer puisque à peu près la totalité des institutions qui ont été créées à la Libération existe encore.

Elles existent encore, elles ont évolué, mais elles existent, il y a beaucoup d’institutions dans d’autres domaines qui elles ont disparu.

La première celle à laquelle il a été fait référence tout à l’heure c’est la Sécurité sociale, qui a été créée par des ordonnances du 4 et 19 octobre 1945. Il n’est pas utile que je vous dise ce qu’est devenu la sécurité sociale, c’est devenu quelque chose de considérable, qui non seulement assure une sécurité mais aussi participe à une redistribution des revenus, c’est un instrument économique absolument considérable c’est d’ailleurs un instrument tellement considérable que depuis quelques temps le budget de la sécurité sociale fait l’objet d’un examen par le parlement parce qu’il faut que vous sachiez que le budget de la sécurité sociale est devenu supérieur à celui de l’Etat. Ce sont des ressources considérables.

La particularité aussi de cette sécurité sociale comme de tous ces organismes dont je parlerai c’est qu’ils sont gérés par leurs bénéficiaires, cela n’a pas été dit mais c’est très important, la sécurité sociale est gérée par les bénéficiaires, les caisses d’assurance maladie ont à leur tête des syndicalistes, les caisses de retraites, c’est la même chose, les comités d’entreprise, j’y reviendrai, c’est normal, sont cogérés. Mais l’idée qui a prévalue, au moment de la guerre, c’est de s’orienter vers une association du capital et du travail. C’est à dire que ceux qui travaillent dans l’entreprise aient a peu près ou puissent avoir a peu près les mêmes droits que ceux qui sont propriétaires de l’entreprise, c’est à dire les actionnaires.

Vous retrouvez cette idée dans l’intéressement, vous retrouvez surtout cette idée dans la participation, puis vous retrouvez cette idée immédiatement à la Libération dans les nationalisations. La particularité des nationalisations c’est effectivement de redonner le capital d’une entreprise à l’Etat mais sa particularité pratique c’est que dans les conseils d’administration de ces sociétés qu’il s’agisse de régie, qu’il s’agisse de société nationale, ou autres, participent des représentants des salariés, avec voix délibérative ; est-ce encore à la mode ? On y reviendra mais c’est moins sûr, en tous les cas c’est l’idée de l’époque.

La sécurité sociale vous l’avez vu existe encore, le déficit pour cette année ce devrait être de 4 milliards d’Euros. Je crois que c’est un déficit endémique c’est une structure qu’il est difficile de contester et de discuter, toute personne qui envisage un autre système, comme celui de l’assurance et bien c’est une idée qui est très difficile à passer chez nous parce que c’est un système qui a fait ses preuves.

Le régime des retraites, qui est géré par les bénéficiaires, c’est un régime qui subsiste encore même si il y a une disparité entre le service public et le secteur privé, vous avez entendu ce matin que l’EDF admettait une rediscution des avantages acquis à la Libération, au moment de la création de l’EDF. Il y a une rediscution, vous savez que le système actuel des retraites c’est un système par répartition c’est à dire que ceux qui sont actifs qui paient pour ceux qui ne le sont plus, par le biais des cotisations de l’employeur pour 12 % et du salarié pour 10% en gros. Ce système commence à nous poser un certains nombre de problèmes du fait de la pyramide des ages c’est à dire que les personnes qui sont appelées à cotiser sont encore nombreuses, heureusement nous sommes encore un pays à forte natalité, mais heureusement les personnes qui ont vocation à percevoir des retraites vivent de plus en plus longtemps et tant mieux ça coûte nécessairement de l’argent. Nous savons qu’il y a d’autres systèmes qui existent, il y a des systèmes de capitalisation, il y a des systèmes d’assurance, il y a des systèmes de mutuellisation, le problème existe, il est totalement d’actualité puisque dans les semaines qui viennent il y aura sans doute un projet de loi traitant de ce sujet.

L’intéressement et la participation, l’intéressement c’est une idée qui consiste à dire il faut que les salariés puissent percevoir une partie des profits de l’entreprise, mais l’intéressement c’est quelque chose qui n’est pas obligatoire, alors que la participation qui est une idée chère au général de Gaulle qui verra véritablement le jour sous la 5ème République est une idée beaucoup plus directive elle est obligatoire. Elle est maintenant obligatoire dans les entreprises dès lors qu’une entreprise a plus de 50 salariés. C’est un système qui particulièrement intéressant du fait du cumul d’un certain nombre d’avantages qui sont à la fois de nature fiscale c’est dire que la participation est en partie défiscalisée, en partie sociale c’est à dire que les cotisations sociales ne peuvent pas être fondées, avoir pour assiette, cette participation. Tout cela rend la participation particulièrement attractive. C’est aussi intéressant parce qu’elle fait l’objet de manière régulière de négociations qui interviennent entre les syndicats et les employeurs. C’est aussi intéressant parce que cette participation a un caractère aléatoire, c’est à dire qu’il n’y a de participation que quand il y a des résultats. Quand il n’y a pas de résultats il n’y en a pas, donc il est de l’intérêt des deux parties et de l’entreprise, c’est à dire des salariés et l’employeur que l’entreprise fonctionne le mieux possible parce que plus elle fonctionne plus la part participative est importante et donc plus le gâteau est important à se partager.

Les comités d’entreprise, c’est une idée très révolutionnaire , celle d’intéresser à la marche d’une entreprise des gens qui n’en sont pas les dirigeants. Il ne faut pas qu’il y ai d’ambiguÏté sur les termes le comité d’entreprise ce n’est pas la cogestion, dans une entreprise celui qui gère c’est la patron. En revanche l’intervention du comité d’entreprise est maintenant absolument considérable et de plus en plus considérable, les dernières lois en cas de fusion en cas d’OPA, une entreprise à l’obligation d’informer son comité d’entreprise. C’est un organisme obligatoire dans les entreprise de plus de 50 salariés, et c’est un organisme devant lequel l’employeur a un certain nombre de comptes à rendre. Je parle en dehors de la gestion des oeuvres sociales, très importantes dans certaines entreprises les oeuvres sociales représentent des centaines de millions de francs. Mais en dehors de la gestion de ces oeuvres sociales, les comités d’entreprises sont l’objet d’informations et de demandes d’avis, je vais simplement vous lire quelques unes de ces informations et de demandes d’avis :

Les conditions de travail :  » Les conditions de travail doivent être débattues au travers du bilan social tous les ans dans l’entreprise » ce n’est pas anodins les conditions de travail c’est l’organisation du travail, c’est l’organisation du temps de travail, c’est le problème des qualifications, c’est le problème des conditions d’emploi des handicapés, par exemple.

Ensuite les conditions de vie, c’est l’aide au logement, c’est l’aide à la construction, c’est la pratique des sports aidés par l’entreprise. Les congés annuels c’est au niveau du comité d’entreprise que l’on détermine la date des conges annuels, et lorsqu’une entreprise décide de fermer au mois d’août elle ne décide de fermer au mois d’août qu’après en avoir discuté au sein du comité d’entreprise. Il y a les congés particuliers pour un certain nombre d’animateurs et de formations syndicales, etc.

Discussion sur la durée du travail, pas sur la durée légale du travail, mais sur la durée effective du travail et son organisation au sein de l’entreprise et puis c’est l’emploi, c’est l’apprentissage, c’est les conventions de coopération, c’est l’emploi des mutilés, c’est malheureusement pour tous les problèmes en cas de licenciements pour cause économique, c’est aussi la formation professionnelle, c’est aussi l’intéressement, la participation, les plans d’épargne salariale et c’est aussi par exemple la médecine du travail,. Et également plus récemment depuis la loi NRE, nouvelle réglementation économique, c’est l’obligation d’informer ce comité d’entreprise de toute modification subtancielle dans le capital de l’entreprise. Vous voyez donc que le rôle du comité d’entreprise est donc absolument considérable.

Je vous disais tout à l’heure qu’il ne fallait pas confondre la participation des salariés à la vie de l’entreprise avec une cogestion et je m’interrogeais aussi sur l’évolution que l’on pouvait percevoir de cette idée qui avait existé au moment même de la Libération c’est à dire la participation même des salariés à la direction de l’entreprise. Je ne suis pas sur que l’on puisse être aussi optimiste que sur l’autre thème et je ne sais pas si vous avez entendu parler de cette notion de  » gouvernance  » d’entreprise qui est une notion assez anglo-saxonne et qui a pour objet de retirer la réalité du pouvoir dans l’entreprise à une seule personne pour la distribuer sur un plus grand nombre de personnes. C’est aussi l’idée qui est très à la mode, l’idée de transparence, il faut que les participants à la vie de l’entreprise soit parfaitement informés et vous avez tous encore à l’esprit l’affaire  » Enron  » l’affaire  » Wolcom  » qui a eu pour conséquence que le rôle notamment des certificateurs ceux qui vérifient la comptabilité des entreprises, ce rôle va être redéfini dans les semaines qui viennent.

L’idée qui n’est pas nouvelle mais pas si ancienne que ça c’est que l’entreprise n’est plus la propriété de ses actionnaires, c’est une idée qui est totalement finie, il y a véritablement 3 parties au moins dans une entreprise les propriétaires c’est à dire les actionnaires, mais parmi les actionnaires il y a deux types d’actionnaires les majoritaires et les minoritaires il ne vous a pas échappé que ces minoritaires avaient de plus en plus voix au chapitre, il y a ensuite les salariés et les salariés sont ceux qui participent effectivement à la vie de l’entreprise et leur rôle n’est pas accru mais il n’est pas diminué. Toutes les lois de nature économiques prennent toujours en compte l’existence et le rôle du comité d’entreprise, simplement en obligeant une certaine information. Quelque chose qui n’est pas récent mais pas si ancien non plus c’est le rôle du comité d’entreprise quand l’entreprise est en difficulté. Le droit d’alerte dont dispose maintenant le comité d’entreprise, le droit d’alerte c’est la possibilité d’aller trouver le Président du Tribunal de commerce en lui disant  » attention l’entreprise rencontre des difficultés  » et c’est aussi ne pas se contenter de ce que dit le commissaire aux comptes ou l’expert comptable de l’entreprise de pouvoir faire vérifier la réalité de la comptabilité et de l’activité d’une entreprise. Si les salariés n’ont pas le pouvoir de gestion dans l’entreprise, cela est indiscutable, en revanche il est tout aussi indiscutable que les salariés ont un pouvoir de contrôle. Ce pouvoir de contrôle est un pouvoir important parce que certains avis sont obligatoires et il y a la possibilité de recourir de manière assez fréquente aux juges.

Sachez que l’idée de comité d’entreprise qui pourrait paraître franco-française à finalement eu une audience relativement importante puisque le Traité de Maastricht à prévu la création d’un comité d’entreprise européen qui est appliqué depuis une directive communautaire du 22 septembre 1994, et qui tend à améliorer le droit à l’information des travailleurs dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimensions communautaires. C’est très simple de plus en plus les entreprises ne sont pas simplement des entreprises françaises, on le voit à travers la presse, dès lors que leur activité est une activité de dimension communautaire il y a l’obligation de créer un comité européen d’entreprise.

Je dois même vous dire que cette directive a été étendue au Royaume-Uni par une directive du 17 décembre 1997, c’est une directive je n’ai pas encore dis qu’elle avait été transposée. La directive existe, l’obligation virtuelle existe même pour les Anglais d’avoir des comités d’entreprise.

Cette rencontre qu’est finalement le droit du travail et le droit social entre l’économique et le social c’est dans la pratique extrêmement développé. Il y a un certain nombre de juristes dans cette salle, je crois qu’ils ne me contrediront pas, il y a encore très peu de temps le droit du travail et le droit social étaient une discipline mineure, qu’on prenait rarement à l’écrit, qu’on apprenait le plus rapidement possible pour passer les oraux en tous cas ce n’était pas une discipline majeure. Sachez que dans les cabinets d’avocats la branche qui s’est le plus développée et de très loin, ces 10 dernières années c’est le droit du travail et le droit social, plus d’ailleurs le droit social que le droit du travail. En qualité de conseil mais c’est une branche qui s’est développée de manière considérable.

Puisqu’il y a un parlementaire parmi nous il ne m’en voudra pas , le droit du travail et le droit social, qui sont des droits qui devraient être d’accès facile, puisque ce sont droits appliqués par des gens qui ne sont pas nécessairement des experts, est devenu d’une complexité qui fait la fortune d’un certain nombre de personnes. Car il faut bien des gens (un peu comme le droit fiscal), pour le comprendre et pour l’interpréter. Un autre aspect est assez frappant : la complexité ne tient pas seulement aux textes, elle tient au contentieux du droit du travail et du droit social, Quand on fait du droit du travail ou du droit social on peut intervenir devant les tribunaux d’instance, les juges d’instance sont en général de jeunes juges qui débutent très souvent en étant juge d’instance et ils ont une compétence (on parle de compétence d’attribution, c’est la matière qu’ils ont à traiter) extrêmement compliquée notamment en droit du travail. C’est devant le tribunal de grande instance, dès lors qu’il s’agit d’un conflit collectif, c’est devant le juge pénal dès lors que l’on est devant le cas de l’entrave, j’ai oublié de le dire, c’est important, lorsque vous ne respectez pas un certain nombre de règles et notamment la plupart des règles de fonctionnement d’un comité d’entreprise, vous entravez la marche de ce comité d’entreprise et vous êtes passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 2 ans en cas de récidive. Ce sont des infractions importantes : délit d’entrave. Cette diversité de compétences ne facilite pas la tache de ceux qui sont les premiers concernés.

J’en terminerai par le conseil de prud’homme : Le conseil de prud’homme dont les élections sont intervenues il y a très peu de temps avec un taux de participation malheureusement très faible. Le conseil de prud’homme est une excellente idée, mais c’est une des juridiction les plus lentes, qui existent en France, la moyenne pour obtenir une décision d’un conseil de prud’homme c’est 2 ans, et puis après on fait appel. Cela veut dire qu’en matière de droit du travail la moyenne normale pour un salarié qui estime avoir été injustement licencié et qui demande à être indemnisé il faut qu’il attende 3 ans minimum et plus souvent 3-4 ans. Ce n’est pas normal, ce n’est pas une révision du conseil de prud’homme qu’il faut faire. Mais sans doute donner plus de moyens à cette juridiction qui ne fonctionne pas bien et surtout donner une procédure efficace à ces tribunaux parce que le fait de d’ouvrir l’accès trop simplement à ces juridictions a l’effet totalement inverse de celui qu’on souhaite. C’est à dire que les affaires ne sont pas bien traitées, les affaires ne sont pas bien préparées, les affaires ne sont pas bien exposées, ne sont pas bien argumentées, elles ne sont pas bien documentées, ce qui fait que la justice n’est pas toujours bien rendue à ce niveau.

Le constat est tout à fait optimiste ce n’est pas simplement un héritage, ce n’est pas des souvenirs, c’est la constitution qui nous fait obligation de le respecter, ce sont des lois qui ne peuvent pas être contraire à cette constitution, et c’est une vie effective de ces institutions aujourd’hui et sans doute demain.

Les questions/réponses qui terminent la deuxième partie

Question de Serge G. médecin retraité

Sur l’ordre des médecins,

Réponse de M. le bâtonnier François-Xavier Mattéoli

L’ordre des avocats n’a pas été créé sous Vichy, il l’a été il y a plusieurs siècles, supprimé par la Révolution, rétabli par Napoléon, mais c’est quasiment la même organisation, je crois que c’est la déontologie qui justifie un ordre c’est le fait que l’on établisse des règles communes en matière de pratiques professionnelles donc de déontologie, et que cette absence de déontologie puisse être sanctionnée. Le fait que nous ayons, puisque vous êtes aussi une profession libérale, le fait que nous ayons l’immense avantage d’être jugés par nos pairs, et seulement en cause d’appel et encore vous cela va en conseil d’état, jugé par nos pairs en première instance, cela est un privilège exorbitant du droit commun mais on ne doit surtout, pas s’en plaindre.

Réponse de Jacques Vistel Conseiller d’Etat

Vous savez peut-être qu’au moment du programme commun avant 1981 la gauche avait à son programme la suppression des ordres professionnels, notamment pour les motifs que vous avez indiqués création de Vichy et finalement elle ne l’a pas faite, mais y a-t-il une demande forte des professionnels concernés, parce qu’il y a beaucoup de litiges qui sont réglés par des professionnels, au sein des professions des ordres professionnels, qui s’ils n’étaient pas traités là, seraient traités naturellement par la justice ordinaire, et je ne suis pas sûr que les professions y gagnerait toujours.

Question de Jérôme L.

L’Europe sociale peut-elle se construire sans l’héritage social de la Résistance ? Quel est l’apport actuel de la Résistance dans les institutions européennes ?

Réponse de Patrick Baudouin

Cette question est un peu complexe dans la mesure ou l’Europe sociale est celle qui se construit le plus en ce moment. Les législateurs qui ont essayé depuis la guerre et l’Europe est aussi un des acquis de cette guerre, on peut le mettre sous le compte de la Résistance ou de l’ensemble des peuples qui se sont battus et se sont peut-être dit,  » il est temps d’arrêter et de regarder ça différemment ».

Nous essayons de faire que les législations différentes entre chaque pays puissent se rassembler en gardant la culture et l’identité de chacun pour pouvoir être adapté. Les pays qui seront vers le haut, vont naturellement tirer vers le haut ceux qui sont en bas. La législation française qui pour beaucoup de choses est très souvent en avance ne peut qu’apporter à des pays qui s’ouvrent, en particulier aux pays de l’Est qui arrivent en ce moment et qui ont connu soi-disant la modernisation démocratique la plus absolue, pendant 70 ans. Je pense qu’ils vont découvrir un certain nombre de libertés démocratiques et sociales assez exceptionnelles. Je crois que l’Europe va apporter cet élément. Il faut la construire mais comme toutes choses il faut être conscient que l’Europe d’aujourd’hui elle est en train de balbutier . Comme je le disait tout à l’heure en terminant mon intervention, l’héritage social de la Résistance c’est celles et ceux qui vivaient en liberté, en égalité, en fraternité. Maintenant dans une Europe qui s’unit de plus en plus c’est à eux de la construire. C’est à dire qu’ils comprennent ce qu’ils reçoivent, le digérer, pour construire une nouvelle société sans frontière, avec les nouvelles technologies on se parle en quelques milliardièmes de seconde tout ça c’est des éléments très forts que vous, vous allez mieux comprendre que nous et que vous allez traduire dans les faits par des lois ou des rapports de lois qui vont être édifiées, je souhaite y participer naturellement, il est certain que tout ça va se traduire. M° Mattéoli disait que d’autres pays avaient regardé les comités d’entreprise c’est déjà un apport. Nous avons déjà été cherché et chercherons ailleurs des bonnes idées. La notion de l’Europe cet équilibre, cette logique, où chacun garde sa culture et son identité. On apporte ce qui est le meilleur pour mieux circuler, mieux se connaître, mieux dialoguer, mieux communiquer dans l’économie, va se traduire au niveau des entreprises par un droit social qui va s’équilibrer selon les possibilités de chaque pays et l’apport que l’Europe va donner à chaque pays. En conséquence ce que nous avons de bon et qui a été tiré de cet apport social de la Résistance sera certainement proposé aux autres pays.

Réponse de Bernard Vivier

Construire l’Europe, c’est aussi répondre au besoin de faire la paix. Les travailleurs n’ont pas à se faire la guerre, et ça c’est un élément important. Pourquoi construisons nous l’Europe ? Pour avoir la paix sur notre territoire européen et nous voyons bien que le chantier n’est pas achevé. L’esprit de la Résistance a donné aux différents peuples européens, une vision commune. Je prends un exemple : lorsque l’Espagne s’est libérée du franquisme il a fallut construire les relations sociales sur des bases autres que celles que l’Espagne avait connues. La France notamment les militants Force Ouvrière, un peu CFDT, ont apporté un concours très efficace aux militants syndicalistes espagnols qui n’avaient pas beaucoup d’expérience et aujourd’hui le droit du travail espagnol est très proche du droit du travail français. De la même façon lorsque le mouvement syndical polonais s’est révolté, j’étais jeune permanent, et j’ai pu y participer nous sommes allés dans des opérations clandestines voir les syndicalistes polonais, nous avons pu les aider et partager une vision commune de l’Europe. C’est une culture commune aux travailleurs c’est une garantie invisible de la paix.

Réponse de Jean-Pierre Levert

J’ajoute une précision pour deux questions, beaucoup d’institutions créées par Vichy ou avant ont perdurées mais le sujet c’était le CNR et l’héritage social de la Résistance, le 2ème volet du CNR c’était un ordre social plus juste, des institutions comme l’ordre des avocats, l’ordre des médecins, ce n’était pas l’urgence de faire table rase à la Libération, j’en veux aussi pour preuve un autre exemple si le CNRS a été créé au front populaire, L’ORSTOM qui avait des missions scientifiques partout à l’étranger c’est Pierre Laval qui a signé le décret. Tout le programme social avec un ordre social plus juste c’est une constante du CNR qu’a bien développé dans son aspect contemporain M. le bâtonnier François-Xavier Mattéoli.

François Archambault, Président de M.E.R.

Je voudrais simplement faire une remarque qui est en même temps une question à Mme Pineau et à M. Charles Pot pour rappeler que Christian Pineau non seulement a été le fondateur du mouvement Libération Nord qui a fait l’objet d’une thèse de doctorat d’histoire d’Alya Aglan tout a fait remarquable qui s’appelle  » La Résistance Sacrifiée  » mais qu’il est aller trouver le général de Gaulle pour obtenir de lui sa fameuse déclaration démocratique et sociale.

Seconde remarque pour rebondir sur l’allusion amicale de ami François-Xavier Mattéoli nos amis anglais qui nous ont aidé à nous libérer et à reconstruire la démocratie en France puisque Churchill a même été un des fondateurs avec Conrad Adenauer, Charles de Gaulle, Alcide de Gasperi, du Mouvement Européen et des institutions européennes modernes, nos amis anglais n’ont pas voté dans le traité de Maastricht ni le chapitre monétaire puisque l’euro n’existe pas en Grande Bretagne ni le chapitre social. J’appartiens à une entreprise, je suis un cadre du privé dont le Président est citoyen britannique dont le père était officier de la Navy lequel officier a dû plonger 3 fois dans la Manche parce que son bateau a été coulé trois fois par les nazis. Sur quoi je lui ai fait observer que son père avait un certain esprit de résistance car survivre à 3 torpilles allemandes n’est pas mal !. Mais cela a laissé des souvenirs chez le fils, car, dès le traité de Maastricht, dans l’entreprise à laquelle j’appartiens, notre Président britannique a souhaité que nos filiales britanniques appliquent le traité de Maastricht. Ce n’est pas parce qu’un texte n’est pas voté qu’il n »y a pas une possibilité de montrer son état d’esprit européen.

Je dois conclure, Je voudrais remercier vivement les proviseurs et les professeurs qui ont autorisé et accompagné les lycéens, nous allons d’ailleurs célébrer cela ensemble à l’Hôtel de Lassay qui est le palais de la Présidence de l’Assemblée Nationale, ici nous sommes dans le Palais Bourbon. Je dois remercier de sa générosité, à nouveau, le Président Jean-Louis Debré , qui m’a redit ce matin qu’il vous priait de l’excuser. A cet égard je voudrais rappeler qu’il est lui-même fils et petit fils de deux grands résistants le Professeur Robert Debré et le premier Ministre Michel Debré qui a été membre du Comité d’Etudes Générales, qui est le fameux comité dans lequel il y avait de très grands juristes, professeurs de droit, conseillers d’état, qui ont bâti les institutions de la 4ème République puis de la 5ème. Je dois donc en votre nom le remercier, remercier l’Assemblée Nationale représentée ici par Monsieur Patrick Baudouin et qui était représentée en début de réunion par le ministre Jacques Godfrain.

Je dois aussi redire que cette réunion conformément à la vocation de l’association Mémoire et Espoirs de la Résistance est en priorité dédiée aux jeunes lycéens, je dois remercier et saluer les Résistants ou descendants de Résistants qui sont ici, je ne les citerai pas tous mais Charles Pot a brillamment et abondamment parlé au nom de Libération Nord, j’ai derrière moi une dame qui a été très discrète qui est Mireille Albrecht, fille de Berty Albrecht martyre de la Résistance, j’ai en face de moi Bernard Boyer fils du fondateur du réseau Brutus martyr de la Déportation après avoir été un très grand Résistant. Je ne les cite pas tous ils sont incarnés par le Président de la Fondation de la Résistance Jean Mattéoli, qui est la clé de voûte de notre galaxie d’hommes et de femmes libres. Nous devons donc, ensemble, pérenniser cette Mémoire que nous devons partager car elle est malheureusement trop souvent oubliée. A l’occasion de l’organisation de ce mini colloque j’ai écris à tous les syndicalistes salariés ou patronaux, Certains n’ont même pas répondu. Donc je salue le Président Vivier. Certains m’ont répondu qu’ils ne voyaient pas bien le lien entre les institutions sociales sous lesquelles nous vivons et la Résistance. C’est un petit peu triste et j’espère que vous les lycéens, vous les enseignants, vous les parents et grands parents, vous nous aiderez à pérenniser de la façon désintéressée qui nous unit ces messages qui sont sociaux, culturels, poétiques !. Monsieur Vivier a évoqué le fameux poème  » La Rose et le Réséda  » c’est probablement un des plus beaux poèmes de la littérature française, le texte le plus synthétique de tous les aspects de la Résistance. Dedans Aragon y parle de la Belle, la Belle que chacun sert. Il ne définit pas la belle : est-ce la femme dont on rêve ? Est-ce la patrie que l’on défend ? Est-ce cette Liberté que l’on veut reconquérir ? Mais en tous cas il y a une Belle avec un grand B qui nous unit tous. A chacun d’entre nous d’y mettre selon ses espoirs le nom de femme aimée, de patrie libérée ou de liberté chérie.

Les questions/réponses qui terminent la deuxième partie

Question de Serge G. médecin retraité

Sur l’ordre des médecins,

Réponse de M. le bâtonnier François-Xavier Mattéoli

L’ordre des avocats n’a pas été créé sous Vichy, il l’a été il y a plusieurs siècles, supprimé par la Révolution, rétabli par Napoléon, mais c’est quasiment la même organisation, je crois que c’est la déontologie qui justifie un ordre c’est le fait que l’on établisse des règles communes en matière de pratiques professionnelles donc de déontologie, et que cette absence de déontologie puisse être sanctionnée. Le fait que nous ayons, puisque vous êtes aussi une profession libérale, le fait que nous ayons l’immense avantage d’être jugés par nos pairs, et seulement en cause d’appel et encore vous cela va en conseil d’état, jugé par nos pairs en première instance, cela est un privilège exorbitant du droit commun mais on ne doit surtout, pas s’en plaindre.

Réponse de Jacques Vistel Conseiller d’Etat

Vous savez peut-être qu’au moment du programme commun avant 1981 la gauche avait à son programme la suppression des ordres professionnels, notamment pour les motifs que vous avez indiqués création de Vichy et finalement elle ne l’a pas faite, mais y a-t-il une demande forte des professionnels concernés, parce qu’il y a beaucoup de litiges qui sont réglés par des professionnels, au sein des professions des ordres professionnels, qui s’ils n’étaient pas traités là, seraient traités naturellement par la justice ordinaire, et je ne suis pas sûr que les professions y gagnerait toujours.

Question de Jérôme L.

L’Europe sociale peut-elle se construire sans l’héritage social de la Résistance ? Quel est l’apport actuel de la Résistance dans les institutions européennes ?

Réponse de Patrick Baudouin

Cette question est un peu complexe dans la mesure ou l’Europe sociale est celle qui se construit le plus en ce moment. Les législateurs qui ont essayé depuis la guerre et l’Europe est aussi un des acquis de cette guerre, on peut le mettre sous le compte de la Résistance ou de l’ensemble des peuples qui se sont battus et se sont peut-être dit,  » il est temps d’arrêter et de regarder ça différemment ».

Nous essayons de faire que les législations différentes entre chaque pays puissent se rassembler en gardant la culture et l’identité de chacun pour pouvoir être adapté. Les pays qui seront vers le haut, vont naturellement tirer vers le haut ceux qui sont en bas. La législation française qui pour beaucoup de choses est très souvent en avance ne peut qu’apporter à des pays qui s’ouvrent, en particulier aux pays de l’Est qui arrivent en ce moment et qui ont connu soi-disant la modernisation démocratique la plus absolue, pendant 70 ans. Je pense qu’ils vont découvrir un certain nombre de libertés démocratiques et sociales assez exceptionnelles. Je crois que l’Europe va apporter cet élément. Il faut la construire mais comme toutes choses il faut être conscient que l’Europe d’aujourd’hui elle est en train de balbutier . Comme je le disait tout à l’heure en terminant mon intervention, l’héritage social de la Résistance c’est celles et ceux qui vivaient en liberté, en égalité, en fraternité. Maintenant dans une Europe qui s’unit de plus en plus c’est à eux de la construire. C’est à dire qu’ils comprennent ce qu’ils reçoivent, le digérer, pour construire une nouvelle société sans frontière, avec les nouvelles technologies on se parle en quelques milliardièmes de seconde tout ça c’est des éléments très forts que vous, vous allez mieux comprendre que nous et que vous allez traduire dans les faits par des lois ou des rapports de lois qui vont être édifiées, je souhaite y participer naturellement, il est certain que tout ça va se traduire. M° Mattéoli disait que d’autres pays avaient regardé les comités d’entreprise c’est déjà un apport. Nous avons déjà été cherché et chercherons ailleurs des bonnes idées. La notion de l’Europe cet équilibre, cette logique, où chacun garde sa culture et son identité. On apporte ce qui est le meilleur pour mieux circuler, mieux se connaître, mieux dialoguer, mieux communiquer dans l’économie, va se traduire au niveau des entreprises par un droit social qui va s’équilibrer selon les possibilités de chaque pays et l’apport que l’Europe va donner à chaque pays. En conséquence ce que nous avons de bon et qui a été tiré de cet apport social de la Résistance sera certainement proposé aux autres pays.

Réponse de Bernard Vivier

Construire l’Europe, c’est aussi répondre au besoin de faire la paix. Les travailleurs n’ont pas à se faire la guerre, et ça c’est un élément important. Pourquoi construisons nous l’Europe ? Pour avoir la paix sur notre territoire européen et nous voyons bien que le chantier n’est pas achevé. L’esprit de la Résistance a donné aux différents peuples européens, une vision commune. Je prends un exemple : lorsque l’Espagne s’est libérée du franquisme il a fallut construire les relations sociales sur des bases autres que celles que l’Espagne avait connues. La France notamment les militants Force Ouvrière, un peu CFDT, ont apporté un concours très efficace aux militants syndicalistes espagnols qui n’avaient pas beaucoup d’expérience et aujourd’hui le droit du travail espagnol est très proche du droit du travail français. De la même façon lorsque le mouvement syndical polonais s’est révolté, j’étais jeune permanent, et j’ai pu y participer nous sommes allés dans des opérations clandestines voir les syndicalistes polonais, nous avons pu les aider et partager une vision commune de l’Europe. C’est une culture commune aux travailleurs c’est une garantie invisible de la paix.

Réponse de Jean-Pierre Levert

J’ajoute une précision pour deux questions, beaucoup d’institutions créées par Vichy ou avant ont perdurées mais le sujet c’était le CNR et l’héritage social de la Résistance, le 2ème volet du CNR c’était un ordre social plus juste, des institutions comme l’ordre des avocats, l’ordre des médecins, ce n’était pas l’urgence de faire table rase à la Libération, j’en veux aussi pour preuve un autre exemple si le CNRS a été créé au front populaire, L’ORSTOM qui avait des missions scientifiques partout à l’étranger c’est Pierre Laval qui a signé le décret. Tout le programme social avec un ordre social plus juste c’est une constante du CNR qu’a bien développé dans son aspect contemporain M. le bâtonnier François-Xavier Mattéoli.

François Archambault, Président de M.E.R.

Je voudrais simplement faire une remarque qui est en même temps une question à Mme Pineau et à M. Charles Pot pour rappeler que Christian Pineau non seulement a été le fondateur du mouvement Libération Nord qui a fait l’objet d’une thèse de doctorat d’histoire d’Alya Aglan tout a fait remarquable qui s’appelle  » La Résistance Sacrifiée  » mais qu’il est aller trouver le général de Gaulle pour obtenir de lui sa fameuse déclaration démocratique et sociale.

Seconde remarque pour rebondir sur l’allusion amicale de ami François-Xavier Mattéoli nos amis anglais qui nous ont aidé à nous libérer et à reconstruire la démocratie en France puisque Churchill a même été un des fondateurs avec Conrad Adenauer, Charles de Gaulle, Alcide de Gasperi, du Mouvement Européen et des institutions européennes modernes, nos amis anglais n’ont pas voté dans le traité de Maastricht ni le chapitre monétaire puisque l’euro n’existe pas en Grande Bretagne ni le chapitre social. J’appartiens à une entreprise, je suis un cadre du privé dont le Président est citoyen britannique dont le père était officier de la Navy lequel officier a dû plonger 3 fois dans la Manche parce que son bateau a été coulé trois fois par les nazis. Sur quoi je lui ai fait observer que son père avait un certain esprit de résistance car survivre à 3 torpilles allemandes n’est pas mal !. Mais cela a laissé des souvenirs chez le fils, car, dès le traité de Maastricht, dans l’entreprise à laquelle j’appartiens, notre Président britannique a souhaité que nos filiales britanniques appliquent le traité de Maastricht. Ce n’est pas parce qu’un texte n’est pas voté qu’il n »y a pas une possibilité de montrer son état d’esprit européen.

Je dois conclure, Je voudrais remercier vivement les proviseurs et les professeurs qui ont autorisé et accompagné les lycéens, nous allons d’ailleurs célébrer cela ensemble à l’Hôtel de Lassay qui est le palais de la Présidence de l’Assemblée Nationale, ici nous sommes dans le Palais Bourbon. Je dois remercier de sa générosité, à nouveau, le Président Jean-Louis Debré , qui m’a redit ce matin qu’il vous priait de l’excuser. A cet égard je voudrais rappeler qu’il est lui-même fils et petit fils de deux grands résistants le Professeur Robert Debré et le premier Ministre Michel Debré qui a été membre du Comité d’Etudes Générales, qui est le fameux comité dans lequel il y avait de très grands juristes, professeurs de droit, conseillers d’état, qui ont bâti les institutions de la 4ème République puis de la 5ème. Je dois donc en votre nom le remercier, remercier l’Assemblée Nationale représentée ici par Monsieur Patrick Baudouin et qui était représentée en début de réunion par le ministre Jacques Godfrain.

Je dois aussi redire que cette réunion conformément à la vocation de l’association Mémoire et Espoirs de la Résistance est en priorité dédiée aux jeunes lycéens, je dois remercier et saluer les Résistants ou descendants de Résistants qui sont ici, je ne les citerai pas tous mais Charles Pot a brillamment et abondamment parlé au nom de Libération Nord, j’ai derrière moi une dame qui a été très discrète qui est Mireille Albrecht, fille de Berty Albrecht martyre de la Résistance, j’ai en face de moi Bernard Boyer fils du fondateur du réseau Brutus martyr de la Déportation après avoir été un très grand Résistant. Je ne les cite pas tous ils sont incarnés par le Président de la Fondation de la Résistance Jean Mattéoli, qui est la clé de voûte de notre galaxie d’hommes et de femmes libres. Nous devons donc, ensemble, pérenniser cette Mémoire que nous devons partager car elle est malheureusement trop souvent oubliée. A l’occasion de l’organisation de ce mini colloque j’ai écris à tous les syndicalistes salariés ou patronaux, Certains n’ont même pas répondu. Donc je salue le Président Vivier. Certains m’ont répondu qu’ils ne voyaient pas bien le lien entre les institutions sociales sous lesquelles nous vivons et la Résistance. C’est un petit peu triste et j’espère que vous les lycéens, vous les enseignants, vous les parents et grands parents, vous nous aiderez à pérenniser de la façon désintéressée qui nous unit ces messages qui sont sociaux, culturels, poétiques !. Monsieur Vivier a évoqué le fameux poème  » La Rose et le Réséda  » c’est probablement un des plus beaux poèmes de la littérature française, le texte le plus synthétique de tous les aspects de la Résistance. Dedans Aragon y parle de la Belle, la Belle que chacun sert. Il ne définit pas la belle : est-ce la femme dont on rêve ? Est-ce la patrie que l’on défend ? Est-ce cette Liberté que l’on veut reconquérir ? Mais en tous cas il y a une Belle avec un grand B qui nous unit tous. A chacun d’entre nous d’y mettre selon ses espoirs le nom de femme aimée, de patrie libérée ou de liberté chérie.

Bernard VIVIER, Patrick BAUDOUIN, Jean MATTEOLI, Michel AMBAULT, Jean-Pierre LEVERT, François-Xavier MATTEOLI.

Les questions/réponses qui terminent la deuxième partie

Question de Serge G. médecin retraité

Sur l’ordre des médecins,

Réponse de M. le bâtonnier François-Xavier Mattéoli

L’ordre des avocats n’a pas été créé sous Vichy, il l’a été il y a plusieurs siècles, supprimé par la Révolution, rétabli par Napoléon, mais c’est quasiment la même organisation, je crois que c’est la déontologie qui justifie un ordre c’est le fait que l’on établisse des règles communes en matière de pratiques professionnelles donc de déontologie, et que cette absence de déontologie puisse être sanctionnée. Le fait que nous ayons, puisque vous êtes aussi une profession libérale, le fait que nous ayons l’immense avantage d’être jugés par nos pairs, et seulement en cause d’appel et encore vous cela va en conseil d’état, jugé par nos pairs en première instance, cela est un privilège exorbitant du droit commun mais on ne doit surtout, pas s’en plaindre.

Réponse de Jacques Vistel Conseiller d’Etat

Vous savez peut-être qu’au moment du programme commun avant 1981 la gauche avait à son programme la suppression des ordres professionnels, notamment pour les motifs que vous avez indiqués création de Vichy et finalement elle ne l’a pas faite, mais y a-t-il une demande forte des professionnels concernés, parce qu’il y a beaucoup de litiges qui sont réglés par des professionnels, au sein des professions des ordres professionnels, qui s’ils n’étaient pas traités là, seraient traités naturellement par la justice ordinaire, et je ne suis pas sûr que les professions y gagnerait toujours.

Question de Jérôme L.

L’Europe sociale peut-elle se construire sans l’héritage social de la Résistance ? Quel est l’apport actuel de la Résistance dans les institutions européennes ?

Réponse de Patrick Baudouin

Cette question est un peu complexe dans la mesure ou l’Europe sociale est celle qui se construit le plus en ce moment. Les législateurs qui ont essayé depuis la guerre et l’Europe est aussi un des acquis de cette guerre, on peut le mettre sous le compte de la Résistance ou de l’ensemble des peuples qui se sont battus et se sont peut-être dit,  » il est temps d’arrêter et de regarder ça différemment ».

Nous essayons de faire que les législations différentes entre chaque pays puissent se rassembler en gardant la culture et l’identité de chacun pour pouvoir être adapté. Les pays qui seront vers le haut, vont naturellement tirer vers le haut ceux qui sont en bas. La législation française qui pour beaucoup de choses est très souvent en avance ne peut qu’apporter à des pays qui s’ouvrent, en particulier aux pays de l’Est qui arrivent en ce moment et qui ont connu soi-disant la modernisation démocratique la plus absolue, pendant 70 ans. Je pense qu’ils vont découvrir un certain nombre de libertés démocratiques et sociales assez exceptionnelles. Je crois que l’Europe va apporter cet élément. Il faut la construire mais comme toutes choses il faut être conscient que l’Europe d’aujourd’hui elle est en train de balbutier . Comme je le disait tout à l’heure en terminant mon intervention, l’héritage social de la Résistance c’est celles et ceux qui vivaient en liberté, en égalité, en fraternité. Maintenant dans une Europe qui s’unit de plus en plus c’est à eux de la construire. C’est à dire qu’ils comprennent ce qu’ils reçoivent, le digérer, pour construire une nouvelle société sans frontière, avec les nouvelles technologies on se parle en quelques milliardièmes de seconde tout ça c’est des éléments très forts que vous, vous allez mieux comprendre que nous et que vous allez traduire dans les faits par des lois ou des rapports de lois qui vont être édifiées, je souhaite y participer naturellement, il est certain que tout ça va se traduire. M° Mattéoli disait que d’autres pays avaient regardé les comités d’entreprise c’est déjà un apport. Nous avons déjà été cherché et chercherons ailleurs des bonnes idées. La notion de l’Europe cet équilibre, cette logique, où chacun garde sa culture et son identité. On apporte ce qui est le meilleur pour mieux circuler, mieux se connaître, mieux dialoguer, mieux communiquer dans l’économie, va se traduire au niveau des entreprises par un droit social qui va s’équilibrer selon les possibilités de chaque pays et l’apport que l’Europe va donner à chaque pays. En conséquence ce que nous avons de bon et qui a été tiré de cet apport social de la Résistance sera certainement proposé aux autres pays.

Réponse de Bernard Vivier

Construire l’Europe, c’est aussi répondre au besoin de faire la paix. Les travailleurs n’ont pas à se faire la guerre, et ça c’est un élément important. Pourquoi construisons nous l’Europe ? Pour avoir la paix sur notre territoire européen et nous voyons bien que le chantier n’est pas achevé. L’esprit de la Résistance a donné aux différents peuples européens, une vision commune. Je prends un exemple : lorsque l’Espagne s’est libérée du franquisme il a fallut construire les relations sociales sur des bases autres que celles que l’Espagne avait connues. La France notamment les militants Force Ouvrière, un peu CFDT, ont apporté un concours très efficace aux militants syndicalistes espagnols qui n’avaient pas beaucoup d’expérience et aujourd’hui le droit du travail espagnol est très proche du droit du travail français. De la même façon lorsque le mouvement syndical polonais s’est révolté, j’étais jeune permanent, et j’ai pu y participer nous sommes allés dans des opérations clandestines voir les syndicalistes polonais, nous avons pu les aider et partager une vision commune de l’Europe. C’est une culture commune aux travailleurs c’est une garantie invisible de la paix.

Réponse de Jean-Pierre Levert

J’ajoute une précision pour deux questions, beaucoup d’institutions créées par Vichy ou avant ont perdurées mais le sujet c’était le CNR et l’héritage social de la Résistance, le 2ème volet du CNR c’était un ordre social plus juste, des institutions comme l’ordre des avocats, l’ordre des médecins, ce n’était pas l’urgence de faire table rase à la Libération, j’en veux aussi pour preuve un autre exemple si le CNRS a été créé au front populaire, L’ORSTOM qui avait des missions scientifiques partout à l’étranger c’est Pierre Laval qui a signé le décret. Tout le programme social avec un ordre social plus juste c’est une constante du CNR qu’a bien développé dans son aspect contemporain M. le bâtonnier François-Xavier Mattéoli.

François Archambault, Président de M.E.R.

Je voudrais simplement faire une remarque qui est en même temps une question à Mme Pineau et à M. Charles Pot pour rappeler que Christian Pineau non seulement a été le fondateur du mouvement Libération Nord qui a fait l’objet d’une thèse de doctorat d’histoire d’Alya Aglan tout a fait remarquable qui s’appelle  » La Résistance Sacrifiée  » mais qu’il est aller trouver le général de Gaulle pour obtenir de lui sa fameuse déclaration démocratique et sociale.

Seconde remarque pour rebondir sur l’allusion amicale de ami François-Xavier Mattéoli nos amis anglais qui nous ont aidé à nous libérer et à reconstruire la démocratie en France puisque Churchill a même été un des fondateurs avec Conrad Adenauer, Charles de Gaulle, Alcide de Gasperi, du Mouvement Européen et des institutions européennes modernes, nos amis anglais n’ont pas voté dans le traité de Maastricht ni le chapitre monétaire puisque l’euro n’existe pas en Grande Bretagne ni le chapitre social. J’appartiens à une entreprise, je suis un cadre du privé dont le Président est citoyen britannique dont le père était officier de la Navy lequel officier a dû plonger 3 fois dans la Manche parce que son bateau a été coulé trois fois par les nazis. Sur quoi je lui ai fait observer que son père avait un certain esprit de résistance car survivre à 3 torpilles allemandes n’est pas mal !. Mais cela a laissé des souvenirs chez le fils, car, dès le traité de Maastricht, dans l’entreprise à laquelle j’appartiens, notre Président britannique a souhaité que nos filiales britanniques appliquent le traité de Maastricht. Ce n’est pas parce qu’un texte n’est pas voté qu’il n »y a pas une possibilité de montrer son état d’esprit européen.

Je dois conclure, Je voudrais remercier vivement les proviseurs et les professeurs qui ont autorisé et accompagné les lycéens, nous allons d’ailleurs célébrer cela ensemble à l’Hôtel de Lassay qui est le palais de la Présidence de l’Assemblée Nationale, ici nous sommes dans le Palais Bourbon. Je dois remercier de sa générosité, à nouveau, le Président Jean-Louis Debré , qui m’a redit ce matin qu’il vous priait de l’excuser. A cet égard je voudrais rappeler qu’il est lui-même fils et petit fils de deux grands résistants le Professeur Robert Debré et le premier Ministre Michel Debré qui a été membre du Comité d’Etudes Générales, qui est le fameux comité dans lequel il y avait de très grands juristes, professeurs de droit, conseillers d’état, qui ont bâti les institutions de la 4ème République puis de la 5ème. Je dois donc en votre nom le remercier, remercier l’Assemblée Nationale représentée ici par Monsieur Patrick Baudouin et qui était représentée en début de réunion par le ministre Jacques Godfrain.

Je dois aussi redire que cette réunion conformément à la vocation de l’association Mémoire et Espoirs de la Résistance est en priorité dédiée aux jeunes lycéens, je dois remercier et saluer les Résistants ou descendants de Résistants qui sont ici, je ne les citerai pas tous mais Charles Pot a brillamment et abondamment parlé au nom de Libération Nord, j’ai derrière moi une dame qui a été très discrète qui est Mireille Albrecht, fille de Berty Albrecht martyre de la Résistance, j’ai en face de moi Bernard Boyer fils du fondateur du réseau Brutus martyr de la Déportation après avoir été un très grand Résistant. Je ne les cite pas tous ils sont incarnés par le Président de la Fondation de la Résistance Jean Mattéoli, qui est la clé de voûte de notre galaxie d’hommes et de femmes libres. Nous devons donc, ensemble, pérenniser cette Mémoire que nous devons partager car elle est malheureusement trop souvent oubliée. A l’occasion de l’organisation de ce mini colloque j’ai écris à tous les syndicalistes salariés ou patronaux, Certains n’ont même pas répondu. Donc je salue le Président Vivier. Certains m’ont répondu qu’ils ne voyaient pas bien le lien entre les institutions sociales sous lesquelles nous vivons et la Résistance. C’est un petit peu triste et j’espère que vous les lycéens, vous les enseignants, vous les parents et grands parents, vous nous aiderez à pérenniser de la façon désintéressée qui nous unit ces messages qui sont sociaux, culturels, poétiques !. Monsieur Vivier a évoqué le fameux poème  » La Rose et le Réséda  » c’est probablement un des plus beaux poèmes de la littérature française, le texte le plus synthétique de tous les aspects de la Résistance. Dedans Aragon y parle de la Belle, la Belle que chacun sert. Il ne définit pas la belle : est-ce la femme dont on rêve ? Est-ce la patrie que l’on défend ? Est-ce cette Liberté que l’on veut reconquérir ? Mais en tous cas il y a une Belle avec un grand B qui nous unit tous. A chacun d’entre nous d’y mettre selon ses espoirs le nom de femme aimée, de patrie libérée ou de liberté chérie.