Cérémonie de l’inauguration de la plaque commémorative du passage de FLORENCE MALRAUX en 1940 à l’école de Salade-Laures et à la mémoire des époux CAPOULADE instituteurs qui l’hébergèrent

Rencontre prévu le 27/07/2019

PROGRAMME DE LA CEREMONIE D’HOMMAGE  

Prises de paroles 

-Patrick de Toffoli, maire de Sabadel-Lauzès.

-Robert Badinier, délégué régional Midi-Pyrénées de Mémoire et Espoirs de la Résistance.

-L’Hymne européen.

-Pierre Coureux, président fondateur des Amitiés Internationales André Malraux.

-Françoise Lapergue, conseillère départementale.

-Aurélien Pradié, député du Lot. 

Mise en scène  

-Présentation de la mise en scène par Martine de Toffoli, conseillère municipale.

 -lecture d’extraits du livre de Martine de Rabaudy : « A l’absente » paru chez Gallimard en 2019 et dévoilement de panneaux pédagogiques, par six participants.

-Fond musical : chant des partisans (en boucle).

Dévoilement de la plaque du souvenir :

 -par Patrick de Toffoli et les membres du conseil municipal, accompagnés par Aurélien Pradié et Françoise Lapergue, en présence de Pierre Coureux, de Robert Badinier de Laurent Robène, de Maguy Denègre, de Jean-Luc Couderc, représentant le musée de la Résistance et de la Déportation du Lot.

-La Marseillaise.

MISE EN SCENE DE LA « PRESENCE » DE FLORENCE MALRAUX               

 Texte de présentation

Le texte de la mise en scène que les enfants de Sabadel-Lauzès vont présenter aujourd’hui est un ensemble d’extraits d’un livre de Martine de Rabaudy, journaliste et essayiste, une amie de Florence Malraux qu’elle accompagna durant les mois qui ont suivi l’annonce de la maladie jusqu’à sa mort en octobre 2018. Ils font revivre l’univers intérieur de cette enfant qui vécut sur « une terre de souffrances où elle parvint à devenir cette femme passionnée qui accompagna tant d’intellectuels et d’artistes tout au long de sa vie ». Son enfance n’avait duré que quelques semaines, celles qu’elle a passé à Sabadel-Lauzès début octobre 1939 où elle fut cachée par sa mère Clara pendant quatre mois chez un couple d’instituteurs courageux, les Capoulade. Elle avait tout juste 7 ans.

1erlecteur :« Au cours d’une insomnie, je me projetai dans ton absence à venir et songeai que la façon de l’atténuer serait de t’écrire une longue lettre posthume qui prolongerait notre temps ensemble et te raconterait. (…) Nous redonnerions avantage à la vie, à ta vie. »

 2ème lecteur « Clara évoquait votre errance en zone libre pour échapper à la Gestapo. J’y découvrais la petite Florence, plus raisonnable et grave que les adultes qui l’entouraient, consciente du danger, son silence obligé, sa parole contrôlée, sa maîtrise de la peur. »

3ème lecteur : « Clara, l’intrépide n’hésitait pas à t’impliquer dans ses missions. Elle dissimulait avec ton accord dans le panier de ton goûter faux papiers et faux tampons que tu transportais, devenant par là la plus jeune des résistantes. »

4ème lecteur : « Un passage m’avait chavirée : « Tu sais, je me suis inventée une prière que je récite chaque soir : « Mon Dieu, faites que j’oublie que Morin s’appelle Nahoum, qu’Hamon s’appelle Goldenberg, que Jean s’appelle Gérard », tous camarades de son réseau dans la Résistance. Nahoum, devenu Edgar Morin, dernier témoin vivant de ton enfance, s’adressait à toi ainsi : »Ma chère et plus ancienne amie. » Clara disait : » C’est l’homme le plus intelligent que je connaisse…après ton père, bien entendu ! Edgar et toi en riiez. Tu le voyais rarement, cependant il restait un pilier de ton existence. »

5ème lecteur : « En 1940, ayant écouté le discours du maréchal Pétain, ulcérée tu t’indignais : « Après ce qu’il vient de dire, il a le culot de faire jouer la Marseillaise. » A neuf ans, alors que Clara se plaignait au cours de l’une de vos fuites, tu lui assénas : »Si tu étais incapable de résister jusqu’au bout, il ne fallait pas commencer ». A dix ans, tu te tourmentais : « Je me demande si je donnerais des noms sous la torture. » Hantise qui renaîtrait lors des « Evénements » d’Algérie.

6ème  lecteur : « Pendant la guerre, fuyant la Gestapo d’une ville à l’autre, d’un refuge à l’autre, Clara décrivait ton rituel, quand après vos journées de fugitives vous vous posiez dans un endroit supposé sûr : « Flo sortait d’un étui qu’elle portait sur le côté une dizaine de cartes postales, reproductions de peintures toutes plus ou moins récentes. Un instant, elle regardait « son » Cézanne, « son » Renoir, « son » Braque, « son » Rouault, « son » Picasso. Puis, lestée d’un nouveau courage, rangeait le tout sagement. » A 10 ans tu créais ton Musée imaginaire. »

7ème  lecteur :« Clara reconnaissait : « Florence fut pour André dans le domaine de l’art une merveilleuse complice. Et la seule créature humaine qui osa s’opposer à lui. » Adolescente, il t’avait proposé de t’emmener chez le général de Gaulle, tu lui avais répondu : « Je préférerais que tu me présentes Picasso . » Ce qu’il avait fait pour tes quinze ans en t’invitant à l’accompagner à un vernissage. Picasso délaissa les autres présences et te guida dans l’exposition.

8ème lecteur : «  A propos du Général, comme Malraux l’appelait, tu déclarais : « De Gaulle a été la femme de sa vie ! » Chez les de Gaulle tu choisissais Geneviève, sa nièce, résistante, rescapée avec son amie Germaine Tillion du camp de Ravensbrück et épouse de Bernard Anthonioz, le directeur de cabinet de ton père au ministère des Affaires culturelles. Aujourd’hui, Geneviève de Gaulle l’a rejoint au Panthéon. »

9ème lecteur : « En ce qui concerne ta judéité, Clara racontait qu’à un moment, tu répétais : « Moi qui suis juive ! », et elle rectifiait que tu ne l’étais que pour moitié mais tu rétorquais : « J’ai été juive quatre ans avec toi. » De ces quatre années qui pénalisèrent ton enfance, tu conservais le réflexe de garder ton passeport à portée de main pour fuir au cas où… A la question : « Qu’emporteriez-vous si votre maison brûlait ? », ta réponse invariable : mon passeport ! »

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ALLOCUTION DE ROBERT BADINIER A LA MAIRIE DE SABADEL-LAUZES

Monsieur le député,

Monsieur le maire, cher Patrick,

Mesdames et messieurs les élus,

Monsieur le président, cher Pierre,

Chers amis,

Depuis le mois de mars dernier, je suis en relation avec une amie d’enfance de Florence Malraux avec laquelle elle jouait dans les années quarante lors des visites que rendait sa mère Suzanne à Clara Malraux qui était réfugiée à Montauban où séjournait aussi la famille de Léo Hamon. Celui-ci était responsable régional du mouvement Combat, membre du Comité parisien de libération, parlementaire et ministre. Il s’agit de Lucienne, sa fille, qui a aujourd’hui 88 ans. Je lui téléphone chaque semaine pour lui rendre compte des démarches que nous faisons pour tenter de retrouver l’emplacement de la villa des Pâquerettes à Montauban où étaient repliées Clara et Florence, aux côtés de Madeleine et son fils Serge, veuve de Léo Lagrange, ancien ministre du Front Populaire. Ses informations m’ont été précieuses. Lucienne me rappelait récemment que c’est son père, apprenant que Clara venait de déclarer sa judéité, qui l’avait amenée à réaliser « qu’elle n’était pas là pour se soumettre aux ordres de l’occupant. » Il parvint à la dissuader de se signaler.

     Ces démarches, hélas demeurées vaines pour le moment, devaient déboucher initialement à l’apposition d’une plaque du souvenir en hommage à Florence à Montauban. Cet hommage, c’est à Sabadel qu’il aura lieu d’abord, celui que nous devions concrétiser à Montauban sera organisé plus tard. Les circonstances en ont décidé ainsi. Mon propos n’a pas d’autre intention que de situer l’historique de notre projet en l’inscrivant dans son contexte culturel.

    En cette année de soixantième anniversaire de la création du ministère des affaires culturelles, notre rencontre d’aujourd’hui revêt un caractère d’autant plus symbolique. Elle repose sur un réseau d’amitiés qui s’est créé autour de ceux qui se sont mobilisés, à la suite d’André Malraux, pour promouvoir la dignité de la personne humaine, la valeur suprême de l’existence. C’est cet état d’esprit qui nous a animés lors de l’hommage qu nous avons rendu à Montauban en 2001 à l’écrivain André Chamson, résistant, académicien, qui était avec André Malraux le cofondateur de la Brigade Alsace-Lorraine. L’année suivante, l’hommage à Suzanne et Léo Hamon devant leur domicile familial à Montauban sous l’Occupation nous a permis de comprendre les liens privilégiés qu’ils avaient noués avec Florence et Clara Malraux.

Plus tard, en 2018, c’est grâce aux renseignements fournis par Roger Lefort, ancien résistant au maquis FTP du Lot, vétéran du bataillon Metz de la Brigade Alsace-Lorraine, que nous avons pu rendre hommage à son chef, André Malraux, en partenariat avec Pierre Coureux, président fondateur des Amitiés Internationales André Malraux et Micheline Cellier, biographe d’André Chamson. C’est à l’occasion de l’annonce du décès de Florence Malraux en octobre de la même année que le projet d’hommage à Clara et Florence Malraux qui avait longtemps germé dans notre esprit, allait pouvoir être réactivé. C’est à Pierre Coureux que nous devons d’avoir pu découvrir la belle personnalité de Florence, très appréciée pour sa générosité, son sens aigu de l’empathie et son indépendance d’esprit. Ce n’est pas étonnant quand on connaît l’influence qu’a eue Edgar Nahoum, devenu Edgar Morin, le grand penseur de la complexité, « futur défenseur de la conscience planétaire  et de la politique de civilisation », l’un des deux personnages essentiels avec le romancier Louis Guilloux qui ont marqué l’enfance de Florence Malraux. Il n’est pas étonnant non plus lorsqu’elle était en charge de « l’Avance sur recettes », au Centre National du Cinéma, qu’elle ait sauvé Claude Lanzman pour pallier les difficultés de financement de son film sur la Shoah.

La chance a  voulu que Françoise de la Guériviere ait pu me mettre en contact avec l’un de ses amis lotois, Marcel Capoulade, au nom prédestiné, qui nous a communiqué des informations sur le livre qu’a consacré Michel Magot à l’histoire de Sabadel-Lauzès et la copie d’un document officiel attestant la présence de Florence Malraux sur la liste annuelle d’inscription des élèves.  C’est  grâce à Patrick de Toffoli enfin que le projet a pu voir le jour. Son adhésion a été immédiate.  Elle répondait à une attente qui l’a comblé de joie. La fermeture de l’école l’ayant profondément marqué, il souhaitait qu’elle garde une trace pour l’avenir des générations montantes. Cette haute idée du travail de mémoire était de bon augure. Le 14 mai dernier, il nous accueillit chaleureusement à la mairie avec trois de ses conseillers municipaux. A l’issue de la réunion nous avons pu élaborer le texte de la plaque du souvenir et décider de la mise en œuvre du projet que nous souhaitions dédier à Florence Malraux et aux époux Capoulade qui l’avaient hébergée.

Elle faisait écho à l’esprit de la Résistance qui animait Théophile Capoulade et son épouse Marcelle dont l’audace et le courage ont fait honneur à notre République. « Florence les appelait « Tonton » et « Tatie », de sorte que les villageois la prenaient pour leur nièce parisienne » reconnaissait Clara dans ses Mémoires. Ces deux enseignants ont su témoigner par leur façon d’être au monde de la fraternité, en montrant que tout être humain digne de ce nom ne peut s’épanouir qu’en progressant toujours plus dans la relation à l’autre. Ils ont ainsi contribué à affermir la personnalité d’une fillette espiègle qui allait devenir l’une des plus jeunes résistantes de notre pays. Sa mère allait lui faire connaître l’héroïsme du quotidien à travers la vie clandestine, les vicissitudes du combat de la liberté et les aléas de l’errance qui les ont conduites d’un lieu de refuge à un autre pour échapper à la Gestapo.

C’est aussi grâce à l’aide d’un enfant du pays, ami de Clara Malraux, Georges Duveau, professeur et amateur d’art, originaire de Lauzès, qu’elle a pu non seulement trouver à sa fille une famille d’accueil dans le Lot, de novembre 1939 au début de 1940, mais aussi quelques mois plus tard, une maison à louer, à la sortie du village, à Puech del Luch, où elle écrivit son premier roman « Le portrait de Grisélidis ».  Le 18 juin, c’est chez les Duveau où il lui arrivait de passer des soirées avec Florence qu’elles entendirent à la radio de Londres l’Appel du général de Gaulle. A l’hiver 40, c’est grâce à  Jean-Marie Sotty, un ami médecin de Georges Duveau, qu’elle peut trouver un centre d’hébergement à Toulouse où elle allait pour un temps demeurer avec sa fille avant de chercher refuge à Montauban lors de la débâcle. C’est aussi un autre ami de Georges Duveau, Monseigneur Saliège, alors recteur de l’Institut catholique de Toulouse, qui interviendra pour protéger Florence, en acceptant de la faire baptiser dans l’urgence. Avec deux grands-parents juifs, elle devait être déclarée.

Florence était soignée pour son anémie. C’est à l’occasion d’une des visites que rendit Clara Malraux à Camille Soula, professeur à la faculté de médecine de Toulouse, qu’il lui révèla ses activités dans la Résistance. Il assurait le passage de la frontière vers l’Espagne. Clara lui proposa son aide : la reproduction de plans et d’ itinéraires pour ceux qui veulent passer les Pyrénées et rejoindre les Forces françaises libres. C’est ainsi qu’elle entra en résistance. Elle fera partie de juin 1942 à mars 1944 du Mouvement de Résistance des Prisonniers de guerre et Déportés dont le réseau avait établi ses quartiers entre Toulouse, Lyon et Cahors .

Pour tous les hôtes de la rue Pyrénées à Toulouse, comme le dit si bien Dominique Bona, la biographe de Clara Malraux, « Ces amis, rassemblés par une femme qui n’aime rien tant que l’amitié, sont unis par la commune expérience du danger, de l’exclusion et de la pauvreté. Ils partagent une même volonté de résister à l’occupant, de ne pas plier l’échine ; ce sont des révoltés du destin, que la passivité rebute et qui ont choisi de ne pas accepter la collaboration ». Dans cette atmosphère propice à l’amitié, il arrivait à Clara d’entendre chantonner Florence « Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand », « une petite rengaine qu’elle réservait sagement à l’intimité », disait-elle.

Nous sommes très sensibles aux encouragements que nous ont apporté cette académicienne, ainsi que Michèle Daniel et Martine de Rabaudy, l’auteur d’un ouvrage remarquable qu’elle vient de consacrer à son amie Florence dont nous avons sélectionné quelques extraits pour la mise en scène que Martine de Toffoli va vous présenter dans quelques instants. Elles ont su montrer les formidables attraits de l’esprit humain lorsqu’il parvient à révéler le langage du coeur. C’est ce qui permet à la morale, comme le dit, Jankélévitch, un ami de Clara,  « d’être une théorie pratique ».

Nous avons hâte d’écouter maintenant mon ami Pierre Coureux qui va nous parler de « la petite Capoulade » dont il a pu admirer le talent et ses grandes qualités humaines.

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DISCOURS DE PIERRE COUREUX*

EN  HOMMAGE A FLORENCE MALRAUX

 

Monsieur le Député du Lot, Aurélien Pradié, Monsieur le Maire de Sabadel-Lauzès, Patrick de Toffoli  et son épouse Martine ainsi que tous les membres du conseil municipal, Monsieur le Délégué Régional Occitanie de Mémoire et Espoirs de la Résistance, Robert Badinier, Monsieur le représentant du musée de la Résistance, à Cahors, Jean-Luc Couderc,  chers témoins et amis, Mesdames et Messieurs, chers enfants.

Je suis très honoré d’être parmi vous aujourd’hui pour évoquer rapidement devant vous le souvenir du passage de Florence Malraux, à Sabadel-Lauzès, chez les Capoulade, le couple d’instituteurs chez qui elle logea, pendant quatre mois, au tout début de la guerre de 1939-1945. Je vous propose, quelques mois après la disparition de Florence Malraux survenue le 31 octobre 2018, à Paris, de dresser le portrait moral de « la petite Flo », la fille d’André et Clara Malraux.

Dès que j’ai reçu, au mois de juin, le 8 juin 2019, la proposition officielle de Monsieur Patrick de Toffoli,  de rendre hommage à FLORENCE MALRAUX et aux CAPOULADE, j’ai aussitôt pensé à cette personnalité, que je n’ai vraiment connue qu’ à la fin des années 1990. Il y a donc un peu plus de vingt ans.

J’ai d’abord  pensé à ce que Florence m’avait demandé, à l’occasion d’un entretien téléphonique, après m’avoir autorisé à créer les Amitiés Internationales André Malraux (AIAM) : « Pierre, merci de parler aussi de ma mère Clara, lorsque vous en aurez l’occasion, à travers l’association que vous allez développer avec vos amis. Vous comptez à vos côtés les professeurs Christiane Moatti et Henri Godard. Vous ne pouvez pas être mieux entouré ».

Avec la légèreté d’un funambule, Florence Malraux nous a quittés, après une longue maladie et nous avons vu, à ses obsèques, tous ses proches, ses amis et ses connaissances, mais aussi beaucoup d’anonymes, se déplacer au cimetière du Montparnasse  et venir lui témoigner leur affection et leur sincère  amitié. La cérémonie d’aujourd’hui,  celle qui nous rassemble dans cette salle où elle a joué, petite, à l’âge de sept ans, nous permet de rappeler que Florence Malraux était une amie fidèle,  très proche de Françoise Sagan, de Bernard Frank, de Françoise Giroud, de Jeanne Moreau, de Michèle Daniel, de Martine de Rabaudy, de Jorge Semprun et de tant d’autres.

Elle était pour tous ceux qui l’ont connue une personnalité  très attachante. Chacun aimait sa grande discrétion qu’accompagnait une grande qualité d’écoute. Nous avons été sensibles, nous aussi à son ouverture d’esprit, à sa curiosité insatiable, à sa présence et bien sûr à sa bienveillance.

Nous avions été surpris de recevoir,  aux AIAM, dès le début de notre aventure, ses encouragements suivis de propositions d’aide. Nous nous souviendrons  encore longtemps de son constant soutien et de son intérêt pour nos activités culturelles, notamment lorsque nous avons décidé de créer notre revue « Présence d’André Malraux », en mars 2001. « Pierre, comment allez-vous faire ? », fusa naturellement de sa bouche.

Florence nous honorait assez régulièrement de sa présence, lorsque l’événement se déroulait en Ile de France. Mais elle n’hésitait pas à s’organiser lorsqu’elle était sollicitée  ailleurs et plus loin, dans les régions ou à l’extérieur du pays, pour des commémorations, des vernissages ou des inaugurations.  Ainsi, elle s’était rendue à Collioure en 2009, à l’invitation des AIAM, avec Jorge Semprun et Prune Berge (Prune Santelli)  pour participer au festival « « Un livre à la mer ». En 2012, nous l’avions retrouvée à La Ciotat, avec Frédéric Mitterrand,  alors ministre de la Culture et de la Communication), où, invitée par Michel Lhour, le responsable du DRASSM, en relation avec les AIAM , elle accepta bien volontiers de devenir la marraine du nouveau navire de recherche archéologique , le « André Malraux ». Nous gardons le souvenir d’une Florence » encore en bonne sante et très vive. En 2015, nous avions eu le  plaisir  de l’accueillir à la Librairie « Le Phénix » , à Paris, pour la parution des ouvrages L’ami oublié de Malraux en Indochine de Yves Le Jariel et de Comment Malraux est devenu Malraux de Raoul-Marc Jennar.

 Florence a investi son énergie et sa générosité dans la création cinématographique tout en restant à l’écoute des toutes les autres formes d’expression artistiques, comme la littérature dont elle partageait la passion en des discussions interminables avec Françoise Sagan.

Tout a été dit sur  son intelligence, sa grande générosité, sur  le tact de Florence Malraux. Je me contenterai donc ici d’évoquer un autre aspect de sa personnalité : la façon discrète, mais très efficace, dont elle a contribué, comme exécutrice testamentaire, au rayonnement de l’œuvre de son père. C’est donc un lourde tâche que les Amitiés Internationales André Malraux, que je préside actuellement, comptent poursuivre, après elle, avec le soutien amical d’ Alain Malraux, le fils adoptif d’André Malraux.

M’appuyant, pour dresser ce portait moral de Florence Malraux , sur plusieurs témoignages de personnalités qui l’on bien connue, qui l’ont fréquentée depuis de plusieurs décennies,  notamment sur celui  Françoise Wagener, amie des AIAM mais aussi grande amie de Florence, une amie de près de 50 ans avec Alain et Florence Malraux

C’est de Françoise Wagener que j’ai pu obtenir les traits complémentaires que j’ai le plaisir de vous livre.

Naître «fille de» ou «fils de» n’est pas facile : Florence avait coutume de dire que «trop de célébrité détruit les familles» et elle eut la sagesse de ne jamais attirer sur elle des feux de la rampe, qu’elle jugeait inutiles et souvent pernicieux : sa pudeur et sa discrétion légendaires lui étaient une protection autant qu’une règle de vie assumée.

De ses deux parents, elle avait gardé le meilleur : de sa mère, Clara (la Clara de l’entre-deux guerres), le regard pénétrant, le courage de ses choix, une détermination intangible quand elle s’engageait, quel qu’en fût le prix à payer.

De son père, André, un père exceptionnel à tous égards, elle avait hérité l’intelligence supérieure, une curiosité d’esprit peu commune, un goût sans faille pour la littérature et les arts, qu’elle appréhendait avec une réceptivité particulière. Sans compter l’élégance et le charme communs à tous les Malraux… A quoi s’ajoutaient ses qualités propres : l’équilibre et le sérieux.

Née de deux «monstres sacrés», elle vécut une enfance difficile – à cause de la guerre et de la séparation de ses parents – et elle en tira, a contrario, des leçons de douceur, d’urbanité et d’un calme qui savait rester ferme. Elle le prouva dès son adolescence, tiraillée entre une mère qui n’avait jamais refermé la blessure de son divorce et une famille Malraux dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’était pas ordinaire.

Florence a su construire sa vie de façon autonome. Elle s’est formée très jeune chez Gallimard puis à l’Express (celui de Françoise Giroud et Jean-Jacques  Servan-Schreiber). Elle a connu tout ce qui se faisait de plus intéressant dans le Paris littéraire et journalistique des «Trente Glorieuses», elle a épousé Alain Resnais, le grand cinéaste, et a travaillé auprès de lui pendant, là encore, de longues et riches années, toujours entourée de talents confirmés ou naissants…

 Malraux l’estimait infiniment : il avait confiance en son jugement, en sa droiture et c’est donc elle qui, après lui, eut la charge de gérer sa mémoire et son œuvre.

Voici ce qu’écrivait Françoise Wagener dans un courrier daté du 3 novembre 2018, reçu aux AIAM : «  Florence s’est révélée une amie exceptionnelle de tact et de générosité. De loyauté, aussi : elle était fidèle, attentive, agissante s’il le fallait. Et très tonique car son esprit critique se doublait d’un humour enjoué. Chez elle, la rigueur n’altérait jamais la fantaisie ni la féminité. Florence était une personne rare : elle faisait l’unanimité partout où elle passait. «Un miracle de la nature», comme il est dit du duc de Nemours dans La Princesse de Clèves, une référence qui, j’en suis sûre, l’aurait fait sourire. D’un de ces sourires très réservés dont elle avait le secret… »

Mesdames, messieurs, j’espère que vous pouvez mieux comprendre comment Florence était une personne rare. Nous sommes nombreux à penser ici que son séjour de quatre mois, à Sabadel-Lauzès, en 1940 a contribué grandement à façonner la personnalité de Florence Malraux. Elle réunissait des qualités rares. Elle nous incite à refuser la vulgarité de notre siècle . Décidément, nous avons beaucoup aimé cette personne réservée à l parole douce et mesurée.

*Pierre Coureux est le Fondateur des AIAM – Amitiés Internationales André Malraux