Rol-Tanguy

Par Roger Bourderon   Auteur : Roger Bourderon    Éditions : Éditions Tallandier 2004

Cette biographie de Rol Tanguy, sort opportunément, au moment où l’on célèbre le 60° anniversaire de la Libération de Paris. Dans ce livre le témoignage de l’un des acteurs clé de l’insurrection parisienne d’août 1944 tient une place prépondérante. Henri Tanguy s’est très tôt, à 17 ans, éveillé à la vie militante alors qu’il travaille comme ouvrier métallurgiste et qu’il adhère aux jeunesses communistes. Les événements de février 1934 lui font prendre conscience du nécessaire engagement et scellent son combat contre le fascisme. En novembre 1936, « le métallo », consciencieux et cultivé, devient permanent au siège du syndicat des métaux. En février 37, volontaire, il rejoint les Brigades internationales en Espagne. C’est en tant que commissaire politique, « profondément lié à la masse », qu’il participe au sein de la 14° Brigade aux combats de l’Ebre où il est blessé. En septembre 38, les Brigades internationales quittent l’Espagne, retour à Paris, défilés et meetings se succèdent un temps, mais les orages s’amoncellent en Europe, le « grand souffle de 36 » est passé et les relents antimilitaristes syndicaux rendent, aux anciens des Brigades, la vie peu facile. Septembre 1939, quelques semaines après leur mariage, la guerre n’est pas vraiment une surprise, pour Cécile et Henri, qui le 19 août 1940 font leurs premiers pas dans la clandestinité. Dès le début du conflit, le couple Tanguy, est resté étranger aux revirements et aux hésitations du Parti, pour eux un seul ennemi : «  lutter contre le fascisme, l’occupation, l’ordre nouveau qui s’installait en France avec le régime de Vichy  ». Très tôt, Henri est chargé dans la région parisienne, où il reprend contact avec ses camarades et les anciens des Brigades, d’organiser des comités populaires et les groupes armés et de sabotage qui vont donner naissance en février 1942 aux F.T.P. Juillet 41 le Parti lance la lutte armée, Henri Tanguy y prend toute sa part, avec un mélange de hardiesse et de nécessaire précaution, « L’expérience de l’Espagne me commandait de n’engager que des actions bien préparées ». Durant ces années, son souci permanent est la mise en place d’une stratégie claire de combat, économe des hommes, « La logique de guerre prime chez Rol sur la logique politique ». C’est le 5 juin 1944, au moment où les Alliés s’apprêtent à débarquer en Normandie qu’Henri est nommé chef régional des FFI. de la région parisienne et devient le colonel Rol Tanguy. Son premier objectif est de rendre opérationnelle cette force afin de pouvoir exécuter les plans élaborés par la France libre et les Alliés. Par sa hauteur de vue et ses qualités de stratège, c’est un véritable « chef de guerre » qui s’impose au sein de la direction régionale des FFI, vis à vis des représentants du COMAC, des délégués militaires régionaux (DMR), tiraillés entre des courants politiques différents. Début août, les Alliés approchent de Paris ; le 10, les cheminots se mettent en grève, suivis par les métallos, le métro, les PTT, la police, le 14, Rol soutient la grève et saura le 19 au matin, à la préfecture, faire basculer la police du côté de l’insurrection. Le même jour Alexandre Parodi le délégué du GPRF reconnaît son «  autorité de chef régional FFI sur toutes les forces armées de la R.P., forces gouvernementales comprises ». Dès le 18, Rol tente d’établir une liaison avec les Américains (le Cdt Gallois réussira le 22 à les joindre), le 20 et 21 il ferraille sans relâche contre la trêve du cessez-le-feu, il rappellera un peu plus tard la « désagréable impression » qu’eût de Gaulle apprenant la conclusion d’une trêve !. Enfin, le 25 août, il participe aux côtés de Leclerc et de Chaban à la signature de l’acte de capitulation de Choltitz, et raconte qu’après avoir été félicité par de Gaulle, le général lance à Jean Marin, le chroniqueur de la France libre à la BBC : « Le général allemand commandant la région du Grand Paris vient de capituler entre les mains du général Leclerc et du commandant des Forces françaises de l’intérieur ». Bel hommage indirect et gaullien au colonel et à ses FFI ! Le 28 août 1944 une ordonnance dissout les états-majors FFI des régions libérées. Pour le colonel Rol Tanguy commence une vie nouvelle, celle d’un officier d’active avec pour première mission de préparer l’intégration des FFI dans l’armée. Il termine courageusement la guerre au sein de la 1 ère Armée française, nommé Compagnon de la Libération, son intégration dans l’armée est difficile ; dans les années 46/47 l’atmosphère politique française est délétère, l’horizon international sombre et en juin 47 il quitte son dernier vrai commandement. Militaire d’active, il aura toujours une attitude irréprochable, malgré les multiples brimades, mesquineries et attaques dont il fait l’objet, à cette époque, même le Parti ira jusqu’à minorer son rôle dans la Résistance. Muté au dépôt central des isolés de Versailles en janvier 1952, il y restera dix ans, victime de son passé, de ses engagements, et en quelque sorte « remisé par la guerre froide ». Juin 1962, il reprend sa vie de militant, fidèle mais indépendant, qui garde sa liberté d’esprit, entendant rester maître de ses choix, ses rapports avec le Secrétaire général Georges Marchais sont froids. L’installation des Tanguy à Monteaux (Loir-et-Cher), éloignera davantage Henri qui vit mal l’évolution du Parti de la fin des années 80. Entouré, de son inséparable « agent de liaison » son épouse Cécile, de quelques amis loyaux, et de son immense et éclectique bibliothèque, sans rien abdiquer de ses convictions, depuis sa retraite campagnarde il devient un militant «  intransigeant » de la mémoire de ces années de la Libération. Rol Tanguy s’est éteint à 94 ans en septembre 2002.

Roger Bourderon, l’auteur de cet imposant ouvrage, a su s’effacer, devant le témoignage de son ami. Par ses commentaires il explique la logique de l’homme, qui par son talent, sa culture, son extrême exigence pour lui-même, a su se faire accepter par ceux qui n’étaient pas encore ses pairs. Il montre qu’il fut un organisateur charismatique, doué pour l’art militaire, grand stratège, dont deux de ses collaborateurs, militaires professionnels, lui disaient : « avec vous, on avait confiance ». Il démontre enfin la malveillance des controverses et des nombreuses accusations dont Rol Tanguy fut l’objet, rétablissant ainsi « la Vérité ».