Mary Jane Gold : Marseille année 40

Par Mary Jane Gold   Auteur : Mary Jane Gold    Éditions : Éditions Phébus

Mary Jane Gold, riche héritière de la bonne société américaine, arrive dans le Paris des « beaux quartiers » à l’âge de 25 ans.  Jeune femme « libre, émancipée et aux goûts modernes » elle parcourt l’Europe à bord d’un petit monoplan : « Vega Gull ».

Ses escales sont les lacs italiens, Vérone, Saint-Moritz, Davos et Biarritz et l’Hôtel du Palais, tous ces lieux feutrés et raffinés de l’Europe insouciante et des fêtes, des quelques années d’avant « l’orage ». Au printemps 40 la douce et jeune Mary Jane Gold rejoint Bordeaux puis Biarritz à travers les « routes de l’exode », son premier choc c’est la vue des occupants allemands pleins de morgue. Départ ensuite pour Toulouse et Marseille où, durant le voyage, elle côtoie « le petit peuple désemparé » dont elle se sent très proche malgré ses origines et sa fortune. Marseille en 1940, est le seul grand port « libre » de la France de Vichy, «  carrefour des désespérances, dernier refuge d’une élite intellectuelle…. une mêlée de vainqueurs et vaincus,… bravoure et couardise, héroïsme et crapulerie», où la défaite de la France paraît, à tous ces hommes et femmes réfugiés dans le Midi, bien incompréhensible. Exilés, aux poches vides, venus de Berlin, Varsovie, Vienne ou Prague, chassés de leur pays, ayant fuit les armées allemandes triomphantes, tous sont dans l’attente d’un hypothétique départ. Très vite, Mary Jane rejoint l’équipe de Varian Fry, l’un de ses compatriotes intellectuel new-yorkais, et va vivre l’aventure de ce réseau d’aide et d’évasion que fut « l’Emergency Rescue Committee ».  Pour ce réseau, cette jeune Américaine, toujours habillée de tailleurs raffinés du « dernier cri », va parcourir le sud de la France, visiter les camps d’internement afin de sauver, nombre d’intellectuels et d’artistes, que le régime de Vichy a enfermés, avant de les livrer aux Allemands. La belle et généreuse Mary Jane fait revivre dans son livre l’atmosphère si particulière de la Villa Bel-air qu’elle loue et où vont se croiser André Breton qui qualifiait les déclarations de Vichy de peu « courageuse et crétinisantes »;Victor Serge tout à la fois « révolutionnaire et surréaliste », mais aussi Jean Germähling, du mouvement Combat, et tant d’autres personnages exilés, si attachants, comme Max Ernest et Peggy Guggenheim, les écrivains Konrad Heiden, Wilhelm Herzog, la chanteuse Lotte Léonard et tant d’autres.

En toile de fond, elle tombe amoureuse de Raymond un « beau légionnaire » truand et arnaqueur, « poursuivi à la fois par la police et le milieu » qu’elle surnomme « killer », que les pensionnaires de la villa Bel-air ne supportent pas et que Mary Jane fera passer à Londres après avoir connu avec lui à la foi l’amour et la pègre marseillaise.

Quel roman, que les souvenirs de « cette jeune Américaine et bien-pensante héritière », qui se dévoua corps et âme pour sauver avec l’équipe Fry quelques milliers d’hommes et de femmes de la barbarie nazie. Mélange des genres dans ces souvenirs, sans doute ; c’est la révolte généreuse de cette jeune femme devant l’occupant et les lois iniques de Vichy, son courage physique, son amour de l’action qui donnent toute la force à ce récit.

Pierre Sauvage son exécuteur testamentaire, souligne dans sa postface l’extrême pudeur de Mary Jane, qui ne relate pas dans ses souvenirs, « the Gold list », c’est à dire l’aide financière qu’elle accorda, et qui permit d’étendre l’action de la mission Fry, vers d’autres réfugiés relativement plus anonymes.

Mary Jane Gold est décédée à 88 ans le 5 octobre 1997, dans la villa « Bel-air » à Cassin sur la Côte d’Azur qu’elle avait acquise vingt auparavant.

(préface d’Edmond Charles-Roux – postface de Pierre Sauvage)