Les Larmes de la rue des Rosiers

Par Alain Vincenot   Auteur : Alain Vincenot    Éditions : Editions des Syrtes

Rue des Rosiers : le « quartier juif » de Paris. Il remonte au Moyen-Âge. A partir du

– © Editions des Syrtes

XIXe siècle, beaucoup de Juifs d’Europe de l’Est, fuyant l’antisémitisme, y ont posé leurs valises. Il l’ont appelé le Pletzl, la « petite place », en yiddish.

Aujourd’hui, le Pletzl s’est « modernisé ». Mais ses murs n’ont oublié ni les joies du passé ni les malheurs endurés. Ils parlent pour peu qu’on sache les écouter. Comme parlent les anciens, dont les parents s’étaient enracinés sur ces quelques hectares parisiens. Avant guerre, ils avaient connu un village chaleureux, avec ses odeurs de charcuterie, de fromage fermenté et de hareng mariné, ses paliers vétustes et surpeuplés, ses ateliers… L’Occupation leur a volé leur enfance, leur adolescence.

Au 36, rue des Rosiers, le père de Suzanne Malamout, Joseph, ouvrier boulanger, venait de Russie, sa mère, Malka, de Roumanie. Ils seront assassinés à Auschwitz, ainsi que trois des cinq frères de Suzanne et ses deux sœurs. Des parents de Victor, Maurice et Régine Zynszajn, épiciers au 54, il ne reste que quelques lettres écrites à Drancy, avant leur départ pour une « destination inconnue ». Egalement déportés, le père de Léa Stryk-Zigelman, Salomon, maroquinier à domicile 8, rue des Guillemites ; celui de Sarah Romen-Traube, Jacob, poissonnier sous le porche du 27, rue des Rosiers ; celui de Clément Lewkowicz, Hersz, boucher au 12, arrêté avec fille, Rosette, 12 ans. Mordka, le père de Milo Adoner, disait à ses six enfants : « Il faut rester ensemble. » Milo est le seul survivant de la rafle qui vida le 10-12, rue des Deux-Ponts de sa cinquantaine de familles. Jacob, le père d’Alexandre Halaunbrenner, 25, rue des Rosiers, fut fusillé pour acte de résistance. Son frère, Léon, 14 ans, mourut en Haute-Silésie. Ses deux petites sœurs, Mina 9 ans, et Claudine 5 ans, furent raflées, par Klaus Barbie, à Izieu… Les témoignages, recueillis cimentent un chapitre de l’histoire de France. Une « description de la rue des Rosiers et des rues avoisinantes… bouleversante de vérité vécue et partagée », écrit Elie Wiesel.