Le Front Yougoslave pendant la seconde guerre mondiale.

Par Frédéric Le Moal   Auteur : Frédéric Le Moal    Éditions : Éditions Sotéca 2012

Dans l’historiographie française de la seconde guerre mondiale, les événements et les combats qui se déroulèrent dans les Balkans sont assez peu présents ; pourtant cette région de l’Europe fut l’un des théâtres majeurs de ce conflit.

La Yougoslavie est née en décembre 1918, sur les décombres de l’empire Austro-Hongrois, dans des territoires à l’histoire agitée et au croissement d’antagonismes ancestraux interethniques et religieux. Pendant l’entre deux-guerres le pays connaît une situation politique interne complexe entre des mouvements nationalistes serbes hégémoniques et les autres diverses composantes minoritaires et religieuses du pays. « La dictature royale » d’Alexandre, puis du Régent Paul ne sauront pas régler les problèmes qui se posent au pays.

Contre son gré, en avril 1941, la Yougoslavie est entraînée dans le conflit et écrasée en à peine douze jours. Le livre que vient d’écrire Frédéric le Moal, docteur en histoire contemporaine à l’Université Paris IV Sorbonne, nous éclaire sur la complexité des comportements politiques des différentes communautés et sur le rôle des multiples acteurs intérieurs et extérieurs qui se déchirèrent d’avril 1941 à fin 1945.

Après leur victoire, les puissances de l’Axe procèdent au redécoupage du pays. Naît une « grande » Croatie dirigée par un régime dictatorial et à la solde des Nazis. L’Italie occupe les côtes dalmates et quelques territoires slovènes et bosniaques, tandis que le « réduit » Serbe est dirigé par une administration à la dévotion de l’occupant.

Ce redécoupage va plonger le pays dans un effroyable bain sang avec pour seul logique « l’épuration ethnique ». Très tôt l’occupant hitlérien met en place un premier génocide : celui de l’extermination des juifs avec la complicité des quelques mouvements collaborationnistes serbes et l’aide des oustachis « complices zélés » Un second génocide balaie l’espace croate et bosnien : celui dont seront victimes un demi-million de serbes. Ce génocide perpétué avec une extrême fureur par les oustachis, trouve ses racines dans l’idéologie oustachie qui comportait une forte composante raciale. Au regard de ces deux génocides l’occupant italien ne les cautionne pas et sauvera de la déportation, jusqu’en 1943, plusieurs milliers de Juifs en particulier en Croatie. Avant d’être eux-mêmes victimes de massacres quand en juillet 1943 Mussolini est renversé.

L’occupation germano-italienne de l’espace yougoslave, au nom du maintien de l’ordre, est violente et répressive vis-à-vis des populations civiles. La faiblesse numérique des occupants explique pour une grande partie les cycles ininterrompus des représailles cruelles qu’elles subiront : « dans ce domaine les Italiens ne se distinguent guère des Allemands ».

Pour l’historien, auteur de cet ouvrage, les résistances ne joueront qu’un rôle mineur très loin de l’image entretenue après-guerre par une certaine forme de reconstitution romanesque des évènements historiques. C’est une résistance divisée qui s’oppose aux occupants : celle conduite par le général Mihailovic – Serbe nationaliste et légitimiste – et celle du communiste Tito. Tous les opposent de leurs motivations politiques à leur idéologie.

Mihailovic et ses Tchetniks considérés au début comme des « héros de la Résistance européenne » se perdront assez vite, dans des compromissions avec l’Italie puis avec les nazis pour lutter par anticommunisme contre Tito et ses partisans avec l’aval des chefs de la Wehrmacht qui sauront jouer des tensions entre ces résistances désunies. Tito, plus stratège politique que militaire et faiblement soutenu par Staline au début saura habilement jouer des liens entretenus par son rival avec l’occupant et s’imposer comme le leader de la résistance Yougoslave. Pragmatiques les Alliés en particulier les Anglais se tourneront, sans beaucoup de discernement, à partir de décembre 1943 vers un Tito « audacieux et sans scrupule » qui règnera en maître absolu jusqu’à sa mort le 4 mai 1980.

Ce livre nous éclaire sur la dynamique complexe et meurtrière qui se déchaîna pendant près de quatre ans dans ce pays, le laissant fracturé, avec pour bilan 1 700 000 victimes dont 1 400 000 civils et qui quarante-cinq ans plus tard implosera à nouveau.