La pierre qui parle 1940 – 1945

Par Marie Gatard   Auteur : Marie Gatard    Éditions : Éditions l’Esprit du Livre 2008

« La pierre qui parle »… Marie Gatard journaliste va, tout au long de ce livre émouvant et fort bien écrit, nous la faire entendre… la faire parler.

Cette pierre est d’abord un monument, un mémorial, situé à Ramatuelle, sur lequel sont gravés trois cents vingt noms de femmes et d’hommes, venant de tous les horizons et morts pour faits de Résistance, « dans le champ des services spéciaux ». Ramatuelle, petite commune du Var, est quelque part inscrite dans l’histoire de ces femmes, de ces hommes et de leurs réseaux. En effet, c’est près d’une plage de ce petit village que, par des nuits de pleine lune, débarquaient, des sous-marins échappés du sabordage de Toulon comme le fameux Casabianca, des agents secrets venus aider la Résistance à lutter contre l’occupant allemand ou italien.

Derrière ces trois cents vingt noms se cache le destin exceptionnel de ces femmes et de ces hommes peu loquaces qui, quand ils entraient dans les Services Spéciaux, s’engageaient à ne pas parler pendant cinquante ans …et, disaient-ils, « après on oublie…et puis on meurt ». Pour éviter qu’une chape de silence ne se referme pas sur leurs actes de résistance et de bravoure, Marie Gatard s’est immergée dans les archives pour faire parler quelques-uns de ces trois cents vingt « muets » de l’ombre.

Quelles figures retenir ici pour rendre compte de ce livre ?

Celle de Pauline Duhalde « la Fée » aux rayonnants yeux verts, dix-neuf ans et seul maillon d’un réseau de renseignements de l’armée de l’air en Normandie ; celle de Stephan Friedmann que les S.R français infiltreront jusqu’à l’hôtel Majestic, siège de la Gestapo à Paris ; ou encore celle de « MAD » – c’est son pseudonyme – honorable correspondante des services secrets français, qui fournira une moisson d’informations importantes grâce à son amitié avec un officier autrichien, proche de l’Amiral Canaris, traditionaliste, légitimiste, et antinazi convaincu. Retenons aussi cette figure, un peu plus connue, de Robert Keller, ingénieur des P.T.T., qui avait réalisé une dérivation clandestine – « la Source K » – à partir du câble Paris-Metz qui reliait les autorités d’occupation à leur hiérarchie à Berlin et permettait d’écouter leurs conversations.

Dans sa plongée aux archives à laquelle elle s’est livrée, Marie Gatard nous refait revivre la lutte souterraine et complexe entre l’occupant nazi et les services de renseignements et du contre-espionnage français dirigés par le Colonel Rivet et le Capitaine Paillole, grands professionnels dont l’engagement était profondément anti-allemand.

Toutes les femmes et tous les hommes dont les noms sont gravés sur cette  pierre – mémorial ont connu une fin tragique. Beaucoup ont laissé des lettres, les dernières avant de mourir, où « ils demandaient pardon aux leurs pour la souffrance qui les attendait…mais avaient la certitude que leur mort avait un sens qui allait au-delà de leur personne… ».

Grâce à ce beau livre et à travers ces quelques hautes silhouettes de héros : trois cents vingt noms ont parlé et retrouvé un visage.