Emmanuel d’Astier de la Vigerie -Combattant de la Résistance et de la Liberté

Par Geoffroy d’Astier de la Vigerie   Auteur : Geoffroy d’Astier de la Vigerie    Éditions : Éditions France – Empire 2010

Geoffroy d’Astier de la Vigerie, petit neveu d’Emmanuel, vient de publier Emmanuel D’Astier de la Vigerie – Combattant de la Résistance et de la Liberté 1940-1944 aux Editions France-Empire. Ce livre, quarante ans après sa disparition, fait revivre « Bernard » – c’est-à-dire Emmanuel d’Astier de la Vigerie : personnage hors du commun, « …beau, racé, élégant » pour son ami Kessel, « …charmeur, insaisissable, rusé » selon Jean Moulin, un « homme qui ne ressemblait à personne » pour Pierre Viansson Ponté. Préfacé par Raymond Aubrac, qui fut avec son épouse Lucie, l’une des figures du mouvement Libération-Sud, cet ouvrage retrace pas à pas le parcours dans la Résistance de « Bernard ». Emmanuel d’Astier de la Vigerie « écrivain raté », il le dira lui-même, était le cadet d’une nombreuse famille dont trois garçons, François, Henri et Emmanuel, seront Compagnons de la Libération. Lui sera aussi le créateur de l’un des plus grands mouvements de Résistance Libération-Sud. Pour Daniel Cordier il fut l’un des premiers chefs résistants, « à comprendre qu’il ne pourrait étendre son recrutement qu’en concordance avec le gaullisme » et Jean-Louis Crémieux-Brilhac souligne que « d’Astier est le premier chef d’un mouvement de Résistance de la zone « libre » qui vienne faire hommage à De Gaulle ». En juin 1940, il fit partit de ces femmes et de ces hommes qui n’entendirent pas l’Appel du 18, mais le discours de Philippe Pétain du 17. N’acceptant pas les propos tenus par le vieux maréchal, la honte qu’en ressentit d’Astier le conduira à « rechercher une dignité » et c’est ce sentiment de dignité qui va le « jeter » dans la Résistance. De ses premiers pas « chimériques » et de ses rencontres avec Lucie Aubrac, Georges Zérapha, et Jean Cavaillès naîtra la dernière colonne « celle qui se battrait »,  avant de devenir dans le courant de l’année 1941 le mouvement Libération-Sud. Le premier numéro du journal Libération prend clairement pour cible Vichy et « les traîtres », il sort en juillet 1941 tiré à 10 000 exemplaires. Pour Lucie Aubrac c’est sous la « bannière de la fraternité », que se développera le mouvement intégrant progressivement socialistes et syndicalistes, les rencontres entre d’Astier, Yvon Morandat et Daniel Mayer y contribuant, donnant ainsi à Libération-Sud une connotation sociale. Très vite, après les premières rencontres avec Frenay apparaîtront les divergences de deux caractères inconciliables, celui d’un militaire et celui d’un « gourou » comme le qualifiait Raymond Aubrac. Le souci d’indépendance de d’Astier ajouté à une certaine détestation des hiérarchies et des acteurs politiques et militaires seront les causes de ces dissensions. Arrivé à Londres de manière précipitée et rocambolesque en mai 1942, sa rencontre avec le général de Gaulle telle que le relate son petit neveu fut un véritable « coup de foudre », Charles de Gaulle devenant pour « Bernard », qui avait tout de suite ressenti la grandeur de l’action du général, le « symbole » même de la Résistance ; premier voyage qui donnera à d’Astier un certain prestige auprès des chefs de la Résistance, but qu’il chercha sans aucun doute. Il faut être grès à l’auteur d’évoquer, dans son livre, la quotidienneté du mouvement Libération-Sud, et aussi plus largement du combat des Résistants, des aléas de leurs voyages, de leurs dissensions, des arrestations, et de la lutte sans pitié de l’ombre contre l’occupant. Au fil du livre apparaissent des portraits de « ces compagnons de la vie secrète » dont les noms pour la plupart sont aujourd’hui malheureusement oubliés ou presque comme ceux de Pascal Copeau, Pierre Hervé Jean Rochon et bien d’autres encore. C’est à Londres qu’Emmanuel d’Astier, s’inspirant d’une vieille mélodie russe écrira la Complainte du Partisan et demandera à son ami Kessel d’écrire un chant de la Résistance affirmant : « qu’on ne gagne les guerres qu’avec les chansons ». Ce sera le Chant des Partisans qui naîtra du talent de son ami et de celui de Maurice Druon. Début 1943 la coordination des mouvements de la Résistance l’emportera sur la fusion et après un nouveau séjour en septembre 43 à Londres Emmanuel d’Astier rejoint fin octobre Alger où avec beaucoup de réticence il accepte du général de Gaulle le poste de Commissaire à l’Intérieur du C.F.L.N. Le Résistant « Libre » qu’il était ne s’effacera jamais devant l’homme d’Etat qu’il était provisoirement devenu. Après la Libération fidèle aux valeurs de la Résistance qu’il avait défendues avec idéalisme et panache il restera dans la vie politique française l’homme inclassable qu’il était.

C’est un livre intéressant à plus d’un titre, que vient d’écrire son petit neveu Geoffroy, indéniablement fasciné par son grand oncle qu’il appelait « Mané ». Livre rappelant aussi le parcours dans la Résistance de ses deux grands oncles François et Henri qui dans la France Libre jouèrent un rôle majeur et celui de sa famille en particulier de son neveu Jean Annet déporté et de sa nièce Bertrande.

Enfin n’était- il pas judicieux que quarante ans après sa mort une biographie paraisse sur l’un des grands acteurs de la Résistance et rappelle qu’il fut « …un grand talent et un cœur généreux. ».