Aumônier de la France – Mémoires –

Par René de Naurois   Auteur : René de Naurois    Éditions : Éditions Perrin 2004

Ni mémoires « d’un moine soldat », ni mémoires d’un « homme d’armes » mais, plus tôt celles d’un homme de Dieu, témoin clairvoyant, qui au soir d’une vie consacrée au service des hommes se souvient et « encourage les veilleurs d’aujourd’hui à agir sans haïr ».

Après une enfance de « traîne-buisson », dans la propriété familiale toulousaine, élevé dans un milieu catholique et résolument républicain est marqué comme tous les adolescents de son âge (il est né en 1906), par le départ « des hommes » à l’été 14. Très tôt il songe au sacerdoce, puis suit de longues études universitaires tout en s’investissant dans les équipes sociales qui dans les années 20 tentent de proposer une alternative à l’idéologie de la lutte des classes. Quelques hommes le marqueront, Aron, Mounier, Nizan et en particulier Mgr Saliège archevêque de Toulouse qui l’ordonna prêtre en 1936.

Dès l’été 33, il s’initie aux études germaniques et fait de nombreux séjours en Allemagne, « dans les brumes de la Germanie », au moment où ce pays entre dans un processus funeste d’arrestations arbitraires et d’antisémitisme. « Témoin-veilleur » René de Maurois raconte ce qu’il a vu : de la malfaisance du nazisme aux camps de concentration, mais la plupart de ses interlocuteurs, comme beaucoup de Français de ces années là, feront preuve d’une bien étrange cécité.

Après la défaite de 40, (il faut relire avec lui le journal qu’il a tenu de septembre 1939 à juillet 1940 : édifiant !), décidé à reprendre la lutte contre les nazis il veut rejoindre de Gaulle, Mgr Saliège l’en dissuadera momentanément. Il passe alors quelques mois à l’école des cadres d’Uriage, mais très vite il juge l’attitude de l’école, par trop attentiste vis à vis du régime de Vichy et de l’occupant. Obligé de quitter Uriage, il entre dans la résistance, à Toulouse, avec le mouvement Combat.

Recherché par la Gestapo, il rejoint les FFL, cette fois avec la bénédiction de Mgr Saliège, et en mars 1942, il arrive à « Patriotic School ». Avant de s’élancer, sur les plages normandes avec les commandos du Cdt Kieffer, René de Naurois, devenu Aumônier général des FFL, fait connaissance des arcanes de la France libre à Londres, qu’il décrit avec humour et trace dans son livre quelques portraits attachants des héros de la France combattante qu’il a côtoyé comme Schumann, Brossolette, Passy, Frenay et bien d’autres, ainsi que quelques figures de l’armée anglaise comme Lord Lovat avec lequel il débarque à l’aube du 6 juin 44.

Sur les côtes normandes, en première ligne, il confesse les combattants, soulage les blessés, bénit les morts, et dans la souffrance et le bruit fracassant des combats est pour tous : le réconfort des âmes et des corps. Après les combats de Normandie, il suit sans l’ombre d’une hésitation les commandos qui partent pour la Hollande. Après la prise de l’île de Walcheren, épuisé par la fatigue accumulée depuis des mois, René de Naurois est hospitalisé en Grande Bretagne après avoir été décoré de la « Military Cross ».

Octobre 45, chargé des affaires religieuses au sein du Conseil du contrôle interallié, il retrouve l’Allemagne, mais dans quel état !, nombreux étaient ses habitants écrit-il « qui se rendaient compte peu à peu de l’horreur dont ils avaient été les instruments ». Fait Compagnon de la Libération et Chevalier de la Légion d’honneur le même jour dans la cour d’honneur de l’hôtel des Invalides, il devait inlassablement dans cette après-guerre troublée se pencher sur les blessures des hommes et de la société et continuer ce rôle du « témoin-veilleur » qui avait risquer sa vie « sans jamais haïr les hommes mais en haïssant leurs idéologie ».

Après avoir repris le chemin de l’Institut catholique de Toulouse pour y enseigner la théologie fondamentale, il se livra peu à peu à l’une de ses passions : la biologie animale et devint l’un des grands spécialistes mondiaux de l’ornithologie insulaire.